Formation ludique événementiel et thêatre

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LKN-Logos Knowledge Network

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Formation ludique-événementiel et thêatre dans l’organisation Par Fernando Salvetti, PDG de LKN-Logos Knowledge Network, à l’occasion de son témoignage à l’université de Genève.

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Transmission de connaissances et développement de compétences La transmission de connaissances est fondamentale La transmission de connaissances est fondamentale. Mais il faut aussi « apprendre à apprendre », revenant au précepte de Montaigne : « J'aime mieux forger mon âme que la meubler »1. L'esprit est non seulement une vasque à embellir de belles connaissances. C'est aussi une matrice vivante qui appelle exercice et formation. Les ressources stratégiques de base ne sont plus (ou seulement) le capital financier ou le travail, ni d’autant moins les ressources naturelles, mais les rapports, les connaissances, le capital humain et intellectuel. Les croyances, les aptitudes et l’imagination, aussi que le networking pour la remise au même dénominateur d’expériences, aptitudes et connaissances et, donc, la capacité à apprendre, importent plus que les capitaux physiques, technologiques et financiers traditionnellement au milieu des scénarios économiques et organisationnels 2. Aujourd'hui, par exemple la Commission Européenne élabore une nouvelle approche en investissant davantage dans l'alliance de compétences flexibles et interactives3. Accroître la faculté d'adaptation des jeunes générations - leur capacité à résoudre des problèmes, leur sens de l'analyse, leur habilité à communiquer - c'est leur permettre de développer leur créativité et leur esprit d'innovation. Nombreuses sont aujourd'hui les entreprises qui sont déjà à la recherche de ce modèle de compétences. Désormais, les systèmes d'éducation et de formation offriront, à la fois de solides compétences de base ainsi que des compétences techniques et professionnelles propres.

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Michel de Montaigne, Essais, 1572: cf. Odile Quintin, Europe 2015: investments in education and training, in Barbara Bertagni, Michele La Rosa & Fernando Salvetti (eds.), Learn how to learn! Knowledge society, education and training, e-book, Angeli, Milan, 2009. 2 Cf. Martin J. Eppler, Ways of knowing, Wissenswege, Huber, Bern, 2008. 3 Improving Competences for the 21st Century: An Agenda for European Cooperation on Schools, Communication from the Commission to the European Parliament, the Council, the European Economic and Social Committee and the Committee of the Regions, July 2008. À propos cf. Odile Quintin, ibidem.

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Un second volet de compétences transversales est de grande importance : les compétences sociales et interculturelles. Notre avenir est celui d’un monde toujours plus diversifié4. L’exigence de former des personnes très qualifiées, intégrées dans la culture locale, doit pouvoir s’accorder de concert à la nécessité de pourvoir les compétences nécessaires se rapportant à une société qui a exclusivement des limites planétaires. En plus de ces éléments et à la lumière des principales transformations du marché de l’emploi, il faut mettre l’accent sur l’importance de distancer la connaissance par une logique visée à la formation de l’individu, non seulement à l’égard des éléments liés au travail et au milieu productif, mais aussi au respect de sa croissance personnelle et sociale (empowerment et selfempowerment) en tant que sujet responsable et actif relatif à cette connaissance : mettre et remettre en jeu sur le marché du travail qui est mobile, fluide, flexible et instable. Le rôle de l’individu, comme ressource, devient central et son identité professionnelle n’évoque pas seulement une aptitude technique, mais aussi un capital humain à construire et à reconstruire tout au long de l’existence. Donc les caractéristiques que les « nouveaux » travailleurs doivent posséder évoluent : ils ne doivent pas simplement acquérir des connaissances générales ou des compétences spécialisées, mais aussi et surtout de disposer d’une inclination à apprendre, d’une capacité à saisir les signaux du revirement et de réagir aux problèmes, d’acquérir de la flexibilité et de la propension à la mobilité. Aux compétences traditionnelles s’ajoutent aujourd’hui des compétences générales et transversales (ou méta-compétences)5, qui permettent donc au travailleur de se mouvoir au milieu de contextes de moins en moins réglés. De même que « l’e-competence » est un mot, et une demande de plus en plus présente sur le plan du travail il l’est aussi sur les scénarios de notre existence 6. 4

