Livre blanc "Biodiversité, nouveau moteur de l'entreprise"

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RESEAU FEMMES & DEVELOPPEMENT DURABLE – Conférence " LA BIODIVERSITÉ, NOUVEAU MOTEUR DE L’ENTREPRISE "


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LE RESEAU FEMMES & DEVELOPPEMENT DURABLE L’association Femmes & Développement Durable (FDD) est un réseau d'échanges professionnels, de partage d'expériences et de bonnes pratiques. Son objectif consiste, d’une part, à promouvoir un regard féminin sur toutes les questions liées à l’environnement, à la santé et, plus généralement, au développement durable. D’autre part, l’association s’attache à valoriser les actions des femmes en faveur du développement durable. La dynamique du réseau repose avant tout sur une démarche personnelle volontaire, basée sur le partage et la mutualisation des ressources dans un espace libre de dialogues et d'opinions. Dans ce but, l’association organise notamment des débats et conférences ouverts à tous avec des acteurs publics et privés du développement durable, ainsi que des sessions de networking entre adhérentes. WOMEN & SUSTAINABLE DEVELOPMENT NETWORK The Women & Sustainable Development Network (FDD) is a French network of women professionals with a strong interest in Sustainable Development. They gather around shared values and concerns. The network relies on personal commitment. It regularly organizes events such as conferences and workshops to share experiences and best practices, and learn from each other. The organisation also fosters networking between members.

Bureau de l’association – Organisation de la rencontre et rédaction du compte-rendu : Angélie BARAL Isabelle GUITTON BERNET Marie-Christine LANNE Maryse TORDJMAN Barbara WEISS d'ANGLADE

Présidente Vice-présidente Chargée de la Communication et du Développement Trésorière Secrétaire générale

CONTACT email :

femmesdd@gmail.com

SOUTENEZ-NOUS EN ADHÉRANT ! Si vous appréciez la qualité de nos évènements et les synthèses qui en sont faites, aidez-nous en adhérant à l’association pour soutenir notre travail et permettre de poursuivre cette activité. L’adhésion est de 50 euros par an et permet d’accéder librement à l’ensemble des évènements organisés : débats, conférences, mais aussi session de networking. Téléchargez un bulletin d’adhésion sur notre site ou envoyez-nous votre demande par mail.


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PRÉFACE Si les entreprises persistent à voir la biodiversité sous le prisme de beaux paysages et d’animaux menacés d’extinction, elles oublient que leur bonne santé doit beaucoup à leur façon d’intégrer la biodiversité dans leurs pratiques. Les institutions financières l’ont bien compris, plaçant désormais les dégradations causées par une entreprise comme un des principaux risques pouvant considérablement affecter sa réputation. Mais loin des contraintes, la biodiversité offre aussi un formidable potentiel. L’économie d’une multitude de secteurs en dépend (agriculture, pêche, agroforesterie, agro-alimentaire…) et le vivant est une source d’innovation inépuisable (applications industrielles, nouveaux médicaments...). Afin de réconcilier l’entreprise avec la biodiversité et d’en (dé)montrer tout le potentiel, le réseau Femmes & Développement Durable a donc souhaité organiser cette conférence. Des responsabilités qui incombent aux entreprises (et dont elles mesurent mal l’étendue) aux formidables ressources inépuisables qu’elles pourraient en tirer, chercheurs, bureaux d’études, entreprises et institutions sont ainsi venus débattre de façon très pragmatique pour partager leurs points de vue et leurs retours d’expérience.

La conférence a également été live-twittée. Une synthèse sur STORIFY est disponible à l’adresse : http://sfy.co/bHlr

Film présenté en introduction de la conférence : Copier-cloner, de Louis Rigaud. Visionnable sur : http://vimeo.com/5629970


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SOMMAIRE INTRODUCTION : ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ ........................................................................................... 6 ÈRE

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TABLE RONDE : INNOVATION ET OPPORTUNITÉS ...................................................................................... 9

INNOVER GRÂCE À LA BIODIVERSITÉ ........................................................................................................................... 11 PRODUIRE DES BIO-MATÉRIAUX RENOUVELABLES ET RECYCLABLES POUR LA CONSTRUCTION ET LE DESIGN ................................ 15 DÉBAT AVEC LA SALLE ............................................................................................................................................. 17 ÈME

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TABLE RONDE : ÉVALUATION DES RISQUES ET RÉGLEMENTATION ......................................................... 19

DU RESPECT DE LA RÉGLEMENTATION À LA RECHERCHE D’OPPORTUNITÉS .......................................................................... 20 PRINCIPES MÉTHODOLOGIQUES DU BILAN BIODIVERSITÉ®.............................................................................................. 23 PRÉSENTATION DE LA DÉMARCHE DE COMPENSATION DES ATTEINTES À LA BIODIVERSITÉ ...................................................... 25 DÉBAT AVEC LA SALLE ............................................................................................................................................. 27 ÈME

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TABLE RONDE : ÉVALUATION DES RISQUES ET RÉGLEMENTATION ......................................................... 29

COMMUNIQUER SUR SES VALEURS EN ÉVITANT LE GREENWASHING .................................................................................. 29 BIODIVERSITÉ POSITIVE: UN GUIDE PÉDAGOGIQUE POUR FAIRE ÉVOLUER LES PRATIQUES ...................................................... 31 DÉBAT AVEC LA SALLE ............................................................................................................................................. 35 DES SOURCES POUR ALLER PLUS LOIN ............................................................................................................ 37


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INTRODUCTION : ÉCONOMIE DE LA BIODIVERSITÉ Hélène LERICHE, Responsable biodiversité/expertise environnementale, OREE Hélène LERICHE est Docteur Vétérinaire, Docteur en écologie. Après des activités de recherche et d’enseignement, Hélène Leriche fut conseillère scientifique de la Fondation Nicolas Hulot et la responsable des programmes biodiversité. Elle est désormais Responsable biodiversité-économie et experte environnement chez Orée. www.oree.org

Comprendre la biodiversité et ses interactions Évoquer l’enjeu de l’économie liée à la biodiversité nécessite de bien comprendre ce que signifie cette biodiversité. Or, plusieurs niveaux de lecture sont possible, faisant référence à la variabilité au sein des espèces (y compris humaines), la variabilité entre les espèces ou encore celle entre les écosystèmes (y compris urbains). Jacques Weber1 la définit comme les interactions entre organismes dans des milieux en changement, où la planète est assimilable à un maillage dynamique constitué d’une grande diversité d’êtres vivants. Une cohabitation née il y a près de 4 milliards d’années L’approche de René Passet2 rappelle que les êtres humains ne sont pas les premiers sur cette planète, qui a d’abord été peuplé par des tissus vivants qui l’ont fait évoluer au fur et à mesure, jouant le rôle de socle : la biodiversité n’est pas un élément parmi d’autres, elle est le support sur lequel les sociétés humaines se sont développées, mettant en place des systèmes internes comme l’économie. En d’autres termes, les interdépendances et les dynamiques se passent dans un espace limité. Or, ce tissu vivant est en train de s’effilocher et quand une maille est ôtée, c’est l’ensemble des fonctions de la biodiversité qui disparait. « Si nous n’avons plus les pieds ancrés dans ce vivant, nous risquons de décrocher » Sensibiliser les acteurs économiques Plusieurs approches sont possibles pour sensibiliser les acteurs économiques. Les conséquences de la disparition des espèces et des habitats peuvent être expliquées. Quand le dernier poisson est pêché, il n’y en a plus, un habitat détruit interdit aux espèces de s’y développer et fragilise les écosystèmes en entraînant une intensification des perturbations. Plus encore, quand la biodiversité patrimoniale disparait, c’est aussi notre culture qui s’éteint, à l’image des peluches d’animaux au bord de l’extinction.

1

Jacques Weber est économiste et anthropologue, ancien directeur de recherche du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et ancien directeur de l'Institut Français de la Biodiversité (IFB), il est l’auteur d’une centaine de publications scientifiques et d'ouvrages. 2 René Passet, professeur émérite à l'université Paris I-Panthéon-Sorbonne, est l'un des pionniers de l'approche transdisciplinaire en économie ainsi que du développement durable.


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En parallèle, le travail accompli par le Millenium Ecosystem Assessment3 a permis une approche plus anthropique où, plutôt qu’évoquer les dynamiques et les flux des écosystèmes, il est fait référence aux services. Derrière cette notion, il s’agit bien d’évoquer le fonctionnement de ce système où des notions telles que le cycle géochimique ou le stockage de carbone remplacent celles de production de matière vivante ou de fertilisation des sols. L’approche est plus parlante et permet de mettre en place des outils d’évaluation comme l’ESR4. Estimer la valeur des services : une notion difficile à appréhender Cette approche anthropique pose toutefois une difficulté : si un service peut être valorisé, qui peut l’estimer ? Malheureusement, la réponse varie selon les points de vue. Ainsi, une mangrove peut être transformée en élevage de crevettes biologiques. Mais conservée intacte, elle peut arrêter les tsunamis. Suivant l’acteur économique concerné (le secteur agro-alimentaire ou l’assureur), la valeur de cette mangrove diffère. De même, si les insectes pollinisateurs disparaissent, il faut recourir à du personnel pour effectuer la pollinisation, qui devra être rémunéré. Les insectes ont donc aussi une valeur économique. « Il faut se demander dans quel système nous sommes et lequel nous allons choisir de développer » Dans ce contexte, comment donner un prix au vivant alors même que cette notion renvoie à celle de contractualisation entre deux personnes et donc, d’un marché. Comment déterminer ce qui vaut le plus cher ? Finalement, il serait plus judicieux de considérer non pas le prix du vivant, mais son coût – celui de le préserver ou le compenser (la dernière des étapes), via des outils comme Éviter, Réduire, Compenser, qui peuvent permettre de mettre une ligne budgétaire dans une comptabilité. Préserver le capital des générations futures Tels nos grands-parents qui n’ont jamais connu l’usage d’un téléphone portable, nous ignorons quels seront les besoins de nos enfants. C’est un potentiel naturel avec lequel il faut vivre et réapprendre à co-évoluer. Or, des écailles du scarabée constituées de cristaux que les ingénieurs essaient désespérément de fabriquer pour l’ordinateur de demain aux limaces de mer qui aident à comprendre la maladie d’Alzheimer, la capacité évolutive du vivant est extraordinaire et nous nous devons de conserver un brin d’humilité tout en préservant ce formidable potentiel. Cibler des espèces… ou pas Du panda ou des termites, quel critère retenir : le poids, le nombre d’individus qui restent ou le rôle qu’ils ont ? Choisissons-nous une espèce et si oui, laquelle : celle qui est emblématique comme le loup, celle qui est endémique d’un milieu ou le coquelicot qui rend compte de la façon dont un espace est géré ? Ces difficultés posant énormément de questions éthiques, une réflexion a été menée par la FNH (Fondation Nicolas Hulot - au sein de laquelle Hélène Leriche a travaillé) concluant que l’approche "espèce" n’était pas à suivre car la biodiversité, c’est avant tout des milieux, des habitats (y compris ceux dessinés par l’homme) et des territoires avec leurs dynamiques. Cette réflexion se poursuit au sein d’OREE. Restaurer les fonctions écosystémiques L’exemple de la gestion de l’eau potable à New York illustre l’importance de cette approche où la ville a pesé d’un côté le coût de revient de stations d’épuration supplémentaires (construction et 3

