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Peinture, la gestion des déchets

PEINTURE, AU-DELÀ  DES MURS

Il existe aujourd’hui tout un éventail de peintures techniques destinées à des usages spécifiques. Leur composition et leur fonctionnalité évoluent sans cesse. Mais qu’en est-il du traitement de leurs déchets ?

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Iphigeneia Debruyne

Dans le secteur de la plâtrerie-peinture, on distingue deux catégories de déchets. D’une part, les déchets liquides et pâteux, dont les boues de peinture et les eaux de nettoyage du matériel. D’autre part, les déchets solides, à savoir les rebuts de fabrication et les restes. Leur traitement et l’élimination font l’objet de plusieurs lois et ordonnances qui dressent le cadre d’une gestion adéquate et respectueuse de l’environnement. La philosophie «pollueur-payeur» est en filigrane de ces textes.

Les fabricants et entreprises, épaulés par les fédérations professionnelles, mettent en œuvre des techniques et procédés visant à diminuer les détritus produits et à optimiser leur élimination dans les règles de l’art. Les statistiques de l’Office fédéral de l’environnement montrent que ces efforts portent leurs fruits. D’abord, il faut noter que l’utilisation de peinture à base de solvant recule au profit de celle à base d’eau. Par ailleurs, le volume de déchets diminue. En 2020, on a traité 1750 tonnes de peintures en Suisse alors qu’on en traitait 13 435 tonnes dix ans plus tôt. Ces chiffres encourageants sont le fruit des efforts des professionnels du secteur épaulés en seconde ligne par l’innovation. Toutefois, il faut savoir qu’une partie des déchets est éliminée à l’export.

LE TRAITEMENT DES EAUX USÉES

Les stations de lavage en circuit fermé permettent aux peintres et plâtriers de nettoyer leur outillage efficacement et de manière écoresponsable. Ces machines mobiles sont équipées d’un système de jets ou de pression. Une solution est ajoutée à l’eau pour faciliter le lavage et le filtrage. Après nettoyage, l’eau souillée passe à travers une série de filtres. Les résidus sont collectés dans un bac de rétention et ensuite acheminés vers des centres de traitement et d’élimination spécialisés. L’eau claire retourne dans la citerne qui alimente la station de lavage. La plupart de ces dispositifs peuvent être utilisés pour les peintures en phase aqueuse et celles en phase solvante.

Ces machines diminuent considérablement la consommation d’eau. Le rinçage d’un seul rouleau à la main consomme en moyenne 20 litres d’eau. Celui de l’ensemble des outils d’une équipe de 8 à 10 peintres par une station de lavage en circuit fermé en consomme la même quantité, par an. Et le temps de nettoyage est nettement réduit. «Les innovations améliorent le confort au travail, l’efficacité économique d’une entreprise et sont durables à plusieurs niveaux», observe Ludovic Dedominici, maître peintre et représentant d’Enviro Plus.

INTERVIEW

COLLECTER, TRAITER ET ÉLIMINER

Depuis plus de dix ans, la Fédération romande des entreprises de plâtrerie-peinture épaule les professionnels du secteur dans le traitement de leurs déchets. Marcel Delasoie, directeur de la Fédération, dresse un bilan.

VOTRE FÉDÉRATION PROPOSE UNE COLLECTE DES DÉCHETS SPÉCIAUX, COMMENT SE DÉROULE-T-ELLE ?

Nous organisons chaque année une collecte des déchets spéciaux en Suisse romande. Les entreprises de notre branche, qu’elles soient membres de la fédération ou pas, mais aussi les corps de métiers annexes utilisant de la peinture ou du vernis, comme les menuisiers-ébénistes par exemple, peuvent y faire appel. Nos membres bénéficient évidement d’un tarif préférentiel. Itinérant et spécialisé, ce service facilite la gestion des déchets spéciaux pour les entrepreneurs. Son succès en est la preuve. Le ramassage annuel achemine les bidons de 100 à 150 entreprises vers les points de traitement adéquats. Au total, c’est plus de 100 tonnes de peinture avec et sans solvant qui sont annuellement traitées.

QUELLES INDICATIONS PEUT-ON TIRER DE L’ANALYSE DE CETTE COLLECTE ?