Cf. Howard Gardner, Education for the new century, in Barbara Bertagni, Michele La Rosa & Fernando Salvetti (eds.), Learn how to learn! Knowledge society, education and training, e-book, Angeli, Milan, 2009; Fernando Salvetti et Barbara Bertagni, Education and Europe. How to grasp global and interconnected problems?, ibidem; Philippe Herzog, Educational change: a global challenge, ibidem. Fernando Salvetti, Knowledge governance and ethos: managerial work in the foreseeable future, in “Philosophical Practice”, Journal of the American Philosophical Practitioners Association edited by Lou Marinoff, Routledge, vol. 2, n. 3, November 2006. 5 Michele La Rosa, Talking about metacompetences concerning training: how and why, in Barbara Bertagni, Michele La Rosa & Fernando Salvetti (eds.), Learn how to learn! Knowledge society, education and training, e-book, Angeli, Milan, 2009. 6 Lorenzo Cantoni & Catherine McLoughlin (eds.), Proceedings of ED-MEDIA 2004 [World Conference on Educational Multimedia, Hypermedia & Telecommunications], Association for the Advancement of Computing in Education (AACE), Norfolk (Va) 2004; Steffi Engert & Michael Kerres, Integral strategies for the transition of universities to the Digital Age, paper, Educa Online Theme: Transforming traditional universities with ICT, Berlin; Lorenzo Cantoni & Chiara Succi, Elearning acceptance and rejection into corporations: a map, in Barbara Bertagni, Michele La Rosa & Fernando Salvetti (eds.), Learn how to learn! Knowledge society, education and training, e-book, Angeli, Milan, 2009.

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Mettre en réseau, partager, créer des systèmes cognitifs Le concept d’acquisition devient le noyau Le concept d’acquisition, ainsi que celui des connaissances en réseau et du networking, devient le noyau autour duquel aujourd’hui l’organisation de la formation tourne, à n’importe quel niveau, par une perspective qui en souligne le caractère constructif : chaque sujet s’engage pour accroître ses capacités. Il a conscience de son point de vue par une activité continue d’organisation et de réorganisation, de ses connaissances par un processus dans lequel la personne assume (ou devrait assumer) un rôle actif, en insistant sur la façon d’apprendre et d’engendrer de l’acquisition. En effet, la knowledge economy demande des modèles de fonctionnement d’organisation flexibles, orientés à l’interaction continue avec les clients et au contrôle de la qualité, qui se fondent sur un emploi intense des ressources de la connaissance. Il nous faut donc accentuer les capacités d’interaction avec l’extérieur, de création et de réélaboration des connaissances, de raccord entre les dimensions cognitives et comportementales des actions des individus et des groupes, dans des situations opératives. Le cœur de la stratégie d’une organisation n’est pas dans la structure de ses produits et de ses marchés, mais dans ses capacités dynamiques et, donc, dans le dynamisme de ses comportements. En ce qui concerne les entreprises en particulier et les autres organisations, la plupart des managers ont commencé à considérer, seulement ces dernières années, les connaissances et les compétences comme des ressources stratégiques nécessitant de gérer le personnel ou les matières premières de la même façon que les flux de caisse. Particulièrement pour les organisations visant à être considérées comme des learning organizations, c’est à dire des systèmes cognitifs qui sont à même de structurer les connaissances et les comportements de ceux qui en font partie, la knowledge governance - et donc la gestion du capital humain et intellectuel, ainsi que d’autres intangibles - constitue un objectif stratégique (et pour cela critiqué). Le travail manageriel du futur sera, aujourd’hui plus qu’hier, en termes de développement du capital humain et intellectuel : signe de création de connaissance, d’organisation, de gestion et développement des connaissances, des aptitudes et des capacités, afin de les diffuser à l’intérieur/l’extérieur des organisations et les traduire en produits, services et systèmes opératifs.

