Pratique des Arts Pastels

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PA S T E L

PRATIQUE

HORS-SÉRIE

DESARTS HORS-SÉRIE

Ann Wilkinson Des compositions en toute liberté

PA S T E L

Tous les verts de la nature

Capter la lumière en mouvement

120 PASTELLISTES

50

GUIDE PRATIQUE EXCLUSIF

ŒUVRES

• Asselineau : observer la nature

• G. Barth : le portrait d’après modèle • Chris : une nature morte équilibrée

DÉCRYPTÉES • J.-F. Le Saint : maîtriser les carnations

José Luis Fuentetaja Un virtuose du portrait humaniste

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Cheryl Culver


JOSÉ LUIS F U E N T E TA J A

À la rencontre de l’âme du monde

Fraternité avec les gitans, empathie pour les humbles, José Luis Fuentetaja est un peintre humaniste. Lassé de l’Occident, il a fait le choix du départ : un orientalisme moderne qui le pousse aux confins de l’Asie. Couleurs éclatantes, foules grouillantes, profondeur des regards : un choc pictural qui a changé sa façon de vivre le monde.

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S

Fillette aux tresses. 1992. 50 x 65 cm.

Savoir que José Luis Fuentetaja a commencé sa carrière d’artiste au début des années soixante-dix ne suffit pas à expliquer son parcours. À découvrir sa vie, à l’entendre dévoiler sa biographie, on se dit que le jeune homme se plut à la vie de bohème. Certes, mais cette période de l’histoire est davantage qu’un folklore: vécue intensément par l’artiste, par l’homme jeune et en recherche, elle a profondément marqué ses choix. À contempler ses œuvres, vous ne serez pas étonnés d’apprendre qu’il a illustré le Romancero gitano de Federico García Lorca: comme le poète, il célèbre dans ses pastels la liberté et la joie, la sensualité et la passion, la noblesse des humbles. Des vertus pour lui perdues en Occident, et qu’il retrouve à chacun de ses voyages en Asie.


Minaschi. 1992. 110 x 81 cm.

L’artiste à Jaisalmer.


JOSÉ LUIS F U E N T E TA J A

À l’école de la rue Pendant de nombreuses années, la rue a été mon école: cette étape est fondamentale dans le parcours du peintre que je suis aujourd’hui. Elle m’a permis de financer mes études, mais c’est surtout l’une de mes expériences les plus enrichissantes, qui a profondément marqué mon style. Imaginez: j’avais à disposition des modèles de toutes races, de toutes cultures, des jeunes, des vieillards, et bien sûr les enfants… Un vrai cours quotidien d’anatomie, une étude intense sur le regard des gens. Cinq mille portraits en cinq ans : si j’ai pu ainsi me confronter quotidiennement à l’être humain, cette période m’a aussi offert d’expérimenter le pastel pour mettre au point ma propre technique. De ces années découle tout mon parcours. Et par-dessus tout, l’envie de voyager et de côtoyer d’autres cultures.

La vérité plus que la ressemblance Mon travail a suivi les courants qui m’ont été contemporains : du cubisme à l’expressionnisme, jusqu’au réalisme

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figuratif. Peu importent les modes, ce qui prévalait, c’était de parvenir à la « vérité » en peinture, plus qu’à la réalité ou à l’hyperréalisme. Et c’est toujours ce qui m’anime aujourd’hui, plus que la vraisemblance. Pour atteindre cette vérité entre en compte un élément, difficilement explicable, qui vient de l’intérieur. La virtuosité n’a rien à voir là-dedans: ainsi, un œil dessiné avec quelque imperfection pourra transmettre plus d’émotions que l’œil réalisé avec la plus parfaite technique. Là réside le mystère de l’art.

Photo ou modèle vivant ? Il existe toujours, ce bon vieux débat sur le recours à la photographie ! C’est une question de vécu: un artiste qui a beaucoup peint sur le motif peut s’autoriser le recours à la photo parce qu’il a acquis, par sa pratique du modèle, une parfaite connaissance des volumes. La technique est dans sa tête: la photo ne sert alors que de référence. Cela me rappelle une réflexion de Salvador Dalí : si vous donnez une photographie à un sot, il peindra une sottise. Si vous don-

Jeune fille à Jaisalmer. 1992. 50 x 65 cm.