Le Millennium Ecosystem Assessment (Évaluation des écosystèmes pour le millénaire) est un programme de travail international conçu pour répondre aux besoins des décideurs et du public en matière d’information scientifique relative aux conséquences des changements que subissent les écosystèmes pour le bien-être humain ainsi qu’aux possibilités de réagir à ces changements. En savoir plus : www.unep.org/maweb/fr/index.aspx 4 L’Ecosystem Services Review (évaluation des services rendus par les écosystèmes) est une méthodologie destinée à aider les gestionnaires d’entreprises à élaborer les stratégies pour prendre en compte les risques et opportunités découlant de leur dépendance et de leurs impacts vis à vis des écosystèmes. En savoir plus : www.wri.org/project/ecosystem-services-review


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emplois pondérés par le coût de l’entretien) et de l’autre, l’aménagement du territoire pour reproduire les écosystèmes (actions en partenariats avec les agriculteurs, les aménageurs, des industriels, les transports, etc). Au final, repenser le territoire s’est révélé bien moins cher et surtout, c’était un investissement à bien plus long terme. A l’image du programme « Biodiversité dans l’assiette » à l’initiative de la FNH, la biodiversité, c’est ce que nous avons dans le ventre, c’est ce qui nous construit. Si des outils comme les services écosystémiques peuvent aider à décrypter cette biodiversité et comprendre comment, à partir d’une assiette, nous touchons à la régulation de l’environnement et aux services culturels (la gastronomie française est patrimoine de l’humanité), c’est important.

OREE est une association multi acteurs, véritable think tank visant à partager les bonnes pratiques. Plusieurs publications relatives à la biodiversité ont déjà été éditées, avec également la sortie prochaine d’un ouvrage issu du groupe de travail collectif « biodiversité et économie ». Ce groupe est constitué d’un volet comptabilité (comment intégrer la biodiversité dans la comptabilité des entreprises sans pour autant lui donner un prix) et d’un volet gestion géré par Hélène Leriche (comment la dynamique de l’entreprise et celle de l’écosystème peuvent arriver à une stratégie gagnant gagnant). En savoir plus : www.oree.org


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1ÈRE TABLE RONDE : INNOVATION ET OPPORTUNITÉS Animateur: Élise REBUT, senior Manager - European Governments Liaison, Conservation International Élise REBUT est ingénieur Agronome, diplômée d'un Master de Recherche en Biochimie et en Génétique et d'un Mastère HEC en Développement Durable. Après avoir travaillé pour l'industrie cosmétique, notamment sur les enjeux de valorisation soutenable de la biodiversité, Élise Rebut rejoint l’ONG Conservation International en tant que liaison avec les parties prenantes européennes. Élise Rebut est également l'auteur de deux ouvrages : Les entreprises face à la gouvernance mondiale de la biodiversité et Après le pétrole: la nouvelle économie écologique.

L’approche de Conservation International En s’appuyant sur des évidences scientifiques solides, sur la construction de partenariats et sur des démonstrations de terrain dans une quarantaine de pays, Conservation International vise à renforcer la capacité des sociétés humaines à prendre soin de la nature, de notre biodiversité dans son ensemble, de façon responsable et pérenne.

Stratégie de Conservation International – “Feet in the mud, head in the sky”

Des pressions sur la biodiversité non prises en compte Dans son introduction, Hélène Leriche a souligné l’interdépendance intrinsèque entre nos modes de vie et les services éco-systémiques. Elle a également rappelé les pressions croissantes que nous exerçons sur la biodiversité. Ces pressions devraient théoriquement nous amener à une conservation accrue de la biodiversité. Mais l’évaluation de ces dernières s’avère délicate et elles ne sont la plupart du temps pas intégrées dans nos indicateurs économiques.


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Une économie dépendante des services écosystémiques

Ce constat a conduit à l’émergence, dans les années 90, d’un courant axé sur l’économie écologique. Il fut en particulier marqué par la publication en 1997 dans la revue Nature d’un article de Robert Constanza and al. Celui-ci, après avoir synthétisé une centaine d’évaluations, estime l’ensemble de biens et de services fournis par les écosystèmes à 33 trillions de dollars. Ce chiffre est d’autant plus marquant au regard des 18 trillions de dollars correspondant à l’addition de tous les PNB de la planète. Ce type d’évaluation, par nature imparfaite et reposant sur des marchés fictifs, a fait l’objet de multiples controverses mais a cependant incontestablement permis de renforcer l’attention portée sur notre interdépendance aux services écosystémiques.

Émergence du concept de capitalisme naturel Nous avons besoin d’un autre mode d’interaction avec ces écosystèmes. Dans cette optique, P. Hawken, A. Lovins et L. Hunter Lovins ont développé la notion de capitalisme naturel. Elle invite non seulement à protéger les écosystèmes, mais surtout à s’inspirer de leur fonctionnement et des mécanismes qui fondent leur pérennité. P. Hawken, en tant que fondateur de ce « capitalisme


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naturel » synthétise leurs recommandations en quatre messages clés (ci-dessous un extrait de la préface de Natural Capitalism, Scali, 1999/2008) : L’environnement n’est plus considéré comme un facteur de production mais véritablement comme une enveloppe qui contient, approvisionne et soutient l’ensemble de notre économie. Pour illustrer ce capitalisme naturel, quatre notions clés sont retenues : 1. la nature est efficace : la nature au travers de ses 3,8 milliards d’années de recherche et de développement a pu faire converger ses forces pour une efficacité accrue 2. la nature fonctionne en boucle, c’est à dire les écosystèmes utilisent les ressources naturelles de façon cyclique et non de façon linéaire comme dans nos industries. Les notions de déchets par exemple n’existent pas 3. la nature est un tissu complexe d’échanges et de services depuis la production de compost jusqu’aux chaines alimentaires 4. le réinvestissement du capital naturel, c’est à dire le réinvestissement du capital de biodiversité dont les services éco-systémiques dépendent. La notion de biomimétisme illustre parfaitement ces principes, plus particulièrement les trois premiers. L’efficacité de la nature et son fonctionnement en boucle (points 1 et 2) s’illustrent notamment dans le concept de biomimétisme. Celui-ci consiste à se baser sur les 3,8 milliards d’années de R&D de la nature pour rétablir des interactions soutenables avec notre environnement.

Innover grâce à la biodiversité Kalina RASKIN, conseillère expertise Biomimétisme & Innovation responsable, Centre Francilien de l’Innovation Kalina RASKIN est ingénieur physico-chimiste de l’ESPCI Paris-Tech et docteur en neurophysiologie de la reproduction. Membre du conseil d'administration de Biomimicry Europa, elle rejoint en 2012 le Centre Francilien de l’Innovation, en tant que conseillère expertise pour promouvoir le biomimétisme auprès des entreprises franciliennes qui se développement par la mise en œuvre de projets d’innovation. Le Centre Francilien de l’Innovation est un organisme de service public qui soutient le développement des entreprises franciliennes en accompagnant la maturation et la structuration de leurs projets d’innovation à forte valeur ajoutée économique, sociale et environnementale.

Dans le cadre de ses missions, le Centre francilien de l’innovation vise notamment à faire émerger des partenariats public-privé pour accélérer les processus d’innovation et renforcer les compétences en capital humain. La structure peut mobiliser des finances publiques et promouvoir ainsi l’offre des entreprises innovantes. La coopération et le développement à l’international sont également favorisés au travers du programme européen KARIM5 (Knowledge Acceleration and Responsible Innovation Meta network), visant à définir à l’échelle européenne ce qu’est l’innovation responsable, de développer et d’intégrer ce concept dans l’entreprise. Le biomimétisme, levier de l’innovation responsable Le biomimétisme est avant tout une démarche de bon sens. Pendant des siècles, l’Homme a considéré l’arbre du vivant comme une échelle graduelle – son espèce étant au sommet de l’évolution, l’aboutissement ultime d’un processus évolutif. Nous avons pris conscience aujourd’hui que l’être humain était une espèce parmi beaucoup d’autres, membre de ce tissu vivant évoqué précédemment, et très jeune, puisque telle que nous la connaissons aujourd’hui (homo sapiens sapiens), elle n’a que 200 000 ans tandis que la vie est apparue il y a 3,8 milliards d’années. 5

http://www.karimnetwork.eu/Pages/home.aspx


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Ce long processus de sélection naturelle, par essais/erreurs, correspond finalement à 3,8 milliards d’années de R&D ! Pour survivre, se reproduire, se déplacer, les espèces ont développé toute une série de stratégies :

Non seulement le vivant peut servir de source d’inspiration pour l’innovation de rupture, mais il est un exemple et un modèle de durabilité. Il est capable de mettre en œuvre les fonctions évoquées en utilisant des ressources locales et abondantes, en se fondant essentiellement sur l’énergie solaire, en n’utilisant quasiment aucun déchet, en fonctionnant en écosystème complexe, en non-équilibre dynamique – ce qui lui assure une forte résilience. Il utilise des températures et pressions modérées, la chimie catalytique et enzymatique pour produire des matières qui sont par nature biocompatibles et biodégradables. Il n’y a pas de consensus de définition aujourd’hui en français mais nous proposerons ici que le biomimétisme (bio= vie, mimesis =imiter) se situe à l’intersection entre le concept général de la bioinspiration et celui de la durabilité : s’inspirer du vivant pour innover durablement dans une perspective de développement durable. Illustrations du biomimétisme Le biomimétisme s’illustre au travers de nombreuses disciplines. Dans le design et l’architecture, bien sûr, inspirant les structures par exemple. Dans l’industrie, les morphologies du vivant sont reprises pour profiler des pales éoliennes (nageoire de la baleine à bosse) et limiter les turbulences en augmentant le rendement énergétique. Les colorations structurales s’inspirent aussi du vivant, où beaucoup de colorations ne sont pas issues de pigment chimique mais émanent de la nanostructure du matériau qui va réfracter la lumière de différentes façons. Cela intéresse notamment les industries du numérique et du textile. Un autre grand champ d’application est la biologie computationnelle : algorithmes, réseaux de neurones, automates cellulaires, systèmes antiviraux inspirés des systèmes immunitaires, capteurs et autres senseurs. Il existe des espèces capables de se lyophiliser à près de 95%, même plus, pour résister à des conditions extrêmes. Une fois lyophilisés, il suffit d’une goutte d’eau à ces organismes pour être