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Ayant conscience que la connaissance est un objet complexe et polyédrique - à côté des connaissances verbales (ou malgré tout verbalisées et racontées) ou numériques - on trouve des insights subjectifs, des intuitions, des modèles mentaux, des croyances, des perceptions et des différents aspects de celle-ci qui est généralement connue comme connaissance tacite et qui nous rappelle que nous pouvons connaître et maîtriser en plus de ce que nous savons exprimer. De plus, il est peu probable que les connaissances les plus précieuses seront apprises et transmises par des modalités directes, que nous sommes habitués à reconduire au rationalisme cartésien. Ayant bien conscience que les technologies, par elles-mêmes, ne peuvent pas assurer l’emploi optimal du capital humain et intellectuel, et que l’élément clef le plus important afin d’utiliser (ou, de savoir, « exploiter » avec profit) entièrement les connaissances et les capacités, consistent à renforcer une culture organisationnelle qui vise à partager les connaissances et les compétences. « Le problème au sujet de comment un système de connaissance se détache et comment chaque bien collectif créé est le même »7: propos de Mary Douglas, anthropologue, qui a exploré les rapports parmi les esprits individuels, les cultures et la société. Connaître est une des activités humaines soumises au plus grand conditionnement social et la connaissance est une « structure sociale »8 et, donc, un bien collectif. En tant que personne, nous avons une rationalité (très) limitée et, en constituant les organisations, à un premier niveau, nous étendons les limites de notre capacité à repérer, élaborer et gérer les informations. À un deuxième niveau, par l’organizing nous parvenons à créer de nouvelles informations, connaissances, capacités et compétences utiles pour trouver/redéfinir les solutions à nos problèmes de travail. À un troisième niveau, par ces activités nous parcourons des chemins qui, quand ils ne s’interrompent pas, nous permettent de reconnaître nos ways of worldmaking9: à savoir qu’ils nous donnent la possibilité 7

Mary Douglas How institutions think, Syracuse University Press, Syracuse, 1986. Ainsi que, par exemple, Ludwig Fleck, Genesis and Development of a Scientific Fact, University of Chicago Press, Chicago, 1981 (reprint). Un thème évidemment sans bornes: personnellement je pense que sont utiles, comme des mappes pour brasser la navigation, les voix connaissance et épistémologie du dictionnaire de philosophie par Nicola Abbagnano (Dizionario di filosofia, Utet, Torino, 1988), l’anthropologie de la connaissance par Yehuda Elkana (A programmatic attempt at an anthropology of knowledge, in Everett Mendelsohn & Yehuda Elkana, eds., Sciences and cultures. Sociology of the sciences. Vol. V, pp. 1–176. D. Reidel Publishing Company, Dordrecht, 1981), la sociologie de la culture par Wendy Griswold (Cultures and societies in a changing world, Pine Forge Press, Thousand Oaks, CA, 2008) et l’histoire sociale de la connaissance par Peter Burke (Social history of knowledge : from Gutenberg to Diderot, Blackwell, London, 2000). En ce qui concerne, en particulier, l’organisation d’entreprise, la synthèse au sujet du knowledge management par Daft, Organization theory and design, 7th ed., South West College Publishing, 2001 peut être utile. 9 Sur les ways of worldmaking cf. Nelson Goodman, Ways of worldmaking, Hackett Publishing, Indianapolis, 1978 et Mary Douglas, ibidem, elle-même (1990). Cf. aussi Arie De Geus, Planning for learning, in “Harvard Business Review”, 1988. 8

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de découvrir les modalités par lesquelles nous créons les mêmes réalités organisationnelles et de marché, dans lesquelles nous nous conduisons. Voilà le point clef : la création sociale, intersubjective, de la réalité10. En d’autres termes, l’organisation peint son scénario, l’observe à la jumelle et cherche à trouver un chemin dans le paysage11. Il suffit de rappeler, à ce propos, que l’idée la plus élémentaire de notre logique, celle de la similarité, dépend de l’interaction sociale12. Evidemment, le fait que la signification des « choses » et, en général, les images de la « réalité » sont collectives, c’est-à-dire partagées par les autres personnes qui vivent plongées dans la même culture et qu’elles sont inculquées par l’interaction sociale, rend difficile la compréhension dès que nous sommes suspendus dans le réseau de signification que nous avons tissé nous-mêmes13. Les systèmes de connaissance, comme réseaux de signifiés partagés, sont des réalités construites au point de vue sociale : notamment, en s’adressant aux organisations. Nous pouvons dire que « la réalité » est davantage définie par des liens et des accords interpersonnels que représentée par les conditions du monde physique ou naturel. Et les entités construites au point de vue sociale existent seulement si leurs membres pensent qu’elles existent et ils se conduisent en conséquence. À l’intérieur des organisations, donc, il règne un niveau de connaissances explicites qui peut trouver une expression numérique et verbale et être communiquée et partagée simplement sous forme de procédures, formules et axiomes. Mais il existe aussi un niveau important de connaissances tacites, peu formalisables, comme les valeurs de référence ou comme, plus simplement, l’ensemble des capacités exprimables par le terme know-how. Et dans la connaissance tacite, est implicite une dimension cognitive particulièrement important constituée par des schémas, des modèles mentaux, des croyances et des perceptions subjectives, ainsi consolidés qu’ils sont axiomatiques – car, bien que leurs explicitations soient difficiles, ces modèles implicites ressoudent notre façon de percevoir le monde environnant. Pour comprendre les dynamiques qui engendrent les réseaux de significations partagées, les lois et les valeurs de référence, les formes 10