Elle jouait d’un instrument traditionnel très rudimentaire, lors d’une soirée de cérémonie près d’un cénotaphe, sorte de tombeau sans corps. La beauté de ses yeux et son visage rayonnant de joie m’ont émerveillé.


Danseuse. Bali. 2009. 65 x 50 cm.

« Les couleurs fascinantes de l’Asie, la force de la foi, la beauté des rites religieux, l’architecture magnifique… L’exotisme, dans toute sa splendeur ! »

nez une photographie à Velázquez, il peindra un Velázquez. Je pratique beaucoup la photo, mais je la distingue de la peinture, c’est pour moi une autre activité; je réserve d’ailleurs l’usage de la couleur à la peinture. Mes photos sont toujours en noir et blanc ou en sépia, parce que, selon moi, une photo en couleur détourne de l’essentiel. En revanche, en peinture, c’est vous qui choisissez votre palette, sélectionnée pour respecter et traduire vos propres souvenirs et sensations : rien ne vous empêche d’inventer la couleur qui vous tente, même si elle n’a rien à voir avec la réalité, du moment que l’évocation picturale est fidèle à l’émotion que vous avez ressentie. Votre sentiment prime sur la réalité. Je suis persuadé que lorsqu’on peint les traits et l’expression d’un personnage, on les charge de notre propre état d’esprit, de notre sensibilité personnelle. Les êtres que l’on peint portent en eux beaucoup de l’artiste lui-même.

Le choix de la technique La technique se met au service du thème. Le pastel, grâce à ses coloris suaves et sa similitude avec le dessin, favorise la mise en avant de certaines valeurs: l’innocence de l’enfance, l’amour maternel, la chaleur d’un nu… ou encore la tendresse d’un vieillard. Mon attention se porte sur l’expression des visages, la texture des vêtements, tandis que, presque toujours, les compositions se concentrent sur peu de personnages. Au contraire, l’huile convient pour des thèmes plus forts, Danse kecha à Bali.

À Hampi (Inde).

Jeune fille du Rajasthan. Pratique des Arts SPÉCIAL PASTEL

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JOSÉ LUIS F U E N T E TA J A plus animés, pour des sujets urbains dans lesquels la critique sociale n’est jamais loin, et qui prennent place dans des compositions de plus grande ampleur.

De tous les voyages, l’humain est au centre La lassitude face à l’Occident a été le facteur déclenchant: j’ai pris la décision de partir pour l’Inde. Je suis fasciné par l’histoire et la culture de ce pays. Mes notes et aquarelles ont tracé la voie à mon premier livre, Namaste, et six mois plus tard, ce pays me rappelait à lui. La sensibilité des gens, la profondeur de leur regard, les couleurs fascinantes du Rajasthan, la force de la foi, la beauté des rites religieux, l’architecture magnifique… J’y trouve une forme d’exotisme, mais non galvaudé, encore authentique. Les vingt-trois années qui viennent de s’écouler ont été consacrées à traduire toutes ces sensations, que je n’éprouvais plus en Europe. J’ai réalisé en tout vingt-cinq voyages (au Népal, en Thaïlande, au Vietnam, en Birmanie, au Cambodge et en Indonésie). Chacun de mes séjours en Asie me procure beaucoup de joie et de sérénité, et j’en reviens immanquablement chargé d’idées et d’énergie qui prennent forme dans mon travail. Chaque pays a ses propres couleurs, chaque ville ou village. Saisir cette âme, c’est déjà avoir fait la moitié du tableau ; l’autre moitié, c’est la lumière.

Fillettes. Népal. 2008. 50 x 65 cm. J’ai rencontré ces deux petites filles

dans un village du Népal près de Katmandou. La plus grande devait se charger de ses petits frères et sœurs pendant que les parents travaillaient aux champs.

« Lorsqu’on peint les traits et l’expression d’un visage, on le charge de notre propre état d’esprit, de notre sensibilité personnelle. Ces portraits ont beaucoup de moi-même. »

La Petite Fille aux couettes. Bénarès, Inde. 1992. 50 x 65 cm.