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capables de repartir – parfois après des mois... Ce procédé a inspiré des laboratoires pharmaceutiques pour conserver des actifs à température ambiante, notamment dans le cadre de vaccination, en évitant les ruptures de la chaine du froid. Une entreprise6 a même développé un film adhésif pour application médicale et hospitalière, antibactérien, calqué sur la microstructure de la peau de requin (qui empêche physiquement l’adhésion des bactéries). Plus besoin de produits chimiques. Une chimie d’une simplicité extraordinaire La chimie dans le vivant a cela d’extraordinaire qu’elle n’utilise que quatre éléments : le carbone, l’oxygène, l’hydrogène et l’azote (certains minéraux et métaux sont présents, mais à l’état de trace). Ces quatre éléments assurent la production de 95 % des matériaux du vivant, à partir de l’énergie solaire, à température et pression modérées, en utilisant l’eau comme solvant universel. Les organismes vivants ont un métabolisme basé sur le recyclage métabolique, la catalyse enzymatique, et les molécules produites sont toujours biodégradables (même les poisons les plus toxiques). Les principes du vivant correspondent exactement aux principes de la chimie verte énoncés à la fin des années 90. Les matériaux vivants sont basés essentiellement sur deux polymères : les protéines et les polysaccharides - là où nous avons 350 polymères issus de la pétrochimie. Ce sont des structures auto-assemblées (là où nous utilisons des poudres, des moulages…) qui sont capables de s’autoréparer, de s’adapter à leur environnement et qui sont multifonctionnelles (ex. une carapace va jouer le rôle de couleur, de protection, de perméabilité, de porosité, d’échange, etc.). Quand nos matériaux émettent du CO2, ceux du vivant sont souvent capables de le stocker (ex. du bois aux falaises calcaire représentant une bioséquestration du carbone à l’échelle des temps géologiques) ! Le biomimétisme au service de l’énergie. De très nombreux laboratoires, notamment le MIT et un laboratoire du CEA, travaillent sur la photosynthèse artificielle, un processus extrêmement complexe au niveau chimique dont nous ne connaissons pas encore exactement toutes les étapes. Ces nouveaux procédés permettraient de produire du dihydrogène à partir de l’énergie solaire, en utilisant des catalyseurs peu coûteux et abondants. D’autre part, le vivant optimise sa consommation d’énergie en fonction de la saison, une problématique à laquelle nous sommes aussi confrontés, nécessitant des stratégies adaptées de gestion de l’énergie. Les smart grids7 en sont une bonne illustration. Le vivant est un modèle d’interaction Nos sociétés devraient commencer à ressembler de plus en plus aux écosystèmes comme en témoigne la forte émergence de l’écologie industrielle et de l’économie circulaire. Des laboratoires prestigieux explorent aujourd’hui l’opportunité de transposer les outils de modélisation de l’écologie scientifique à l’optimisation des systèmes de production et consommation humains. Le contexte français Pas moins d’une quarantaine de laboratoires et d’équipes de recherche travaillent sur le sujet rien qu’en Île-de-France et il y en a près d’une centaine à l’échelle nationale. De nombreux grands groupes commencent à s’y intéresser : Renault est en train de mettre en place une thèse pour évaluer quel est le champ du possible apporté par le biomimétisme pour une industrie automobile 6 7

www.tactivex.com

Technologies informatiques permettant d’optimiser la production, la distribution et la consommation d’énergie. Ce sont, par exemples, les compteurs intelligents comme Linky en France, facilitant notamment le suivi de la consommation.


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décarbonée du futur. Suez Environnement a déjà implémenté des stratégies de biomimétisme, notamment pour améliorer l’efficacité des fermentateurs à biogaz et créer des zones de phytoépuration permettant de récolter les micro-polluants en aval des stations d’épuration.

Côté PME, outre Polypop [présentation suivante], Eel Energy développe des hydroliennes ultraperformantes, basées sur une membrane ondulante (eel signifie anguille en anglais) qui va flotter librement dans des zones à fort courant, couverte de cristaux piézoélectriques pour récupérer l’énergie avec un très faible impact sur les écosystèmes alentours. Inddigo est un bureau d’études et cabinet de conseil en développement durable, qui est en train de repenser le réaménagement des territoires (écoquartiers) en utilisant le modèle des écosystèmes. Eurobios SA optimise des systèmes complexes (ex. collecte de déchets) en utilisant des algorithmes évolutionnistes et les algorithmes issus du vivant. Topager développe des potagers en reproduisant au maximum les écosystèmes naturels sur les toits de Paris. Les pôles de compétitivité commencent à s’y intéresser aussi : le pôle IAR (Industries et AgroRessources), le pôle Fibres (à Strasbourg), qui est notamment à l’initiative du premier fond de dotation dédié au biomimétisme, Biomimethic, pour financer des projets d’écologie industrielle. Plusieurs associations sont également actives : Biomimicry Europa, l’Institut Inspire, The Natural Step, etc. Un retard non négligeable en France Les compétences sont là, le contexte est favorable, mais la France accuse un certain retard. L’Allemagne a déjà implémenté le biomimétisme dans ses stratégies de R&D depuis près de 25 ans, avec des subventions, des réseaux de recherche - plus de 10 réseaux soit internationaux, soit nationaux, sur le sujet. Nous manquons de structuration. Beaucoup d’entreprises expriment le besoin de se former et la possibilité de pouvoir expérimenter concrètement des projets. Dans ce cadre, le premier campus dédié au biomimétisme en France et en Europe va naître à Senlis, qui proposera dès 2013 des formations diplômantes sur le sujet.


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Des ressources pour aller plus loin : • L’ouvrage de Giles HUTCHINS (2012) The Nature of Business: Redesigning for Resilience, qui répertorie toute une série d’entreprises qui se sont inspirées du vivant pour leur stratégie managériale, la gestion de l’intelligence collective et la prise de décision, et qui montre le succès de ces entreprises par rapport à des entreprises au management classique. • Norme ISO TC266 et suivi AFNOR (en cours). • Découvrir les différents champs d’application du biomimétisme : exemple de la base de données Ask Nature • Revue Zygote Quarterly, qui comble le fossé entre l’ultra-vulgarisation médiatique et les articles scientifiques qui sont incompréhensibles pour le commun des mortels.

Produire des bio-matériaux renouvelables et recyclables pour la construction et le design Gil BURBAN, Architecte et fondateur, Polypop Gil Burban est architecte, lauréat du concours EDF De l’Energie dans l’aire où il propose un système d’intégration innovant du véhicule électrique en ville. Il a participé à de nombreux projets au sein du collectif Exyzt dont il est le co-fondateur ainsi qu’à la Xe Biennale d’Architecture de Venise en 2006, pour la réalisation et la conception du pavillon français. Il se consacre depuis 2008 à la refonte de sa pratique, militant désormais activement pour une approche systémique et biomimétique des métiers de la conception. Il gère désormais la société Polypop qui développe des méthodes de dépollution des sols, ainsi que de nouveaux biomatériaux et objets hybrides.

Polypop est né d’un questionnement de l’architecte : était-il possible d’améliorer notre environnement bâti d’un point de vue technique, matériel ? Était-il possible d’adopter une stratégie logique, inspirée de la nature, pour fabriquer de meilleurs matériaux de construction et traiter correctement l’enjeu de la pollution des sols ? Les champignons champions Après diverses recherches, les champignons se sont révélés comme la meilleure source d’inspiration. Champions du recyclage, ils digèrent l’environnement, font circuler les nutriments et détruisent la lignine et la cellulose. Ils sont capables d’extraire les métaux lourds d’un sol pollué en le concentrant dans leur carpophores8 et peuvent même se lier au substrat en agissant comme une résine. Présents partout, ils constituent un règne à part et forment la première biomasse de la planète tout en restant un organisme fort mal connu. L’homme sait toutefois maitriser sa culture depuis longtemps, qui a l’avantage d’être très économique. Les champignons poussent dans le noir, nécessitant très peu de CO2 à température ambiante et pression normale, avec peu d’humidité. Valoriser les champignons autrement Les champignons commencent à être usités pour nettoyer les sols pollués et des projets voient le jour pour les exploiter et créer des matériaux entièrement renouvelables et sains. Ces deux axes ont conduit à fonder Pollipops, une Start up parisienne qui se propose de définir une stratégie pour dépolluer les sols avec les champignons et remplacer le polystyrène, un des pires matériaux de construction existant, en utilisant à la fois des ressources de déchets agricoles et des méthodes de biologie fongique.

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Le carpophore (ou sporophore) est l'organe produisant des spores.


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Dépolluer les sols : la mycorémédiation Les champignons émettent des exoenzymes9 capables de détruire les longues molécules (chaînes carbonées de la lignine, de la cellulose ou des hydrocarbures et chaînes organochlorées des PCB et pesticides). Il suffit donc d’inoculer un sol pollué avec des champignons pour le nettoyer de ses polluants. C’est une méthode très économique car il n’est plus nécessaire d’ôter des tonnes de terre : une seule action agricole permet de récupérer les polluants désormais concentrés. Cette approche a été mise en pratique dans la Plaine de la Crau (Bouches-du-Rhône) avec le mycologue américain Paul Steinmetz. Ce parc naturel a souffert de la rupture d’un pipeline et toute la plaine s’est retrouvée polluée par les PCB. Le recours aux Pleurotes a permis de la dépolluer entièrement et la biodiversité a été restaurée. Aucune autre méthode que la mycorémédiation n’aurait pu obtenir un résultat à la fois aussi respectueux de l’environnement, rapide et peu cher, étant donné la surface à traiter. Ce système peut également être utilisé pour filtrer les eaux usées. Il faut toutefois travailler avec des souches sauvages : les champignons à destination de l’alimentation on perdu leur diversité génétique et leur pugnacité. Construire avec des champignons Les champignons ont colonisé à peu près tous les écosystèmes et, de ce fait, ils sont capables de vivre dans des environnements très différents, à la fois en termes de composition du sol et de pH ou de température. L’intérêt de recourir à ces organismes est qu’ils sont biotolérants, peu onéreux, utilisables à température ambiante et pour les faire pousser, il suffit d’un peu près n’importe quel déchet organique – les champignons sont capables de quasiment tous les dégrader.