Il faut citer au moins un classique: Peter Berger & Thomas Luckmann, The social constuction of reality, Anchor, Garden City, 1967. 11 Cf. Karl Weick, The Social Psychology of Organizing, 2nd ed. McGraw Hill, New York, 1979. 12 Comme Douglas, ibidem, souligne, il est ingénu de traiter l’identité qui caractérise les membres d’une classe comme une qualité inhérent aux choses ou comme un pouvoir de reconnaissance inhérent à l’esprit. Les comparaisons parmi de nombreuses cultures manifestent que aucune superficielle identité de caractéristiques explique comment les éléments sont attribués à une classe. 13 D’autres classiques Clifford Geertz, The interpretation of cultures, Hutchinson, London, 1975 et Jerome Bruner, Acts of meaning, Harvard University Press, Cambridge Mass., 1990.

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et les expériences par lesquelles les croyances, les émotions, les valeurs et les principes d’actions sont exprimés, affirmés, communiqués et respectés (ou violés), il faut remarquer les assertions tacites et implicites - souvent inconscientes - qui contribuent à structurer la façon dont les membres d’une organisation perçoivent, pensent et entendent14. La connaissance, donc, est un objet complexe et polyédrique: à côté des connaissances verbales (ou malgré tout verbalisées et racontées) ou numériques, nous trouvons des insights subjectifs, des intuitions, des modèles mentaux, des croyances, des perceptions et les différents aspects de cette vie qui habituellement est définie comme connaissance tacite15 et qui nous rappelle que nous pouvons connaître et maîtriser en plus de ce que nous savons exprimer. De plus, il est peu probable que les connaissances les plus précieuses puissent être apprises et transmises par des modalités directes, qui appartiennent à la famille de ce que nous, occidentaux, nous sommes habitués à reconduire au rationalisme cartésien. On ne trouve pas la considération dans n’importe quelle pyramide en grimpant jusqu’au sommet, mais en reconnaissant les parcours qui amènent aux trésors qui sont cachés à l’intérieur. La knowledge economy semble favoriser les organisations structurées par un modèle réticulaire, capables d’anticiper la mutabilité de l’environnement extérieur par une créativité et une flexibilité élevées. Les organisations flexibles peuvent être efficaces et proactives sur le marché de référence grâce au développement de ce facteur compétitif qui est représenté par la connaissance et les compétences relatives et distinctives de différentes cultures d’entreprise. Et pour permettre aux organisations de se développer en suivant cette ligne directrice, il faut les articuler en de petites et moyennes unités productives basées sur des teams inter-fonctionnelles autogérées. Il faut aussi l’implémentation de networks informatiques intégrés, la capacité d’établir avec le client – à l’aide également à l’information technology et à la numération – un rapport fondamentalement stable, et, last but not least, l’emploi actif du cerveau de la plupart de gens disponibles.

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Cf. par exemple la corporate culture survival guide par Edgar Schein (Jossey-Bass & Wiley, 1999). 15 En plus du classique Michael Polanyi (The tacit dimension, Routledge & Kegan Paul, London, 1966), cf. Ikujiro Nonaka & Hirotaka Takeuchi, The knowledge-creating company, Oxford University Press, Oxford, 1995, qui d’ailleurs soutiennent comme l’un de plus importants représentants de l’école d’économie autrichienne, Friedrich August von Hayek, The use of knowledge in society, in American Economi Review, 1945, souligna tel qu’un pionnier l’importance de la connaissance tacite, spécifique du contexte et de la particularité des circonstances d’espace et de temps, même si il ne réussit pas à saisir à fond l’importance du processus de conversion de la connaissance spécifique du contexte, largement tacite, en connaissance explicite. Cf. aussi Richard Daft, Organization theory and design, 7th ed., South West College Publishing, 2001: la connaissance explicite (savoir quoi) est celle qui peut être codifiée, couchée par écrit et transmise, tandis que la connaissance implicite ou tacite (savoir comment) est souvent très difficile à traduire en mots car elle se fonde sur l’expérience personnelle, des règles approximatives, l’intuition et les jugements subjectifs, des compétences pratiques et des solutions créatives.

