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Prix des matières premières et valorisation des déchets bitumeux

INTERVIEW MATIÈRES À RÉFLEXION

Parmi les moult sujets qui préoccupent le secteur de la construction et du bâtiment figurent, d’une part, l’envol des prix des matières premières et, de l’autre, la valorisation des matériaux bitumeux. Éclairage avec deux spécialistes.

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Iphigeneia Debruyne

Les prix des matériaux de construction, de l’énergie et du transport sont au centre des préoccupations des entreprises. Comment réagir à la volatilité actuelle du marché? Jean-Daniel Wicht, directeur de la Fédération fribourgeoise des entrepreneurs, fait le point avec quelques solutions à la clé.

Jean-Daniel Wicht

QUELLES SONT LES DIFFICULTÉS PARTICULIÈRES AUXQUELLES SONT CONFRONTÉES LES ENTREPRISES ACTUELLEMENT?

La difficulté se situe sur deux plans. D’abord, les majorations des factures des matériaux peuvent être vertigineuses. À titre d’exemple, le prix de l’acier à béton a doublé en l’espace d’un an et demi. Actuellement, le marché des matières premières et de l’énergie est hautement volatile. Aucune projection à court voire même à moyen terme ne peut se faire. Pour un secteur où les entrepreneurs tablent sur des marges maximales entre 4 et 6 %, comment gérer cette problématique? Supposer que c’est aux patrons de prendre davantage de risques et les accuser d’être à eux seuls responsables des fluctuations du marché n’est pas raisonnable. Par extension, les devis à prix fixe ne sont pas en adéquation avec le contexte du marché. Actuellement, cette coutume contraint les entreprises à prendre non pas un risque calculé mais un pari presque à l’aveugle.

QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE CETTE FLUCTUATION DES PRIX?

Cette pression peut mener à des complications financières pour les entreprises pouvant aller jusqu’à des défauts de paiement. Dans un premier temps, l’atmosphère sur les chantiers peut être impactée. Croulant sous les majorations appliquées aux matériaux, la quête aux marges, aussi minimes soient-elles, en résulte. Pour éviter des situations de contentieux ou des pressions sur les chantiers en cours, le dialogue et la négociation avec les maîtres d’ouvrage sont préconisés. Au lieu d’attendre la fin des travaux et d’espérer une baisse des prix de matériaux qui permettra de sécuriser la marge dudit chantier, il est plus judicieux d’aborder d’emblée la question. Quant aux nouveaux mandats, cela paraît tenir du bon sens de refuser les contrats d’entreprises qui excluent le renchérissement. Les maîtres d’ouvrage public devraient donner l’exemple en optant pour une des méthodes qui permettent, selon les recommandations de la KBOB, la Conférence de coordination des services de la construction et des immeubles des maîtres d’ouvrage publics, de compenser les variations économiques.

EN PRATIQUE, QUELLE EST LA MÉTHODE À APPLIQUER?

Différentes méthodes de calcul des variations de prix fixées par contrat existent pour tenir compte des fluctuations du marché. Il y a entre autres la méthode paramétrique selon les normes contractuelles SIA 122, l’indice des coûts de production selon les normes contractuelles SIA 123. En troisième lieu, citons la procédure de la méthode des pièces justificatives (SIA 124). En absence de clause, la KBOB recommande qu’en cas de variations extraordinaires des prix des matériaux, la différence soit indemnisée rétroactivement dans la mesure où elle dépasse 5 % du coût total des matériaux par rapport à la date de référence, soit le jour de la remise des offres. Les recommandations des organes compétents de la Confédération démontrent la nature exceptionnelle de la situation qui demande bienveillance et raison à tous les acteurs du secteur.

ffe-fbv.ch

Le recyclage et la valorisation des matériaux bitumineux générés par la réfection des routes et espaces publics occupent une place non négligeable lorsqu’on parle des ressources et de leur économie. Jean-Claude Baudoin, directeur de la Fédération neuchâteloise des entrepreneurs, fait le point sur le sujet.

Jean-Claude Baudoin

COMMENT LES MATÉRIAUX BITUMINEUX SONT-ILS VALORISÉS?

L’article 12 de l’OLED, l’Ordonnance sur la limitation et l’élimination des déchets, encourage le recyclage. Le but est d’éviter le stockage en décharge de matériaux réutilisables. Les substances bitumineuses ne forment pas un groupe homogène. Elles contiennent des degrés variables d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (les HAP), des composés chimiques toxiques. La filière où les débris bitumineux seront acheminés dépend de leur teneur en HAP. Une analyse en laboratoire est le seul moyen pour connaître ce taux. Les repreneurs ont besoin de ces données afin de pouvoir utiliser la matière conformément aux conditions fixées.

QUE DEVIENNENT CES DÉCHETS BITUMEUX?

Les matériaux contenant moins de 250 mg de HAP par kg peuvent être recyclés. Moyennant le respect de configurations techniques, l’utilisation est autorisée. Les fraisats font avant tout l’objet d’une valorisation à chaud dans une centrale de production de revêtement. Jusqu’en 2025, le seuil de tolérance de HAP reste plus élevé et se situe à 1000 mg de HAP par kg. Quant aux fraisats non valorisables, ils doivent être stockés en décharge de type B voire de type E si le HAP est supérieur à 250 mg. À Neuchâtel, l’aménagement d’une voie, la rénovation ou la modification des gabarits d’un chemin doivent tous faire l’objet d’une demande de permis de construire. Indirectement, la valorisation de résidus de raclage nécessite donc un permis. Face à la complexité du sujet, la FNE souhaite rédiger un guide des fraisats avec la collaboration des autorités cantonales et communales.

QUI ASSUME LA RESPONSABILITÉ EN CAS DE NON-RESPECT DES SEUILS DE HAP?

Le principe du pollueur-payeur est adopté. C’est aux propriétaires fonciers et aux utilisateurs de fraisats d’assumer les conséquences d’une pollution même involontaire provenant de leur terrain ou aménagement. Qui plus est, les frais d’enlèvement et de remise en état peuvent être à la charge du pollueur. Dès lors, clairement informer les acteurs du secteur sur cette thématique est une priorité. En effet, les entrepreneurs sont soucieux de prendre le virage écoresponsable de manière durable.

fne.ch