Les chiffres témoignent d’une prise de conscience des fabricants de peinture et des plâtriers-peintres. La quantité de déchets reste stable. En effet, chaque société œuvre pour diminuer les surplus non valorisables. Quant au pourcentage de déchets avec solvant, il a drastiquement reculé. Actuellement, 80 % du volume collecté est composé de bidons de solutions à base d’eau c’est-à-dire sans solvant. Ce virage durable est entamé d’une part grâce aux efforts des acteurs de notre secteur et d’autre part grâce aux souhaits des maîtres d’ouvrage prêts à opter pour des produits écoresponsables.

COMMENT STIMULER DAVANTAGE CET ÉLAN ÉCORESPONSABLE ?

Les étiquettes environnementales de la Fondation Suisse Couleur classent les produits selon des normes écologiques, de A à G. Cette labellisation élaborée par l’industrie a visiblement un impact positif et augmente considérablement la lisibilité pour les utilisateurs. Quelque peu inspirée par le succès que rencontre ce marquage, notre fédération a mis sur pied, il y a trois ans, une attestation en matière d’élimination de déchets de manière écoresponsable. Les entreprises qui ont recours à notre collecte reçoivent un document qui certifie leur démarche écologique. Ajoutées à un devis, de telles pièces confirment les actions de l’entreprise et peuvent peser dans la balance lors des attributions de chantiers. La transparence permet d’affirmer les multiples progrès et efforts que les artisans de la branche plâtrerie-peinture réalisent tant en amont lors de la sélection de produits qu’en aval lors de l’élimination des déchets.

Marcel Delasoie

FREPP Info ©

INTERVIEW

TRAITEMENT ET VALORISATION

L’élimination des déchets de peinture est effectué par des sociétés spécialisées. Comment fonctionne ce secteur? Le point avec Zoé Blank, responsable commerciale chez Sovag Veolia Environnement.

QUEL EST LE PROCESSUS DE L’ÉLIMINATION DES DÉCHETS DE PEINTURE ?

Après la collecte, les déchets sont transportés vers des plateformes de pré-traitement, où ils sont triés. Les déchets mélangés ne peuvent pas être redirigés en l’état. Deux filières d’élimination existent. D’abord, les substances non dangereuses c’est-à-dire celles sans solvant, sans métaux lourds et toxines, sont transportées vers les fours d’incinération à basse température (800 °C). Elles suivent le parcours d’autres déchets non toxiques. La manutention y est mécanique. Les déchets pâteux avec solvant sont quant à eux acheminés vers notre site dans le canton de Bâle. Ici, la composition des contenants est soigneusement analysée afin d’optimiser une élimination durable. Certains circuits neutralisent et captent les polluants. D’autres récupèrent des fractions nobles. En bout de chaîne, il y a un four à haute température (1100 °C) destiné à la destruction contrôlée et sécurisée des résidus toxiques restants. Le contenu de chacune de ces éliminations est soigneusement calculé. Le centre est équipé de dispositifs permettant l’épuration des fumées par traitements physico-chimiques.

QU’EN EST-IL DE LA VALORISATION DE CES DÉCHETS ?

Cette thématique est vaste et figure sur le devant de la scène. La valorisation, notamment l’utilisation du potentiel énergétique et l’extraction de fractions recyclables, intervient à différents stades. Notre filière se redessine progressivement au gré de découvertes et d’avancées. La valorisation thermique soit la récupération de la chaleur des incinérateurs sous forme de vapeur est courante. Applicable pour les fours à haute température, cette démarche optimise le procédé d’élimination de déchets toxiques. Des projets de recherche sont en cours pour développer un dispositif similaire pour nos fours à basse température. Concernant la valorisation des résidus d’épuration des fumées d’incinération des ordures ménagères (REFIOM) et des cendres, différentes études sont en cours. Récemment, des chercheurs suédois ont mis au point une méthode qui permet d’en extraire le zinc par lixiviation acide. Ce procédé permet de prélever près de 70 % du zinc présent dans les résidus. L’implémentation de ce type d’innovations se profile à l’horizon.

COMMENT ÉVOLUE LA FILIÈRE AU REGARD DU TRAITEMENT DES RÉSIDUS ?

Les fabricants, les sociétés de peintures et de plâtreries et nos conseillers travaillent main dans la main pour mettre en place des dispositifs qui facilitent la collecte et le traitement. Une prise de conscience des différents acteurs ainsi que les avancées réalisées par les départements R&D sont des garants de l’évolution durable de ce secteur.

Zoé Blank

Veolia ©