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PORTRAIT Né à Madrid en 1951, il commence à travailler dès l’âge de 13 ans dans la publicité et part à 14 ans en Suisse, où il prend contact avec la peinture. De retour en Espagne, il suit les Beaux-Arts et commence à peindre dans la rue pour financer ses études. Il expose très tôt ses dessins de nus, et leur succès lui permet de vivre ses choix. Son premier voyage en Inde redynamise ce déçu de l’Occident. Depuis, il partage son temps entre l’Europe et l’Asie.


MaternitĂŠ. 1987. 65 x 50 cm.


JOSÉ LUIS F U E N T E TA J A J’ai créé ma propre iconographie de l’Asie, dans laquelle est très présente la figure de la Mère à l’enfant comme symbole de l’amour suprême. Ce lien maternel très fort existe toujours en Orient et je l’érige en exemple à destination de l’Occident, dont la perte des valeurs me préoccupe. Là-bas, les paysages aussi m’enchantent: j’en ai peint certains qui sont vraiment intéressants. Mais pour mes portraits, je les exploite plutôt comme décor à la peinture de personnages. Mes tableaux reflètent des thèmes qui me sont proches et des moments de vie intenses. Le lien émotionnel avec le sujet est indispensable: ce furent d’abord mes amis de bohème et mes proches, puis mes compagnes pour les nus. Jamais je n’ai eu recours à des modèles professionnels. Quand j’ai découvert l’Asie, j’y peignais des inconnus rencontrés dans la rue, mais au fil du temps et des voyages, ils sont devenus mes amis. Beaucoup d’amitiés sont nées là-

bas et elles sont devenues le sujet central de mes tableaux. Je pense qu’aucun peintre figuratif ne peut rester sans émotion devant la lumière, les couleurs, les expressions que l’on rencontre dans ces pays. Il y a tant de sujets à peindre qu’il faut veiller à ne pas se disperser, se recentrer et sélectionner avec soin les thèmes de ses tableaux : pour moi, c’est l’hu- « L’histoire de la beauté se main, que parfois je situe dans concentre dans la vie des pauvres son environnement. gens. Ici, couleur et lumière J’ai toujours pensé que l’art possède un pouvoir d’expresse rejoignent en un tout positif. » sion qui va au-delà de l’esthétique: un message, une idée à véhiculer, tel est le moteur de ma démarche personnelle. J’ai souvent cherché à mettre en place une critique de la société à travers mes toiles, en rendant hommage à la beauté des humbles ; découvrir des paradis perdus, créer un pont entre Orient et Occident, voilà ce qui guide mon chemin. La fascination que j’éprouve pour les beautés lointaines, la rencontre avec d’autres visions de la vie et d’autres croyances, tel est ce que je souhaite Babas. Bénarès, Inde. transmettre dans ma peinture. ■ 1991. 65 x 50 cm.

J’ai peint Sibanadran, cet homme saint, à Bénarès, ville sacrée pour les hindouistes. Nous sommes devenus de grands amis et, à chaque séjour là-bas, je peins un nouveau tableau de lui, en symbole de notre amitié. Propos recueillis par Marie-Pierre Lévêque. Photos © José Luís Fuentetaja. Merci à Maria-Lucía Parraruiz pour son aide à la traduction.

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LES CHEVEUX ET LES DRAPÉS

MATÉRIEL

Mon format favori est le 50 x 65 cm. Il me permet de libérer ma gestuelle par grands traits de couleur. J’utilise des crayons CarbOthello pour les petits détails, des craies carrées Faber-Castell et Rembrandt, et des pastels Rembrandt pour les empâtements, les grosses touches et les éclats. Côté support, j’adore la texture du papier Canson.