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La gestion des connaissances et des capacités : esprit de frontière et « ways of world-making » Esprit de frontière et « ways of world-making » Le consolidement d’une idée, ainsi qu’en général le développement et la gestion des connaissances et des capacités, sont des processus sociaux qui doivent être considérés très sérieusement et doivent être gérés avec autant d’attention et, surtout, de discrétion. Discrétion dans le sens originaire du mot, qui dérive du bas latin discernĕre et entendu comme modération, sens d’opportunité et de mesure, faculté de jugement en sachant distinguer et en tirant au clair aussi les situations nébuleuses et ambiguës16. À savoir que le verbe connaître renvoie tout à fait aux verbes pouvoir et être à même, en outre, d’entendre17. Pour citer un titre de journal : learning to share!18 En évitant les emphases et l’expression « on doit », il peut être utile d’introduire un concept ad hoc qui représente aussi une ligne opérative : celui des drivers épistémiques19, entendus comme les facteurs (en premier lieu des sujets, donc des processus d’organisations) à même de créer des valeurs, des croyances et des concepts partagés et utiles pour assurer un degré suffisant d’union et, en même temps, de flexibilité du système de connaissance et de capacités à l’intérieur de l’organisation. Ces sujets disposent de compétences de cas nécessaires pour faciliter les processus collectifs de knowledge integration et d’inventer de nouvelles connaissances, capacités et perspectives d’action20 - surtout par l’explicitation des perceptions, des vécus émotionnels, des insights et des croyances subjectives et, puis, 16 Comment Dante nous rappelle, la branche la plus belle que dérive de la racine rationnelle est la discrétion. 17 Comment Ludwig Wittgenstein disait dans le livre blue et le livre marron (Blue and brown book, 1942, reprinted by Harper, London, 1980) il y a un emploi du verbe “connaître” évident quand nous disons « maintenant je le sais ! », en entendant « maintenant je peux le faire ! » et « maintenant je comprends ! ». Pour une intéressante excursion dans les milieux de la connaissance et du management cf. aussi Nonaka & Takeuchi, ibidem. 18 Il s’agit d’un des titres du numéro extraordinaire de “Newsweek” (December 2005 – February 2006) dédié à la knowledge révolution. 19 En proposant le concept de driver épistémique, la référence que je sous-entends est à l’épistème thématisée par Michel Foucault dans Les mots et les choses, Gallimard, Paris, 1966, pour allure – après les différences voulues – à l’ensemble des grilles conceptuelles, inconscientes et anonymes, qui sont à la base des connaissance (et des pratiques) d’une certaine époque, dont elles représentent le fond commun. Le passage d’une épistème à une autre se passe par une série de discontinuités énigmatiques, c’est à dire de ruptures radicales et inexplicables de la part de celui qui les vit en tant qu’il y est plongé, lesquelles font ainsi que soudain les choses ne soient plus aperçues, décrites, énoncées, caractérisées, classifiées et connues de la même façon. 20 Cf. par exemple Richard Reich, The work of nations, Knopf, New York, 1991.

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par la formalisation à un niveau d’organisation des modèles mentaux et des schémas cognitifs considérés plus efficaces21. En particulier, un sujet d’organisation qui joue le rôle de driver épistémique est comme une sorte d’entrepreneur intérieur équipé par une dose suffisante d’esprit de frontière (en plus de committment et de sponsorisations intérieures avec un poids politique spécifique élevé et d’entreprise) qui lui permet de générer des dynamiques de knowledge sharing22 ainsi que de knowledge development23 et, en général, de coordonner et de gérer des situations d’interaction de différentes informations, connaissances et capacités, plutôt que de méthodologies de travail, capables de faciliter le développement de nouvelles connaissances, capacités, concepts, projets ou produits, services, systèmes. L’organisation est un phénomène complexe, non pas réductible dans des classifications résolutives et conclusives : un phénomène dont on peut aussi avoir des cognitions sophistiquées mais une compréhension toujours approximée, partielle, orientée par des objectifs et des intérêts seulement partiellement évidents et à mettre en évidences24.