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Enzyme qui fonctionne à l'extérieur de la cellule qui l'a sécrétée


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Ces propriétés ont été utilisées par la société américaine Ecovative design, qui travaille sur les packagings : le matériau résultant prend les propriétés du substrat. Ainsi, en travaillant avec de la paille, un matériau isolant est obtenu. Si cette paille est mélangée à du mica, de la perlite ou de la vermiculite, nous obtenons des matériaux ignifuges. En augmentant le CO2, le matériau devient plus dur, avec de l’azote, les champignons colonisent plus vite. Le matériel peut désormais être paramétré à faible prix. L’objectif final est de remplacer le polystyrène, un matériau aux propriétés isolantes, mais dont il est difficile de se débarrasser en fin de vie. En faisant pousser ces champignons dans des trames déjà structurées et alvéolaires ligno-cellulosiques (ex. carton, toile de jute), il devient possible de créer des panneaux composites qui remplacent les plaques de polystyrène. Au-delà, cela peut servir à concevoir du mobilier ou des applications design (un mélange paille-champignons placé dans un moule va coloniser l’espace intérieur), voire même des textiles composites – avec des propriétés recherchées à moindre coût. Pour passer au travers d’un mélange paille-champignon avec une flamme, il faut plus d’une heure. Cela ouvre la porte à une multitude de marchés.

Débat avec la salle Aujourd’hui, en France, les conditions sont-elles réunies pour favoriser les innovations en biomimétisme ? Pour Gil Burban, le contexte devient de plus en plus favorable mais des verrous existent encore. Audelà du sourcing et des problèmes de filières10, la transdisciplinarité reste compliquée à mettre en pratique. En France, nous avons des universités, des industries, des laboratoires… qui ne parlent pas le même langage. Il faut fédérer toutes ces personnes autour d’une idée ou d’un projet lié au biomimétisme et c’est encore assez nouveau. « Le seul frein du biomimétisme qui est une innovation de rupture, c’est la transdisciplinarité » Pour Kalina Raskin, en France s’ajoute un problème culturel et d’éducation avec une spécialisation très précoce. En Allemagne, il existe déjà dix universités qui ont des cursus de formation généralistes liés au biomimétisme avec une spécialisation tardive, qui favorise une certaine ouverture d’esprit. Dans notre pays, nous manquons de personnes capables de construire des ponts entre les disciplines pour permettre à tous de se comprendre. Fin 2013-début 2014, une action est prévue afin de structurer les réseaux existants, dans le but de créer une dynamique entre les acteurs du biomimétisme, de mettre en lien tous les laboratoires et sensibiliser l’ensemble des décideurs publics et privés. Mais la première étape fondamentale est d’abord de sensibiliser la population sur cette branche d’activité encore assez méconnue et de multiplier les témoignages d’entreprises telles que Polypop. En Île-de-France, sur les six derniers mois, déjà quelques quarante entreprises ont été identifiées, pour lesquelles le biomimétisme est une source d’inspiration. Le centre de recherche de Senlis fera venir les meilleurs experts nationaux et internationaux sur le sujet et aura pour vocation de fédérer l’ensemble des initiatives en permettant une collaboration de toutes les parties prenantes.

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Problèmes liés à la constitution de filières, notamment dans le cadre d’utilisation de déchets agricoles comme matière première. Les déchets agricoles représentent le premier déchet produit en France avec 300 millions de tonnes par an, mais impossible de garantir des coûts stables d'une année à l'autre car cette filière n’est pas organisée et les entreprises sont conditionnées par ces marchés volatiles.


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Quelle est la rapidité d’action des champignons « dépollueurs » ? [Gil Burban] Nous avons en France environ 4800 sites inventoriés comme pollués11. On les estime à plus de 300 000. Les acteurs qui interviennent sur ces sites et, notamment les aménageurs, sont pressés. Les méthodes qui permettent de dépolluer les sols sont soit chimiques soit bactériennes. Ces techniques sont extrêmement chères et globalement assez longues. Par exemple, la dépollution d’une terre polluée aux PCB coûte environ 20 000 euros par m3. L’intérêt des champignons est de travailler in situ. Pour une pollution aux hydrocarbures, il faut environ deux mois aux champignons pour dépolluer sur un mètre de profondeur. L’assurance est-elle un frein au biomimétisme ? Dans le cas de Polypop, la matière première est une matière vivante, cela peut faire peur car ce n’est pas inerte. C’est un facteur de risque de déviance du produit par rapport à son but initial. Mais le frein est surtout culturel et non technologique, il faut apprendre à vivre avec et ne pas avoir peur – comme avoir des pleurotes au plafond pour s’isoler. Or, les champignons comportent des risques et c’est pourquoi l’entreprise ne travaille qu’avec certaines catégories de champignons comestibles non pathogènes.

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Sites répertoriés sur le site http://basol.environnement.gouv.fr


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2ÈME TABLE RONDE : ÉVALUATION DES RISQUES ET RÉGLEMENTATION Animateur: Marc BARRA – Écologue, Natureparif Marc Barra est écologue à Natureparif, l’Agence régionale pour la nature et la biodiversité en Île-deFrance. Titulaire du master en écologie de l’université Paris-Sud XI, il travaille à mettre en relation les acteurs économiques avec le monde de l’écologie, notamment sur les questions de transition. A Natureparif, il a coordonné la publication du guide « Entreprises, relevez le défi de la biodiversité » et rédigé le guide « Bâtir en favorisant la biodiversité » sur la transition écologique dans le secteur du bâtiment.

Nous sommes face à deux écoles de pensée : d’un côté, ceux qui estiment que la réglementation environnementale ne permet pas d'avancer et interdit le progrès, de l’autre, ceux qui voient dans les contraintes liées à la réglementation un levier pour l'innovation. Concevoir des matériaux à base de champignons, comme décrit précédemment, en est la preuve. Voici d’autres exemples. Toitures végétalisées en Suisse L’exemple de la Suisse illustre bien cette capacité d’innovation. Depuis 2005, les toitures végétalisées sont devenues obligatoires dans certains cantons pour toute construction neuve avec toit plat. Il ne s’agit pas de quelques centimètres de substrat minéral, mais bien d’un véritable écosystème reproduit, qui attire des cortèges d'espèces et assurent un ensemble de fonctions utiles en complément d’autres démarches pour restaurer la nature en ville. Ce choix a stimulé l'innovation puisque la Suisse est l’un des premiers prestataires de services en toiture végétalisée en Europe. Le choix de matériaux biosourcés En France, les matériaux biosourcés (issus du vivant comme le lin, la paille ou le chanvre) ont du mal à se développer face au lobby du béton et des granulats. Les entrepreneurs et les particuliers qui se lancent dans un projet d’éco-construction peuvent témoigner à quel point c’est un véritable parcours du combattant de passer tout un ensemble de règles et de finaliser l’opération. Les assurances sont parfois réticentes à délivrer une garantie décennale ou un avis technique du CSTB12 tarde, autorisant l’usage d’un matériau donné. Or, rien que pour le projet du Grand Paris, qui prévoit la construction de 70 000 logements par an sur 20 ans, nous aurons besoin d’une quantité faramineuse de matériaux. Si des solutions ne sont pas trouvées, il faudra sans doute importer des matériaux d’autres régions, élevant d’autant plus notre empreinte écologique. Dans cette optique, plusieurs acteurs franciliens dont Natureparif travaillent à l’émergence de filières locales pour diversifier les matériaux de construction. Les matériaux biosourcés font partie de ces solutions alternatives.

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Centre scientifique et technique du bâtiment (établissement public français à caractère industriel et commercial)


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Gestion des NOx en Suède En Suède, le gouvernement impose une taxe sur les NOx13, très polluants et émetteurs de gaz à effet de serre. Elle s'élève à près de 5000 euros la tonne… contre 145 euros en France. Aujourd’hui, la Suède détient le plus grand nombre de technologies brevetées pour la dépollution des NOx, ce qui montre l’utilité d’une contrainte pour innover. Cet exemple illustre aussi la différence entre une taxe dont le montant est fixé par la puissance publique à celles dont le marché fixe les prix. C’est le cas du protocole de Kyoto. De 34 euros la tonne au début du protocole, nous sommes aujourd'hui à 7 euros. Non seulement cela n’a pas permis de diminuer les gaz à effet de serre puisqu'ils n'ont jamais été aussi haut, mais cela a même parfois permis aux entreprises les plus émettrices de gagner de l'argent en revendant leurs quotas. « Qui dit contrainte dit adaptation, nouveaux emplois et nouveaux marchés potentiels » La régulation et la commande publique, parfois vues comme de nouvelles contraintes, s’avèrent de véritables leviers pour innover dans le domaine de la biodiversité. Les besoins évoluent et dans ce cadre, les collectivités territoriales et les entreprises font désormais appel à des écologues pour les aider dans leurs projets. Des ressources pour aller plus loin, les deux premiers guides de la collection Natureparif à destination des entreprises publiques et privées sont désormais disponibles en téléchargement gratuit sous forme de fiches pratiques :

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Entreprises, relevez le défi de la biodiversité, pour une introduction à la transition écologique de l’économie. Bâtir en favorisant la biodiversité pour accompagner les projets immobiliers depuis leur conception jusqu’à leur fin de vie

Du respect de la réglementation à la recherche d’opportunités James QUINTERO, co-fondateur de Gaiadomo Fort de 20 ans de carrière industrielle, James Quintero a associé en 2006 son expérience auprès des grands comptes à l’expertise naturaliste d’un écologue pour fonder Gaiadomo. L’objectif est de rendre accessible le savoir des écologues aux managers, afin que les entreprises puissent prendre conscience des enjeux liés à la biodiversité dans le cadre de leurs activités. James Quintero dirige le pôle Consulting, qui accompagne les organisations dans leur prise en compte de la biodiversité, notamment par l’analyse des enjeux qui leur sont propres, l’élaboration d’indicateurs de suivi et d’outils d’aide à la décision adaptés à leur activité

Gaiadomo est une agence d’étude et de conseil en biodiversité, disposant d’un Pôle Bureau d’étude constituant le savoir-faire initial de l’Agence (inventaires faune, flore et habitat, études d’impacts et d’incidence, Natura 2000, etc.) ainsi que d’un Pôle Consulting pour aider à élaborer une stratégie biodiversité, en formalisant des engagements environnementaux et en intégrant la biodiversité dans le management de l’entreprise grâce à des outils d’aide à la décision.

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Terme générique désignant les oxydes d'azote provenant essentiellement de la combustion des combustibles fossiles et de quelques procédés industriels.


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Notions règlementaires liées à la biodiversité La prise en compte de la biodiversité par la réglementation internationale et nationale date d’une quarantaine d’années. Elle a commencé par la Convention Ramsar de 1971 sur les zones humides pour se terminer par les lois de Grenelle et un décret d’application publié en 2012 entre les deux tours de la présidentielle sur les obligations d’information extra-financière des entreprises.