Cela vous surprendra peut-être mais pour moi, la réussite d’une chevelure tient de l’improvisation. Dans le pastel achevé intervient ma propre idée de la chevelure, interprétée en touches qui lui donnent son mouvement et la rendent moins formelle. Je confère ainsi à chaque chevelure ses particularités. Quand tout me semble parfait, je pose des touches de lumière, rehauts de couleurs, contrastes, dans un souci de créer l’illusion de la vie. Quant aux drapés, ils se fondent sur une étude préparatoire très approfondie pour bien saisir la texture du tissu : sur une base très dessinée, je cherche alors à traduire l’idée de la douceur de la soie, du velouté d’un velours…

LE CHOIX DU PASTEL

Je suis venu spontanément au pastel à travers l’expérience des portraits de rue, mais aussi au contact des œuvres de musées, surtout en France, avec Degas, Toulouse-Lautrec, De La Tour… J’ai ressenti le désir d’exprimer mes sentiments et mon monde intérieur grâce à cette technique merveilleuse qui donne sa primauté au dessin. J’ai connu de nombreux artistes qui ont échoué à peindre au pastel : c’est une technique vraiment difficile. L’artiste doit pouvoir s’appuyer sur un savoirfaire, acquis après de nombreuses années de pratique, tandis que la sensibilité nécessaire pour nourrir les couleurs du bout des doigts est presque du domaine de l’inné. En Espagne, assez peu d’artistes réussissent dans la technique du pastel : mon amour pour ce médium, ma foi dans ses possibilités, m’ont permis de m’y faire un nom, et c’est ma plus grande récompense.

Se lavant les cheveux. Myanmar. 65 x 50 cm.

CONTACT

Rendez-vous dans notre carnet d’adresses p.83. Maternité. Inde. 50 x 65 cm.

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Pitter Patter went the Rain, no Other Sound to be Heard. 2009. 36 x 36 cm.

CHERYL

C U LV E R

La poésie du vert Si Cheryl Culver manque d’espace dans son atelier, elle apprécie néanmoins un de ses atouts : le silence. Un silence que cette bavarde invétérée ne se lasse pas de représenter, dans des paysages où la gamme extensive des verts se perd dans le synthétisme des formes.

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Deep Path. 2008. 51 x 51 cm.

O Texte et photos : Stéphanie Portal.

On n’échappe pas à son destin. Après s’être coupée pendant une dizaine d’années de sa passion, Cheryl Culver a dû se rendre à l’évidence : « Il me fallait faire ce que je devais faire. » Se remettre à créer. Ce qu’elle avait pourtant décidé d’abandonner dès la sortie de son école d’art, à une époque où, selon elle, il fallait être « scandaleux » pour être pris au sérieux. Trop timide pour imposer ses convictions, elle prit la brusque décision de partir : l’île Maurice fut sa terre d’exil. Là, puis de retour en Angleterre, elle exerça des métiers divers. Jusqu’à ce que l’instinct de création ne la rattrape… avec une bonne décennie de retard. « J’ai retrouvé cette flamme que j’avais perdue. Et je me suis remise au travail, avec une volonté décuplée. Grâce à la maturité acquise, je n’avais plus ce sentiment déroutant de faire quelque chose

d’inutile.» Dorénavant insensible aux influences et jugements, elle se sentait enfin libre de peindre selon ses désirs et ses goûts personnels. Elle était aussi prête à s’impliquer totalement : « Longtemps, je n’ai utilisé que mon talent intrinsèque et mis de côté l’intellect. Or je crois que c’est justement là que réside la clé de l’acte de création : dans la combinaison de la pensée et de la technique. » PDA : Vous avez commencé à peindre à l’aquarelle. Qu’estce qui vous a décidée à adopter le pastel ? Cheryl Culver : Je me suis tout simplement lassée de l’aquarelle. Je la pratiquais en hommage à un excellent professeur dont la technique m’impressionnait. Mais parvenue à un moment où ma peinture se libérait et devenait moins prévisible, Pratique des Arts SPÉCIAL PASTEL