21 À ce propos cf. encore une fois Nonaka et Takeuchi, ibidem: La difficulté des observateurs occidentaux d’examiner la question de la création de connaissance d’organisation est bien fondée sur l’adhésion a priori au model dont l’organisation est une machine dédiée à élaborer des informations. Cette charge est bien ancrée dans l’histoire du management en occident, de Frederick Taylor à Herbert Simon, et se traduit dans une vision de la connaissance comme un événement nécessairement sous forme de données brutes, de formules, de procédures codifiées ou d’axiomes. Elle est souvent assimilée à un code informatique, à une formule chimique ou à un système de règles générales. La représentation de la connaissance dans les entreprises japonaises est, pourtant, radicalement différente. Pour celles-là, la connaissance verbale et numérique n’est que la pointe d’un iceberg, la connaissance en étant in primis un événement tacite, c'est-à-dire quelque chose difficile à afférer et à exprimer. La connaissance tacite est avant tout personnelle et peu formalisable, des caractéristiques qui en compliquent la communication ou le partager avec d’autres. Elle est une catégorie compréhensive dans laquelle retombent des insight subjectifs, des intuitions et des indices. Elle, enfin, a ses racines les plus profondes dans l’action et dans l’expérience individuelle, en plus que dans les idéaux, les valeurs et les émotions personnelles. Plus précisément, il est possible de distinguer deux dimensions de connaissance tacite. La première est celle technique, qui comprend l’ensemble des habilités et des forces informelles difficiles à être comprises du terme know-how. En même temps, dans la connaissance tacite est implicite une dimension cognitive relevante, de schémas, de modèles mentales, de croyances et de perceptions ainsi consolidées à devenir axiomatiques. Cette dimension cognitive de la connaissance tacite reflet notre représentation de la réalité (être) et notre vision du future (devoir être). Bien qu’ils soient difficiles à formuler, ces modèles implicites déterminent notre façon de percevoir le monde environnant. 22 Très intéressant, à ce propos, Martin Eppler & Andreas Schmeil, Learning and knowledge sharing in virtual 3D environments : classification of collaboration patterns in Second life, Barbara Bertagni, Michele La Rosa & Fernando Salvetti (eds.), Learn how to learn! Knowledge society, education and training, e-book, Angeli, Milan, 2009. 23 Par certains cotés il s’agit d’une figure d’organisation assimilable au project leader délinéé par Nonaka & Takeuchi, ibidem, même si non pas nécessairement sous le profil subjectif le driver épistémique doit essayer le plaisir particulier à tenter de nouvelles choses et à prendre les devants dont parlent nos deux auteurs. 24 Pour Edgar Morin, La méthode, Le Seuil, Paris, 1977, aujourd’hui nous savons tout ce que la physique ancienne concevait comme un élément simple c’est de l’organisation. L’atome est organisation; la molécule est organisation; l’astre est organisation; la vie est organisation; la société est organisation. Mais nous ignorons toute signification de ce mot : organisation.

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En d’autres termes, l’organisation qui se base sur la connaissance est un espace (peut être physique, culturel bien sûr) dans lequel les personnes continuent à découvrir les modalités par lesquelles elles créent leur réalité et peuvent aussi la modifier 25 – par l’activation récursive de cercles vertueux expérience-condivision de la connaissance-expérience, où les connaissances partagées à un niveau d’organisation deviennent la base de nouvelles applications, de nouvelles expériences et, en conséquence, de nouvelles connaissances. L’organisation de travail knowledge driven se configure donc comme une dimension cognitive et sociale caractérisée par des processus constamment en évolution. Là où « connaître » signifie non seulement « reconnaître », en d’autres termes apprendre quelque chose donné et extérieur à nous, plutôt que de parcourir les nombreuses ways of worldmaking permettant de créer et de construire non seulement de nouveaux produits, mais aussi de nouvelles méthodes de penser et d’agir, donc de nouveaux horizons et scénarios de sens – à l’intérieur des limites et des formes permises par la structure d’organisation dans laquelle nous travaillons. Ce genre d’organisation ouvre et engendre, dès lors, une dimension dans laquelle les personnes se trouvent plongées dans des mondes de pensée et, en même temps, d’action qui à leur tour peuvent engendrer de nouveaux mondes : un peu comme vivre dans le ó (logos) d’Héraclite où le devenir et le changement produisent de l’innovation continue très important pour ceux qui travaillent dans les organisations basées sur la connaissance, se configurant comme un processus de “recréation du monde” – à la lumière d’un idéal ou d’une vision particulière, qui caractérisent la culture d’organisation dans laquelle nous travaillons. En résumé : la culture c’est la manière dont un groupe façonne les choses. La formation ludique-événementiel sert à le sense-making, à produire le sens d’appartenance et la motivation, le partage du savoir quoi et comment.