Néanmoins ce sujet est émergent. Si le parallèle peut-être fait avec celui des émissions de gaz à effet de serre, la grande différence est qu’en matière de biodiversité, nous n’avons pas l’équivalent de la tonne carbone et la prise en compte d’un point de vue financier de la biodiversité n’est pas aboutie. Aujourd’hui, la réglementation évolue et se divise selon deux axes : d’un côté une réglementation « terrain » et de l’autre, une réglementation plus « business ». La réglementation « terrain » concerne toutes les études sur la biodiversité qui sont imposées aux porteurs de projets, aux aménageurs ou aux collectivités locales qui modifient leurs documents d’urbanisme. Elle concerne aussi les zones protégées comme les zones Natura 2000. La réglementation « business » ou « contextuelle » concerne les normes de construction et notamment la norme internationale BREEAM14 qui prend en compte à hauteur de 20% la présence et le travail réalisé pour la biodiversité dans la construction et les alentours du bâti. De même, de nouvelles obligations apparaissent comme les obligations de reporting extra-financier avec toute une recherche d’indicateurs sur la biodiversité. Les grands groupes devront rendre publique leur politique et les actions prises au sein de leurs structures pour la préservation de la biodiversité. Le cas d’Eiffage 3ème groupe de BTP en France et 5ème au niveau européen, Eiffage est sur le projet de la LGV (Ligne Grande vitesse) de 187 km entre Le Mans et Rennes.

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BRE Environmental Assessment Method est la méthode d'évaluation de la performance environnementale des bâtiments développée par le Building Research Establishment (BRE), établissement de la recherche en Bâtiment britannique. Il est comparable à d’autres référentiels comme la HQE en France ou LEED aux États-Unis.


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Eiffage a souhaité aller au-delà des contraintes réglementaires et développer des outils d’aide à la décision afin d’être proactif sur ce sujet majeur qu’est la biodiversité. Gaiadomo a utilisé l’outil Bio Évaluation® qui permet d’avoir une photographie à un instant T de la présence de la biodiversité sur une emprise foncière précise. Cela permet d’identifier les enjeux écologiques afin de faire des préconisations pertinentes. Ainsi, le bureau d’étude livre par exemple une cartographie détaillée qui permet de faire des préconisations, comme un accès travaux différent de celui choisi par les conducteurs de chantier. Sur un site, le cabinet a ainsi conseillé un accès des machines via des bosquets plutôt que la prairie car leur restauration était réalisable plus rapidement. Autre exemple, le fait de livrer une synthèse permettant de hiérarchiser les sites en fonctions des risques pour la biodiversité : cela permet de mieux comprendre les enjeux et de mieux communiquer sur ses choix en termes de travaux. Pour obtenir cette pertinence, Gaiadomo a sélectionné 14 cours d’eau pour lesquels l’équipe a travaillé sur la totalité de la biodiversité « commune » (espèces et habitats) et non uniquement sur les espèces protégées. Ce travail engagé avec Eiffage prend du temps (contrat de 5 ans) puisqu’il va de la « Bio évaluation » à la « Bio restauration ». En effet, toute la biodiversité détruite sera restaurée autant que possible, dans la mesure où Eiffage ne peut en aucun cas modifier le trajet fixé pour la LGV.

Processus de mise en œuvre

Ces études biodiversité permettent ainsi à Eiffage de :  mesurer l’impact des travaux sur la faune, la flore et les habitats,  offrir une visualisation nécessaire à la prise de décisions,  mettre en place une formation des conducteurs de travaux afin d’expliquer les enjeux en matière de biodiversité sur ces 14 sites et les conséquences sur les travaux à mener pour maîtriser l’empreinte,  Enfin, pour le Directeur de projet, c’est un outil de présentation de la politique générale du Groupe vis à vis de la biodiversité. C’est donc un outil de communication interne et externe.


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Principes méthodologiques du Bilan Biodiversité® Charles GERMANEAU, co-fondateur de Synergiz, chargé de développement et Marc BARRA – Écologue, Natureparif Charles Germaneau est le co-fondateur de l’association Synergiz depuis 2006, après avoir travaillé comme chargé de développement et marketing au sein de l’Agence Régionale de l’Energie de la Réunion. Il est en charge du développement et de la communication de l’association. Issu d’une formation commerciale, avec une expérience de six ans en commerce et marketing dans le secteur du multimédia, il apporte une approche pratique pour la recherche de financements et le suivi de projet. Il contribue régulièrement aux publications et cahiers techniques de Synergiz.

L'objectif de Synergiz est de réconcilier économie et biodiversité au travers de la production d'outils innovants. Dans ce cadre, l’association a développé le Bilan Biodiversité® avec Natureparif pour intégrer la nature dans la comptabilité. Principes du Bilan Biodiversité C’est un outil multicritère basé sur une analyse quantitative des dépendances et atteintes aux services écologiques, ainsi que l'identification des risques et opportunités associés. Il permet d'améliorer les processus de décision interne tels que l’écoconception ou la gestion du patrimoine foncier et d'influencer les parties prenantes – par exemple lors de projets d’aménagement. Le Bilan Biodiversité constitue une photographie des interactions entre une organisation et les écosystèmes. Élaborer un Bilan Biodiversité Le Bilan Biodiversité se base sur la classification internationale commune pour les services écologiques15 (CICES). Il se déroule en cinq étapes : 1. Définir les frontières organisationnelles de la structure, c'est-à-dire le contrôle effectif ou financier et le contrôle de parts sociales 2. Définir le périmètre d’analyse, tant spatial que temporel, en expliquant les raisons qui motivent l’inclusion ou l’exclusion de certaines activités ou aspects de la structure. Il comporte trois niveaux d’analyses :  le périmètre 1 (P1) vise les dépendances et atteintes directes à la biodiversité liées aux activités entièrement contrôlées par l’organisation (ex. foncier, infrastructures)  le P2 vise les dépendances et atteintes directes et indirectes à la biodiversité liées aux écosystèmes périphériques aux activités contrôlées par l’organisation (ex. écosystèmes en périphérie des frontières de la collectivité)  le P3 vise les dépendances et atteintes indirectes à la biodiversité liées aux activités amont (approvisionnements) et aval (usages et fins de vie des produits ou services vendus) contrôlées par d’autres organisations. Cela correspond à une approche « cycle de vie » des produits, services et / ou actifs d’une organisation comme tous les fournisseurs de la collectivité et les utilisateurs directs et indirects des services/infrastructures de la collectivité. 3. Quantifier les dépendances aux écosystèmes, c’est-à-dire caractériser et comptabiliser les usages de différents types de services écologiques (approvisionnement, régulation et services culturels). Par exemple, le service d’approvisionnement regroupe tout ce qui touche à la nourriture, les matériaux et l'énergie.

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De l’anglais : Common International Classification of Ecosystem Services. En savoir plus : http://cices.eu


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4. Quantifier les différentes sources et types d’atteintes aux services écologiques, et les articuler les uns par rapport aux autres. Par exemple, les atteintes liées aux services de régulation regroupent la régulation des processus d'assimilation et de dégradation des déchets, la régulation des risques naturels et la régulation et maintenance des conditions biophysiques. 5. Quantifier les dimensions économiques du Bilan Biodiversité avec les coûts et revenus internes et externes.

Le résultat de ce Bilan Biodiversité permet de voir, d’une part, les dépendances (quantités de services d’approvisionnement renouvelables et non renouvelables, fonctions et processus écologiques cartographiés) et d’autre part, les atteintes. Pour ces dernières, il s’agit des surfaces artificialisées par les activités d’une structure et les modes d’exploitations des différents services écologiques dont l’entreprise dépend (besoin alors d’actions de compensation), ainsi que des milieux, fonctions et processus écologiques impactés (cartographiés) par les activités de l’entreprise ou les modes d’exploitations des différents services écologiques dont elle dépend (pêcherie, foresterie, élevage extensif). Quelles utilisations du Bilan Biodiversité ? Le Bilan Biodiversité peut être utilisé dans le cadre :  

Du reporting « Responsabilité Sociale et Environnementale » (RSE), en illustrant les liens avec le référentiel du Global Reporting Initiative (GRI) ; De la comptabilité générale (ou comptabilité financière), en illustrant les liens avec les différentes catégories d’écritures comptables selon le Plan Comptable Général (PCG) applicable en France ; Du reporting intégré, selon les principes directeurs de l’International Integrated Reporting Committee (IIRC) et en présentant deux modèles de divulgation comptable intégrée, l’un partiel, l’autre complet.

La première approche consiste en l’intégration partielle de l’information comptable financière et RSE : en divulguant l’ensemble des indicateurs quantitatifs des dépendances et atteintes à la biodiversité selon les périmètres choisis, potentiellement en s’articulant avec le cadre de reporting du GRI. Dans la section financière du rapport intégré, en divulguant des annexes au bilan et compte de résultat différenciant les montants des catégories de comptes (actifs et passifs, charges et produits, respectivement) directement liés aux dépendances et atteintes de l’entreprise aux différentes catégories de services écologiques du Bilan Biodiversité.


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L’autre approche repose sur l’intégration complète de l’information comptable financière et RSE qui permet de construire un système de comptabilité générale intégré impliquant de reprendre les principes et règles de la comptabilité générale sélectionnée pour les opérations comptables traditionnelles, développer des principes et règles pour les comptes quantitatifs RSE afin de produire leur bilan et compte de résultat pour chaque exercice et enfin, créer des passerelles entre ces deux types de comptes via des comptes «miroirs» pour chaque unité de quantification liée à la RSE. Une deuxième phase du bilan biodiversité pour permettre de développer différents périmètres et protocoles aura lieu en 2013-2014.

Présentation de la démarche de Compensation des atteintes à la biodiversité Laurence LE LEGARD MOREAU, Responsable nationale prestations "milieux naturels" - Direction du Développement et Marianne RUBIO, chargée de mission compensation biodiversité à la direction de l'environnement et des risques naturels, ONF Laurence Le Legard-Moreau est ingénieur Forestier de l'Agriculture et de l'Environnement. Elle a d'abord travaillé en gestion forestière tropicale à Madagascar avant de devenir chef de Division de l’ONF dans les Ardennes en 1995 où elle participe l’année suivante à la mise en place du réseau environnemental Natura 2000. Elle intègre ensuite le Bureau d'Études ONF d'Aix-en-Provence dont elle prend la responsabilité en 2006, pilotant de nombreuses études sur des problématiques environnement et aménagement du territoire pour des partenaires publics et privés. Depuis 2010, elle suit les prestations environnement de l’ONF au niveau national et anime un réseau de compétences dédié. Marianne Rubio est ingénieur des Ponts, des Eaux et Forêts. Elle a d’abord été responsable de la mobilisation et de la vente des bois à l’ONF sur plusieurs régions françaises avant d’assurer entre 2007 et 2009 le suivi des questions liées au carbone forestier et au changement climatique, notamment au travers des négociations internationales liées à l’application du Protocole de Kyoto. Depuis 2010, en tant que pilote à l’ONF, elle suit les projets donnant lieu à de la compensation, dans un contexte de réflexion plus large sur l’évaluation et la valorisation des services rendus par les écosystèmes.