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CHERYL

C U LV E R j’ai souhaité une technique qui me soit propre. Trop impatiente pour l’huile, j’ai trouvé dans le pastel un outil primitif qui me replongeait dans mes instincts d’enfant. Ma technique est devenue plus spontanée, mes teintes plus fortes et mes formats se sont agrandis. Aujourd’hui, j’apprécie l’incroyable force et la fraîcheur de ton du pastel. PDA : Je remarque votre pile de carnets de croquis. Estce dedans que vous amassez vos idées de sujets ? C. C. : En effet. Toutes mes œuvres sont réalisées à partir de croquis que j’effectue lors de mes promenades. Je pars avec mon sac à dos, un carnet de format carré et mon setter, Loti, à la recherche d’un sujet. PDA : Que recherchez-vous dans un paysage ? C. C. : Le paysage doit me parler, c’est quelque chose qui s’impose à moi lorsque je marche. Une sorte de magie, un moment particulier, mis en valeur par la lumière souvent, qui rend le paysage spécial à cet instant précis. Il n’y a aucun moyen de prévoir le moment où toutes les pièces du puzzle « Le pastel, avec son s’emboîtent dans le paysage. incroyable force et Cela arrive d’ailleurs souvent quand on s’y attend le moins. fraîcheur de ton, est Chercher un sujet est donc une un outil primitif qui occupation frustrante…

me replonge dans mes instincts d’enfant. »

PDA: Quels sont les éléments de ce « puzzle » ? C. C. : Je recherche une charge émotionnelle et un contenu graphique. Je suis attirée par une atmosphèrede silence, de calme. Il faut ensuite qu’un motif fort s’impose, il deviendra l’élément principal du sujet. Je cherche aussi une forme d’équilibre dans ce sujet, qui peut reposer sur une certaine géométrie de l’espace, un rythme ou un mouvement, créé par le ciel, un chemin, etc.

PDA : Vous ne vous aidez pas du tout de photographies ? C. C. : Une photo n’enregistre pas « l’histoire » du lieu ou du moment. Or quand je m’assois et commence à dessiner, toute l’expérience s’imprègne dans ma mémoire. Je me souviens très longtemps après des détails les plus intimes du motif : le temps qu’il faisait, l’atmosphère propre à la journée, les odeurs, le pourquoi de la promenade. Je n’ai d’ailleurs pas besoin de prendre des notes colorées : j’analyse avec attention les ciels, les lignes, les nuances. Mon cerveau est une banque de données très fiable pour peindre ! Golden Hedgerow. 2008. 21 x 21 cm.

PORTRAIT Cheryl a étudié au Leicester College of Art & Design. Dès l’obtention de son diplôme, elle décide de prendre ses distances avec le monde de l’art et s’embarque pour l’île Maurice, où elle devient enseignante. De retour en Angleterre, elle exerce des métiers divers (professeur, infirmière, décoratrice d’intérieur, orfèvre). Elle reprend les pinceaux dans les années quatre-vingt-dix et passe rapidement de l’aquarelle au pastel. En 2003, elle est élue membre de la Royal Society of British Artists et en 2004, de la Pastel Society.

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En vacances en France, nous étions à Buxy, près de Chalon-sur-Saône. Les vignes étaient magnifiques ! Dans ce tableau, j’aime le contraste entre la route sinueuse, les formes rondes des collines et la régularité des vignobles. On trouve plus aisément la paix et la tranquillité dans la campagne française qu’en Angleterre, où ce silence si spécial est rare.


Bright Water. 2009. 59 x 59 cm. Cette plage se trouve entre Folkestone

et Douvres. C’est une de mes préférées. Les rochers noirs donnent une atmosphère dramatique à l’ensemble, surtout à marée basse, quand le soleil illumine l’eau. Cette peinture parle de solitude.

Toutes mes œuvres sont réalisées à partir de croquis que j’effectue lors de mes promenades. Je pars avec mon sac à dos, un carnet de format carré et mon chien.