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Apprendre à créer et gérer la connaissance dotée d’une valeur compétitive ne signifie seulement pas pouvoir cueillir les opportunités qui se présentent et pourvoir des produits et des services de qualité élevée, mais surtout pouvoir créer de nouvelles opportunités, des nouveaux services, des nouveaux produits.

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Le théâtre d’action La notion de mise en scène est extrêmement récente Antonin Artaud, dans Le théâtre et son double, écrit : « Pour moi nul n'a le droit de se dire auteur, c'est-à-dire créateur, que celui à qui revient le maniement direct de la scène »26. Quelles réflexions inspire cette affirmation ? La grande théorie d'Antonin Artaud tend à affirmer clairement que ce n'est pas le texte qui fait le théâtre mais que c'est la mise en scène qui est le véritable fondement de la création théâtrale. Cette idée qui se heurte à toute une tradition est exprimée dans cette citation sur un mode polémique puisqu'elle commence par « pour moi ». D'autre part, Artaud utilise des mots très forts, catégoriques qui ne laissent pas d'équivoque quant à leur interprétation : « nul », « n'a le droit ». Artaud centre donc sa réflexion sur le mouvement des acteurs qui ont pour dessein de dématérialiser le texte par leurs déplacements dans l'espace, mais il prend également en considération la musique, le son, les éclairages, les accessoires, les costumes... Artaud s'oppose catégoriquement au théâtre tel qu'il est en Occident. La notion de mise en scène est extrêmement récente, elle date du XIXème, époque où Antoine a fixé la fonction de la mise en scène dans le théâtre. Avec Artaud, on dépasse encore cette position et l'on aboutit à une importance capitale de la mise en scène, sans laquelle le théâtre n'est rien. Cette position extrême passe par trois points principaux : 1 - Le rejet du texte 2 - Le remplacement du texte par le langage théâtral 3 - Le renouvellement de la fonction du théâtre par le public, ce qu'il met sous l'expression « théâtre de la cruauté ». Le type de langage occidental comporte une « parole ossifiée » et ses mots sont « gelés ». Comme Mallarmé, il pense que les mots ont perdu de leur pouvoir évocatoire, leur force musicale et le moyen qu'ils avaient de provoquer une émotion. Le langage théâtral doit désormais s'adresser aux sens du spectateur et plus seulement à son esprit. Toute la structure de la scène doit donc lui parler dans la conception d'Artaud : l'éclairage, les éléments du décor, les costumes... Le travail du metteur en scène est de combiner 26

Antonin Artaud, Le théâtre et son double, Gallimard, Paris, 1938.

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tous ces éléments entre eux pour recréer un nouveau langage théâtral. Au langage articulé, Artaud préfère le langage des signes ; il s'inspire pour cela du théâtre Oriental qui est avant tout fondé sur les signes puisque c'est un théâtre codé, comme une idéographie. La représentation d'un objet est la représentation d'une idée : un oiseau avec un œil fermé est la représentation de la nuit. Cette manipulation du sens et de la signification ne se fait plus par un travail sur le texte mais il se fait directement sur la scène. Le résultat d'une telle représentation a une valeur expressive beaucoup plus forte que celle que produit le langage articulé. Dans ce cadre, se situe l’expérience suivante de théâtre d’action développée avec une grande banque Suisse.

Le théâtre d’action en banque Le but du théâtre d’action est celui d’animer Le théâtre d’action est une méthodologie qui comporte l’entraînement intégral – esprit et corps - des participants, en favorisant la réalisation d’un équilibre parmi les aspects logiques de l’intelligence, les aspects émotionnels du sentiment et les aspects opératifs de l’action. L’expérience issue du théâtre d’action permet de vivre une situation collective qui fait en sorte que le groupe construise des stratégies et des lignes d’action communes, à travers une expérience inusitée et amusante pour laquelle il faut élaborer des schémas d’organisation et de conduite totalement novateurs par rapport aux routines quotidiennes. Le dessein du théâtre d’action est celui d’animer un endroit dans lequel les participants jouent un rôle actif et vivent collectivement une expérience significative, en faisant l’expérience de la valeur, ludique et créative, de l’intégration dans le groupe et en profitant d’un espace d’action mais aussi de réflexion sur l’expérience partagée. Le contexte ludique théâtral justifie n’importe quelle situation dans laquelle on est entraîné: quand « on joue » on peut faire et exprimer tout ce que d’habitude nous inhibe. Et au cœur de la nouvelle dimension de l’action et de l’expression nous acquérons de nouvelles consciences et percevons de nouveaux horizons au milieu desquels nous pouvons placer notre identité, notre gestion de rôle, notre style de relation et de communication (verbale et non verbale).