Les missions de l’ONF L’Office National des Forêts (ONF) est un établissement public dont la mission principale est la gestion des forêts publiques appartenant à l’État, ainsi qu’aux collectivités territoriales. De ce fait, l’ONF gère un ensemble important de milieux forestiers et associés représentant environ 4,7 millions d’hectares en France métropolitaine et 6 millions d’hectares dans les départements d’Outremer. A ce titre, l’ONF a, historiquement, une gestion d’espaces naturels qui forment un creuset de biodiversité avec une caractérisation d’espaces plus spécifiques que forment les 229 réserves biologiques (totalisant environ 140.000 ha). Les engagements de l’ONF en matière de biodiversité résultent des engagements internationaux de la France, principalement la Convention de la Diversité Biologie, la Stratégie de la Biodiversité, le Réseau Natura 2000 et les différentes conférences interministérielles sur la protection des forêts – sans oublier le Grenelle Environnement conduisant à un accord permettant que la biodiversité ne soit pas seulement une contrainte, mais un atout. De plus, l’ONF produit du bois avec un souci majeur, celui de mieux préserver la biodiversité. Dans ce cadre, des contrats internes avec l’État sont signés, dans le respect également de la norme ISO 14001. La biodiversité, une prise en compte relativement récente La biodiversité est une donnée qui existe de longue date, qui n’est cependant prise en compte que depuis quelques décennies. Or, la particularité de l’ONF est de gérer un héritage forestier à des niveaux de temps très longs, de l’ordre du siècle, voire plus : la notion de biodiversité existait au


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préalable mais les attentes en la matière n’ont été formulées que depuis quelques décennies par la société. L’ONF a donc mis en place des actions de suivi, permettant au passage d’observer les évolutions de plus en plus rapides, notamment les effets du changement climatique perçus au quotidien dans les massifs forestiers. Mais l’ONF assiste aussi à une montée en puissance de la prise en compte de la biodiversité dans les stratégies d’entreprises au travers de ses partenaires. Compenser les atteintes à la biodiversité L’ONF dispose également d’un réseau de bureaux d’étude répartis sur tout le territoire et intervient à ce titre dans les études réglementaires amont qui sont nécessaires à la réalisation de projets – et notamment la compensation biodiversité. Plusieurs textes/procédures réglementaires existent, s’inscrivant dans la démarche « éviter, réduire, compenser les impacts » - étant entendu que la compensation doit rester le dernier recours, quand toutes les solutions d’évitement et de réduction ont été épuisées. Il s’agit d’éviter toute perte nette en compensant les impacts résiduels. Ces procédures s’inscrivent soit dans des démarches d’études d’impacts ou de dérogation/destruction d’espèces protégées, voire des dossiers loi sur l’eau quand des zones humides sont impactées. Plusieurs démarches réglementaires peuvent d’ailleurs se superposer avec différentes exigences de compensation pour chacune. Divers outils de cadrage existent au niveau national, notamment la doctrine publiée récemment par le Ministère en charge de l’Écologie « éviter, réduire, compenser les impacts ». Des guides et des lignes directrices devraient bientôt être publiés qui font la synthèse des aspects réglementaires et des obligations dans le cadre de projets, programmes et plans. Il existe également un certain nombre de guides nationaux ou régionaux sur lesquels l’ONF s’est appuyé pour constituer sa politique en matière de compensation. L’approche de l’ONF L’approche repose initialement sur la prise en compte de la fonctionnalité des écosystèmes, non seulement dans le périmètre du projet mais au-delà, pour bien comprendre l’ensemble des cycles biologiques et des espèces impactées, ainsi que les impacts sur les corridors biologiques pour avoir une vision dynamique du paysage, à la fois dans l’espace et dans le temps. La compensation doit se faire à proximité des zones impactées, de manière à ne pas pénaliser l’état de conservation des espèces et des habitats. Autant que possible, ces mesures sont mises en place avant même la destruction des milieux pour assurer une continuité – ce qui veut dire pouvoir anticiper ces opérations. Souvent, les projets font l’objet à la fois de demandes de dérogation au régime des espèces protégées et de dossier loi sur l’eau (ex. destruction d’une mare), avec des exigences qui varient. L’ONF vise alors à superposer les différentes exigences compensatoires pour mutualiser les bénéfices, dans un souci d’efficacité et de consommation d’espace. Les niveaux d’équivalence proposés sont estimés en fonction des enjeux de conservation, des statuts de protection des espèces considérées et la sensibilité au niveau régional et local, avec un enjeu de taille : la sécurisation des sites. En effet, la compensation doit être pérenne dans le temps et en général, l’ONF propose que la compensation soit réalisée sur 10, 15, 25, voire plus de 30 ans. Il faut pouvoir garantir la sécurisation de l’usage de ces sites et la sécurisation foncière. C’est un travail qui nécessite de pouvoir à la fois croiser les disponibilités foncières (trouver des terrains où ces mesures peuvent être mises en œuvre) et croiser une approche scientifique pour identifier les sites les plus pertinents pour mener à bien les opérations de création, de restauration ou de conservation de milieux naturels.


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Projet de la Ligne Grande Vitesse Bretagne-Pays de Loire L’ONF a travaillé dès la phase d’appel d’offre d’Eiffage sur le projet de compensation espèce protégée, loi sur l’eau. L’office est désormais chargé de protéger les sites liés à la compensation, soit 650 hectares à identifier pour créer et restaurer principalement des mares et des haies et assurer les connections biologiques (notamment pour les amphibiens et insectes). Des sites agricoles pour certains oiseaux sont également pris en compte. Suite à l’avis favorable rendu par la Conseil National à la Protection de la Nature en 2012, les propositions sont actuellement mises en œuvre et des négociations ont cours avec la profession agricole pour élaborer des cahiers des charges permettant de pérenniser certains usages sur ces terrains. Projet ITER à Cadarache L’ONF a également accompagné l’obligation de compensation biodiversité imposée par les services de l’État à la mise en place de l’installation ITER de Cadarache dans les Bouches-du-Rhône (ITER : International Thermonuclear Experimental Reactor – cette installation a pour but de démontrer que la fusion nucléaire est une source d’énergie pour l’avenir). L’ONF intervient auprès d’ITER en tant qu’expert sur l’équivalence écologique des terrains à acquérir, en partenariat avec la SAFER (structure chargée du volet foncier) pour identifier les terrains les plus adaptés écologiquement aux exigences réglementaires de la compensation à respecter. Perception sur la notion de compensation La compensation est désormais perçue par les entreprises à la fois comme une opportunité et un risque. L’opportunité, c’est pouvoir prendre en compte la biodiversité dès la phase d’appel d’offre, au travers des aspects évitement/réduction/compensation. Le risque est que si ces aspects ne sont pas bien pris en compte, les conséquences sont importantes : des carences au niveau des études d’impacts peuvent entraîner des retards conséquents dans le déroulement des projets, avec des pertes financières. La biodiversité représente un enjeu important sur ces questions réglementaires.

Débat avec la salle Valoriser la formation et les compétences L’objectif du Bilan Biodiversité® est de montrer ce que l’entreprise fait, à la fois en bien et en mal, pour bien comprendre les répercussions de ses actions en terme de coût, notamment les coûts évités (ex. devenir plus performante énergétiquement quand les prix du pétrole s’envolent ou lorsqu’il n’y a pas eu dégradation de l’écosystème). C’est par l’évitement que les bénéfices sont appréciés. Un participant soulève néanmoins la question de la valorisation monétaire des compétences acquises par les entreprises qui s’améliorent et prennent en compte la biodiversité, soit la monétarisation des biens immatériels. Or, il manque encore d’une manière générale un outil qui puisse permettre de capitaliser ces compétences et la formation à leur juste valeur. Compensation biodiversité : une collaboration étroite avec les associations Les associations locales sont associées en amont des projets pour trouver des sites permettant la compensation. Elles sont force de proposition, avec des préconisations pour limiter les impacts et restaurer les milieux à proximité. Un travail a notamment été mené avec la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux). Dans un contexte où la biodiversité est tellement riche et complexe, les associations sont une composante essentielle du travail car elles connaissent très bien les enjeux locaux. Enfin, en aval des projets, elles continuent à être associées dans les échanges avec les différentes parties prenantes pour construire des cahiers des charges et pérenniser les actions.


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Contrainte ou opportunité ? Hélène Leriche rapporte les propos d’une grosse entreprise du BTP qui lui disait que les contraintes réglementaires représentaient en fait une opportunité, car de toutes les façons, les collectivités feront passer le TGV/l’autoroute, en donnant les moyens nécessaires. Ce principe d’éviter ou de compenser pousse donc à l’innovation, pour trouver d’autres solutions et des façons de construire. « Les contraintes réglementaires sont de formidables leviers d’innovation pour la biodiversité et les structures humaines. » Bientôt un bonus écologique ? La question est évoquée de l’éventuelle mise en place d’un bonus écologique qui favoriserait les territoires œuvrant en faveur de la biodiversité. Toutefois, l’évolution vers ce type de fiscalité écologique n’est pas encore à l’ordre du jour.


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3ÈME TABLE RONDE : ÉVALUATION DES RISQUES ET RÉGLEMENTATION Animateur: Claire DE BLIC, Consultante en communication digitale, Publicis Claire de Blic est diplômée en communication des entreprises. Après un bref passage par la presse et la communication publique, elle s'est dirigée vers le monde du conseil stratégique, en relations presse d'abord, avant de se spécialiser dans le digital. Depuis 3 ans chez Publicis Consultants, elle accompagne des organisations dans la gestion de leur réputation, de leurs relations avec les communautés en ligne et les e-influenceurs et d’autre part, dans l'animation de leur présence en ligne. Elle conçoit et déploie des stratégies e-Relations Publiques, community-management et brand content pour ses clients dans une logique réputationnelle, relationnelle et communautaire.

Dans le métier de la communication, le développement durable est perçu comme une opportunité puisque finalement, les entreprises vont capitaliser sur leurs pratiques vertueuses, sur leurs bonnes actions/pratiques pour aller communiquer ensuite vers leurs publics. Or :  75% des français attendent des entreprises qu’elles développent des produits plus respectueux de l’environnement (Etude de 2009 d’Harris Interactive),  46% considèrent que les entreprises ont réalisé des efforts importants en faveur du développement durable (Sondage BVA 2012) Quel est le résultat de ces attentes ? Finalement, ce qui intéresse les entreprises, ce n’est pas seulement d’avoir une bonne image/réputation, il faut que cela draine de l’achat, de la consommation et que ce soit un critère de choix au moment de l’achat, notamment celui alimentaire – l’enjeu le plus capital pour les communicants car c’est là finalement où la préoccupation devrait être la plus prégnante :  pour 78% des français le premier critère d’achat est le prix,  et 29% pour l’origine des produits alimentaires Au final, le plus important est la sensibilisation du grand public et des entreprises car si le grand public n’a pas intégré cette problématique, elles-mêmes ne vont pas l’intégrer dans leur pratique et dans leurs activités industrielles et commerciales.