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LES ETAPES D’UN LABORATOIRE DE THEATRE : a) La journée de début et d’échauffement Les participants sont accueillis en session plénière à l’intérieur d’un espace convenable et équipé pour la réalisation d’activités de théâtre tel qu’un laboratoire interactif (mais différent d’un théâtre) et, une fois la présentation du staff de conduction et des activités prévues, ils commencent à s’échauffer par une suite d’exercices « d’échauffement ». La gestion Les exercices du corps L’intégration et la d’échauffement coopération en équipe sont focalisés sur quatre dimensions La gestion de la La coordination des essentielles pour voix et des mouvements individuels l’action théâtrale roulements de et des actions de groupe parole En particulier, le groupe commence l’échauffement par une suite d’exercices qui ont le but de :     

Créer le centrage corps-esprit, Coordonner les mouvements individuels en coordination avec le groupe, Gérer la vocalité et la parole par rapport aux différents contextes opératifs, Développer l’intégration et la coopération collective, Développer l’attention à l’égard de son interlocuteur.

b) Deuxième journée : expériences de théâtre La deuxième journée de laboratoire prévoit une suite d’activités d’expérience individuelles et collectives durant lesquelles l’attention se focalise sur le rôle, sur la relation qu’il y a entre le sujet et le rôle joué, sur les relations qu’il y a parmi les différents rôles. Jeux de théâtre de soi-même et des rôles personnels, professionnels et non. Interactions de théâtre à deux et en un petit groupe tournées à s’expérimenter et à prendre « l’autre » pour modèle. L’élément ludique représentatif acquiert une importance prédominante dans cette phase, ayant le but d’exciter la pensée en rapprochant de la réflexion sur le plan strictement cognitif la découverte qui agit à travers la « pensée imaginale », pour amener les personnes à s’amuser en s’occupant de ses propres modalités de communication et de gestion de rôle de plusieurs perspectives. c) Troisième journée : mise en scène Les expérimentations théâtrales se transforment graduellement en des activités visées à l’invention et à la représentation d’un canevas, fondé

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sur l’action intégrée et coordonnée de tous les participants, articulés en deux sous-groupes (composés de 6-7 personnes au maximum) qui se conduisent dans le même espace. Ces activités, toujours exploitées d’une façon interactive et entraînante, ont pour visée de partager le principe de base d’action de théâtre à suivre pour la représentation de l’action: à savoir, les sousgroupes doivent représenter- en séquence - un ensemble de scènes inter connexes et qui constituent le développement d’un même canevas. Dans ce but chaque sous-groupe reçoit un mandat particulier, concernant la mise en scène d’une histoire dans laquelle les personnages jouent pour atteindre des buts spécifiques en respectant des liens définis. d) « Feed-backs » en temps réel et débriefing final Pendant toute la session de théâtre d’action, les participants ont passés en temps réel de brefs feed-backs se rapportant aux modalités de « marche » des groupes et aux principales dynamiques de communication et de relation concernant les rôles joués par les participants. Les activités théâtrales terminées, pendant la phase de conclusion de l’événement, un commentaire général avec les « feed-backs » correspondants. Pour conclure il est convenable de mettre en évidence qu’une action, quoique intense comme celle proposée, ne peut pas toute seule garantir la modification des comportements individuels. Une session de théâtre d’action produit les préliminaires pour un changement, car elle ouvre de nouvelles perspectives d’orientation ; casse des schémas de conduite habituelle et peut être obsolètes ; développe de nouvelles sensibilités ; pousse à des réflexions productives ; crée une nouvelle conscience sur les endroits personnels d’amélioration ainsi que sur les points de force personnels – surtout en ce qui concerne le comportement et les styles de la communication interpersonnelle. Pour que le changement se déroule concrètement et développe de nouvelles dimensions opératives, il est cependant indispensable de capitaliser l’expérience acquise par des interventions successives (de théâtre d’action, d’entraînement, de formation et de développement professionnel) liées aux exigences et aux objectifs spécifiques émergés au cours de l’expérience elle-même.

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