Communiquer sur ses valeurs en évitant le greenwashing Emmanuelle BRAME, Responsable du Développement/Chargée du Mécénat - Fonds de Dotation pour la protection de la biodiversité Après une formation en économie et marketing, Emmanuelle Brame a passé 15 ans dans le secteur des medias, travaillant comme directrice de publicité et directrice commercial au sein de divers groupes, incluant notamment Publicis, Mondadori le Groupe Express Roularta. Forte d’un intérêt pour l’avenir de l’environnement et le respect des équilibres au travail, elle intègre le Fond de Dotation pour la biodiversité début 2012 pour travailler sur le développement du Mécénat et la sensibilisation à la biodiversité pour accompagner une prise de conscience.


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Le Fond de Dotation pour la Biodiversité (FDB) est une institution française créée en 2009, suite à l’initiative Save your logo16 lancée par Olivier Chiabodo. Ce programme vise la sensibilisation des entreprises ayant un logo végétal ou animal, pour les impliquer dans la préservation de ces espèces. LE FDB répond à plusieurs missions :  partager la réflexion sur ce qu’est la biodiversité  contribuer à la protection de la biodiversité  sensibiliser au respect et à la préservation de l’environnement Le FDB accompagne également depuis récemment le programme ministériel de l’Atlas de la Biodiversité Communale17 (ABC). Il a constitué un fond de soutien doté grâce au mécénat des entreprises, permettant d’appuyer financièrement les communes souhaitant un inventaire de leur biodiversité locale et référencées auprès du Ministère. La biodiversité, un vrai sujet de société La biodiversité est certes une notion scientifique, mais c’est tout ce qui fait la vie. C’est notre quotidien, un sujet abordé comme un vrai sujet de société, comme l’économie, la politique, la culture. Il faut donc en faire prendre conscience aux entreprises, pour une approche constructive auprès de leurs collaborateurs ou clients. De plus en plus maintenant les Français sont sur un marché franco-français : les consommateurs – ou les consomm’acteurs, sont à la recherche de produits qui ont une traçabilité. Nous prenons bien garde que les entreprises n’en profitent pas, mais qu’elles prennent conscience de cette opportunité aujourd’hui, surtout en période de crise. Au final, les entreprises sont assez réceptives – elles veulent comprendre, apprendre et mesurer les enjeux. Elles veulent justifier ce qu’elles font mais ont besoin d’être aidées pour quantifier, qualifier les raisons d’agir et contribuer à une prise de conscience. Et finalement, jouer un rôle sociétal. Identifier des axes de communication Le FDB a facilement accès à certains éditeurs ou médias servant de « caisse de résonance ». Récemment, il a travaillé avec Valeurs Actuelles – les premiers à répondre favorablement en reconnaissant que le magazine ne connaissait pas le sujet de la biodiversité mais que c’était un capital naturel dont l’économie dépendait. Une production a été faite il y a un an, qui s’est avérée un vrai succès auprès des lecteurs. L’expérience a depuis été réitérée, permettant de toucher des entreprises et des institutions financières. D’autre part, le discours doit être adapté car les entreprises ont plus ou moins de connaissances. En fonction des interlocuteurs, le FDB évalue la façon dont ils peuvent s’imprégner du sujet pour que cela puisse faire sens dans le cadre de leur entreprise et des clients. L’exemple d’un des mécènes, la marque "Okay" qui utilise un logo d’éléphant, l’illustre bien : elle défend un programme18 en Afrique où, en deux ans et demi, elle a réussi à préserver des éléphants, sensibiliser près de 120 écoles et fait des classes natures ; l’histoire peut être suivie sur leur site. C’est impressionnant et les valeurs de l’entreprise peuvent être mieux perçues. Des financiers de plus en plus conscients des risques Les instituts financiers peuvent sembler des soutiens improbables et pourtant, leur intérêt est croissant. La plupart expliquent désormais que pour prêter aux entreprises, il va falloir montrer patte blanche. Cette volonté s’intensifie car le capital naturel commence à être valorisé. Si un laboratoire 16 17

www.saveyourlogo.org En savoir plus :

www.fdbiodiversite.org/actions/atlas-de-la-biodiversite-des-communes www.developpement-durable.gouv.fr/Pourquoi-un-atlas-de-la.html 18 En savoir plus : www.okay.fr/le-programme


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dépendant d’une espèce végétale s’aperçoit très tardivement que cette espèce en question va disparaître dans un an, cela va devenir très compliqué pour la valeur de l’entreprise. « Que devient une entreprise face à la détérioration de l’écosystème dont ses produits sont issus ? » Suivi et partage des résultats Le FDB est avant tout une structure qui sélectionne des programmes dans le monde qui vont être audités et suivis, c'est-à-dire identifier les opérateurs terrain, savoir comment ils travaillent, savoir ce qu’ils proposent, quels vont être les résultats. Les mécènes peuvent à n’importe quel moment demander au FDB l’état d’avancement, dans une logique qualitative et quantitative. Il s’agit ensuite de partager des résultats et des réflexions avec le plus grand nombre. Par exemple au travers des médias, mais aussi échanger avec différents profils comme des économistes qui rappellent que c’est un sujet qui va devenir à terme incontournable – si nous savons l’expliquer différemment. Cette sensibilisation doit passer par des canaux grand public et l’appui des médias tant que possible. Agir ensemble pour aller plus loin Le FDB veut donc mieux faire comprendre tout en accompagnant des projets personnalisés, via des programmes bien identifiés. L’idéal est de les proposer à des entreprises qui vont plus facilement s’identifier – ce qui facilite le partage en interne avec les équipes (comme protéger une espèce utilisée en logo). D’un côté, il y a l’approche scientifique et de l’autre, le côté communicant/sensibilisation. Nous nous dirigeons vers quelque chose encore plus vertueux, il y a de plus en plus de personnes très réceptives. Le tout est de passer par une très bonne pédagogie. Pour le FDB, l’action principale est donc d’œuvrer dans un intérêt général.

Biodiversité Positive: un guide pédagogique pour faire évoluer les pratiques Alexandre GARCIN, Chef de Projet Construction Durable, NORPAC (filiale du groupe Bouygues) Alexandre Garcin est en charge de la Construction Durable chez Norpac, filiale régionale de Bouygues Construction du Nord Pas-de-Calais/Picardie et un des principaux acteurs régional de la construction durable, qui s’est investie notamment dans un vaste projet de recherche et développement en lien avec les acteurs de son territoire. Alexandre Garcin anime l’amélioration de l’offre commerciale en termes de construction durable, le suivi de la qualité dans les objectifs de performance énergétique des bâtiments et l’innovation en termes de développement durable. Il est responsable pour Norpac du programme de recherche sur le Bâti à Biodiversité Positive avec l’Université Catholique de Lille.

Biodiversité bien ordonnée commence par soi-même La prise en compte de la biodiversité dans les activités de Norpac fait partie de l’approche globale de l’entreprise. Cela a commencé avec la construction de son siège il y a 3 ans. Situé à Villeneuve d’Ascq, c’est le premier bâtiment tertiaire BBC HQE19 au Nord de Paris avec des performances mesurées et pilotées qui en font encore une référence dans le bâtiment. Il fait partie des 1% des bâtiments les plus HQE de France, avec un travail sur l’énergie, les matériaux, la santé des travailleurs et des occupants et enfin, sur la biodiversité. Cet aspect biodiversité a été géré en fonction des caractéristiques du site mais aussi dans l’objectif de créer différents milieux : humides, semi-humides, rocheux… La société a même essayé d’avoir un parking planté avec des espèces endémiques et non allergènes. L’effort ne s’est pas arrêté au niveau 19

Bâtiment Basse Consommation et labellisé Haute Qualité Environnementale


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de la construction : il était prévu que tous ces espaces soient gérés de manière exemplaire sans produits phytosanitaires. Pourtant, Alexandre Garcin a rapidement surpris les personnes chargées de l’entretien à pulvériser du Roundup sur l’esplanade. Questionnées, elles ont répondu que l’entreprise choisie ne "savait faire que ça". Or, des ruches ayant été placées devant le siège (les plus productives de la métropole lilloise selon l’apiculteur), en toute logique, il fallait une gestion différenciée20. Il a été demandé à l’entreprise de jardinage de changer de produit mais il a finalement fallu se résoudre à changer d’entreprise.

Un partenariat qui aboutit à un site pour sensibiliser les acteurs du bâtiment Sensibiliser tous les acteurs du bâtiment à la biodiversité est un travail de longue haleine. Dans ce cadre, Norpac a noué un partenariat avec l’Université catholique de Lille et l’IDDR (Institut du Développement Durable Responsable) en vue de développer un référentiel méthodologique et pédagogique appelé « Bâtir la biodiversité positive ». Derrière le terme positif un peu « marketé », il y a l’idée d’une biodiversité qui ne nuit pas au bâtiment. Ce projet s’est concrétisé par la création d’un site internet en libre accès pour sensibiliser les acteurs. L’objectif est de montrer aux maitres d’ouvrages et aux maitres d’œuvre, ainsi qu’à tous les acteurs du bâtiment, que la protection de la biodiversité est compatible avec un projet de construction. Pour les maîtres d’œuvre, toute une méthodologie a été mise en place avec le diagnostic initial, le suivi du chantier respectueux de la biodiversité locale avec tout un volet SMO (système de management de l’opération) pour gérer le chantier. Le site s’adresse aussi aux exploitants et explique comment communiquer en interne et en externe, comment sensibiliser afin que le suivi écologique du site soit réalisé. Des formations sont proposées dans ce cadre. Enfin, c’est un site qui livre de bonnes pratiques aux utilisateurs avec des fiches méthodologiques (ex. fauche tardive, plants couvre-sol, paillage). Norpac intègre désormais ces directives dans tous ses projets.

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Mode de gestion plus respectueux de l’environnement. En savoir plus : guide de gestion différenciée interactif de Natureparif


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www.biodiversite-positive.fr : Les acteurs du bâtiment innovent aujourd’hui de plus en plus avec le souci d’intégrer les enjeux écologiques et notamment la biodiversité dans les objectifs de leurs projets. Ils se heurtent à des problématiques nouvelles et les réponses, si elles existent, sont difficilement accessibles. Le programme de recherche « Bâti et Biodiversité Positive » (BBP) a pour objectif de faire avancer l’état des connaissances quant à la relation entre biodiversité et milieu bâti. L’apport des murs végétalisés du point de vue écologique, technique et sociologique est notamment étudié par une équipe de chercheurs pluridisciplinaire sur des sites témoins.

La biodiversité : un confort pour l’utilisateur La biodiversité dans un projet de construction apporte des aménités, et notamment un confort supplémentaire pour l’utilisateur. Lors de l’achat d’un appartement dans une opération de promotion immobilière, l’acheteur ne regarde pas les plans des aménagements extérieurs. Ce n’est pas un critère emportant sa décision d’achat, mais ce sera certainement un critère de satisfaction. En général ne figurent hélas qu’une belle étendue de gazon et un petit sapin, source de déception. Si au contraire, il peut cueillir des pommes dans le verger qui a été planté devant son bâtiment, cela lui apportera beaucoup plus de satisfaction qu’un micro-sapin. Pourtant, la biodiversité est souvent annexe dans les projets de construction. Ce n’est pas un enjeu dont tiennent compte les maitres d’ouvrage ou les clients, il faut donc réussir à le valoriser, à faire comprendre qu’il y a un intérêt à acheter un produit dont la construction a pris en compte cet aspect – sans oublier un suivi du site adapté pour éviter des pratiques telles que la pulvérisation de Roundup. De nombreuses fiches techniques et retours d’expérience à disposition Le site ne s’arrête pas à la méthodologie, il fournit de nombreuses informations additionnelles, avec des fiches téléchargeables. Voici ci-après l’exemple d’une fiche mettant en lumière les risques posés par les surfaces vitrées pour les oiseaux et la façon de les éviter (il est considéré qu’il y autant de mort d’oiseaux par les vitres que par les chats).


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Exemple de fiche téléchargeable (www.biodiversite-positive.fr/wp-content/uploads/2011/10/Vitrage.pdf)

Convaincre reste cependant un travail de longue haleine Lors de la construction de la station d’épuration de Marquette, Norpac a appréhendé la biodiversité des terrains humides et semi-humides et envisagé une intégration paysagère sur les terrains de l’ancienne station. Le maitre d’ouvrage en a pris conscience en cours de chantier et cela n’a donc malheureusement pas constitué un argument de vente. C’est un travail au long court mais aujourd’hui, la société gagne des projets avec ce petit plus qui permet d’afficher une démarche globale. L’entreprise travaille aussi avec les associations. C’est important car une fois l’affaire signée, elle intervient dans les 2 mois – des délais trop courts pour faire une bonne étude initiale de la biodiversité. Seules les associations peuvent aiguiller sur l’intérêt potentiel du site. Valoriser la prise en compte de la biodiversité en la certifiant Quand la démarche de prendre en compte la biodiversité dans la construction est entreprise, il faut la certifier et prouver que le travail réalisé est de qualité. ELAN (filiale d’assistance à la maîtrise d’ouvrage HQE de Bouygues Construction) a développé avec des partenaires un référentiel biodiversité urbaine qui devrait rapidement arriver sur le marché. Il est à destination de tous et permettra de valoriser le travail fait sur la biodiversité d’un site, suivant 4 thèmes :    

l’engagement du maitre d’ouvrage pour l’amélioration du site, le projet et son intégration, le potentiel du site, les aménités c’est à dire tout ce qui fait le confort des utilisateurs futurs.


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Un référentiel et une démarche pour "Ecologiser" les projets immobiliers • Pour orienter la conception d'opérations qui prennent en compte la biodiversité, voire d'opérations "à biodiversité positive". • Pour aider à construire et exploiter des bâtiments qui prennent en compte la nature existante ou à recréer sur l'ilot en considérant le contexte local. • Pour exposer et donner de la valeur ajoutée à certains produits immobiliers par la mise en exergue des résultats et des services rendus par la biodiversité dans les villes. www.biodiversitépositive.fr/moe

Débat avec la salle La biodiversité dans un projet de construction : élément majeur ou « cerise sur le gâteau » ? Pour Alexandre Garcin, c’est souvent la petite cerise sur le gâteau, un « plus » commercial. Mais il y a des projets pour lesquels la question de la biodiversité est intégrée très en amont, tel celui en plein centre urbain, à Mons-en-Baroeul : Norpac a créé avec les architectes un bâtiment revêtu d’une résille végétale, appelé « pépite ». « Save your logo » : quelle démarche proposer aux entreprises, cohérente avec leur politique RSE ? Selon Emmanuelle Brame, FDB a l’ambition d’être un baromètre sur le plan à la fois micro, mais aussi macro-économique : nous rencontrons beaucoup d’entreprises et chaque rencontre nous permet d’enrichir un peu plus notre « matière » et de l’exprimer à travers les medias. Notre objectif est avant tout de sensibiliser le grand public sur la biodiversité. Nous interrogeons les entreprises : « votre logo est illustré par telle espèce végétale ou animale, estce que vous vous êtes posée des questions sur sa vie, son œuvre, son avenir…? ». Bien souvent la réponse est non et c’est normal. Lorsque c’est possible, nous identifions pour elles, avec des scientifiques, un programme qui paraît pertinent et adapté au sujet de la conservation de la biodiversité. Il est nécessaire que le programme ait un sens pour l’espèce, mais nous étudions également les conséquences du projet sur l’économie locale. Par exemple, pour l’entreprise Lacoste, c’est le comité scientifique qui définit un programme pour la protection de certaines espèces de crocodiles qui sont en grand danger dans le monde. Ce programme a 4 axes : 1. contribuer à des études scientifiques pour la préservation de certaines espèces (par ex. aux Everglades aux USA) ; 2. travailler avec certains parcs pour relancer le développement de l’espèce, 3. collaborer avec des ONG sur des espèces sauvages. 4. développer la sensibilisation des habitants pour leur permettre de cohabiter avec l’espèce. Loin du « greenwashing » ! Il y a une vraie vigilance et une grosse préparation en amont des programmes. Ce sont souvent de belles histoires d’hommes. Pour le programme crocodile, c’est Michel Lacoste en personne qui s’est déplacé ces trois dernières années sur le terrain. Il a été reçu comme un héros aux Philippines. Cela donne un vrai sens dans la vie d’un être humain qui se dit : « je n’ai pas écrit de livre, j’ai peut-être une très belle entreprise mais avant tout, je sauve des espèces, et je fais fonctionner des économies locales ».


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Favoriser l’intégration de la biodiversité dans le fonctionnement interne des entreprises Systématiquement, nous encourageons les entreprises à partager leur programme réalisé en collaboration avec FDB, avec leurs collaborateurs. Le Groupe MAAF avait réalisé une exposition pédagogique sur le dauphin très appréciée en interne. Les retours avaient été vraiment positifs. Le capital sympathie des animaux qui font office de mascottes dans les logos peut-il fonctionner auprès des acteurs du bâtiment ? Cela dépend vraiment des projets et des gens. Sur le site de Norpac, la ruche a eu un impact important en interne (surtout quand l’apiculteur a expliqué comment elle fonctionnait et a demandé au DRH de faire la reine…). Les collaborateurs sont amenés régulièrement à récolter le miel et la ruche a été un outil extraordinaire en termes de sensibilisation. Nous offrons des pots de miel à nos clients, aux maîtres d’ouvrages, c’est aussi une façon de les sensibiliser au sujet de la biodiversité.


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DES SOURCES POUR ALLER PLUS LOIN Outre les documents cités par les intervenants ou les liens que l’équipe de Femmes & Développement a mentionné dans les notes de bas de page, nous vous recommandons les sources suivantes : A télécharger (et diffuser) sans modération La Biodiversité à travers des exemples

Une collection en trois volumes qui mériterait largement de gagner en visibilité, consacrée à la biodiversité à travers des exemples. Édités par le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité (CSPNB), réunissant des spécialistes de différents domaines de la biodiversité, ces livrets rassemblent chacun une centaine d’exemples à la fois concis et concrets pour mieux comprendre comment les êtres humains « utilisent » la biodiversité. 1. La biodiversité à travers des exemples (tome 1 – 2007) www.developpement-durable.gouv.fr/La-biodiversite-a-travers-des,17067.html 2. La biodiversité à travers des exemples (tome 2 – 2008) www.developpement-durable.gouv.fr/La-biodiversite-a-travers-les.html (ou téléchargeable en un seul pdf ici). 3. La biodiversité à travers des exemples (tome 3 – 2012) www.developpement-durable.gouv.fr/La-biodiversite-a-travers-des,27213.html

Étude sur la contribution du biomimétisme à la transition vers une économie verte en France : état des lieux, potentiel, leviers Commissariat général au développement durable Études et documents - Numéro 72 - Octobre 2012 www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/ED72.pdf


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Entreprises et biodiversité : comprendre et agir Guide publié par le MEDEF visant à sensibiliser les entreprises, de toutes tailles et de tous secteurs d’activités ainsi que les fédérations professionnelles et les MEDEF territoriaux. Janvier 2013 www.medef.com/fileadmin/www.medef.fr/documents/Biodiversite/ebook-guide_MEDEF-Final.pdf

A regarder Peut-on donner un prix à la biodiversité ? Petite interview de 3’50 mn de Jacques Weber, économiste, anthropologue et ancien directeur de recherche du Cirad expliquant qu’il ne faut pas confondre la valeur et le prix. Le prix est relatif à un instant donné et ne peut être applicable sur un processus de longue durée comme la biodiversité. www.dailymotion.com/video/xgp7eh_peut-on-donner-un-prix-a-labiodiversite_webcam#.UbjixNiUOdN

Des articles à lire pour faire réfléchir Biodiversité : quelle responsabilité pour les entreprises ? Article du site "Un blog sur la Terre" paru en novembre 2012, commentant l’étude de Vigeo, qui évalue l’engagement et les performances de 127 entreprises européennes cotées. http://unblogsurlaterre.com/actualites-environnement-sur-la-terre/biodiversite-quelleresponsabilite-pour-les-entreprises-045/ Comment la finance intègre les risques liés à la biodiversité Article du blog "Épargne responsable" paru en mai 2012, présentant un tour d’horizon du sujet, références cliquables à l’appui. http://blog.bforbank.com/epargne-responsable/2012/05/22/comment-la-finance-integre-lesrisques-lies-a-la-biodiversite/ Une liste rouge pour les écosystèmes en danger Article du journal Le Monde paru en mai 2013. Après sa liste rouge des espèces menacées, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) scrute désormais les écosystèmes en danger. Son nouveau classement n'est pas attendu avant 2025. www.lemonde.fr/planete/article/2013/05/14/une-liste-rouge-pour-les-milieux-naturelsmenaces_3178760_3244.html Entreprises et biodiversité : de la compréhension à l’action Article du site "Génération Responsable" paru en octobre 2012 et rédigé par Emmanuel Delannoy, directeur de l’institut INSPIRE – association visant à réconcilier économie et biosphère. www.generation-responsable.com/entreprises-et-biodiversit%C3%A9-de-la-compr%C3%A9hension%C3%A0


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L’équipe de Femmes & Développement Durable vous donne rendez-vous sur le site de l’association pour suivre toute son actualité !

www.femmesdd.fr

Avec, dans l’ordre d’apparition : Barbara, Angélie, Isabelle et Maryse


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Le Réseau Femmes & DD remercie l’aimable soutien de

www.generali.fr et www.generation-responsable.com

http://agence-ondine.com


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