PDA : Comment passez-vous ensuite du croquis au sujet ? C. C. : Grâce au dessin en noir et blanc, je me focalise d’abord sur les contrastes et les jeux d’ombres et de lumières. Puis vient le pastel et j’adapte les couleurs aux motifs, au gré de mon instinct. Je n’essaie pas de coller servilement à mon croquis de départ, car l’œuvre a ses règles propres. Il s’agit moins d’être réaliste que convaincant. Au final, lumières, contrastes, motifs graphiques et couleurs doivent interagir et créer une parfaite unité : c’est le moment le plus anxiogène. Il est facile de commencer mais à mesure que l’œuvre évolue, les doutes s’installent. Je progresse avec l’espoir que mon habileté triomphe, sachant que la moindre faiblesse peut éloigner l’œuvre de son potentiel de perfection. PDA : Quelle importance attachez-vous à la lumière ? C. C. : Je n’étais pas intéressée par les ombres jusqu’à maintenant mais depuis quelque temps, cela m’amuse. J’aime les effets de lumière diffuse, le matin très tôt quand le soleil apparaît derrière la ligne d’horizon. Les ciels, qui dictent l’atmosphère lumineuse de la scène, ont toujours eu mon attention. D’ailleurs, je ne les aime pas bleus, parsemés de jolis nuages : je les préfère chargés et menaçants. J’ai de la chance ici, avec la mer à quelques kilomètres : les ciels sont superbes, et les reflets sur l’eau absolument fascinants. PDA : Avez-vous des lieux favoris ? C.C. : Partout où on peut faire de belles promenades ! Ici, à Sandwich (Kent), j’ai la campagne et la mer derrière la maison. Parfois, je pousse plus loin : Peak District, Northumbria Pratique des Arts SPÉCIAL PASTEL

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ou pays de Galles. Et j’aime aussi beaucoup la France. J’ai un très bon souvenir de la Meurthe-et-Moselle, vers Lunéville et Moyen. Il est tellement facile, en France, de trouver de grands espaces ouverts, des forêts dignes de ce nom, de s’y perdre et même d’y rencontrer des animaux sauvages ! Mais j’y fais surtout l’expérience du silence total, si difficile à trouver ici, alors que j’en ai tant besoin…

À GAUCHE, DE HAUT EN BAS : A Moment of Silence. 2010. 40 x 40 cm. Deep Ditch. 2008. 43 x 43 cm.

PDA : Dans vos paysages, on cherche en effet la présence humaine. Une atmosphère très silencieuse s’en dégage… C. C. : J’ai grandi à la campagne, dans un endroit isolé et mon A Field of œuvre demeure profondément imprégnée de cette Buttercups. expérience. Inconsciemment, je poursuis cet endroit, lié à 2009. l’enfance et aux souvenirs et, à travers mes pastels, tente de 51 x 51 cm. recapturer ce passé. L’Angleterre a tellement changé depuis les années cinquante, avec notamment l’explosion des transports. Mais la campagne, toujours à contretemps, conservait ses petits villages, ses chemins de pierre et ses « Avec mes œuvres, je me vieilles habitudes. Tous ces réfugie dans des endroits paysages familiers, de plus en plus difficiles à trouver, sont tranquilles. Calme et espace aujourd’hui envahis par sont indispensables pour être l’homme. Mes œuvres me permettent alors de me inspiré et créer librement. » réfugier dans des endroits tranquilles et silencieux. PDA : Ressentez-vous ce même besoin lorsque vous êtes au travail, dans l’atelier ? C. C.: Certainement. J’ai vraiment besoin de me tenir éloignée des gens et des bruits, et cela empire avec l’âge ! Et mon besoin de concentration m’oblige à devenir égoïste. Ce qui, je crois, est d’autant plus difficile pour une femme, car notre conscience nous dicte d’être dévouée à notre famille et à nos amis. On se sent coupable de devoir s’isoler, de se couper des autres, d’oublier l’heure du dîner. C’est une bataille constante. Mais le calme et l’espace sont indispensables à l’artiste pour être inspiré et créer librement. ■

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À PROPOS DE LA CONSERVATION

Grâce à mon support (plaques de médium [MDF] et enduit pastel), je n’ai pas besoin de fixer le pastel. L’œuvre terminée, je tape le support sur la tranche pour faire tomber l’excès de poudre, et elle est prête à être encadrée. Grâce à mon mari, j’ai un atelier d’encadrement à disposition. Depuis six mois, j’ai adopté un verre antireflet extraordinaire : Mirogard® de Schott. Il est virtuellement invisible, quel que soit le contexte lumineux de la pièce. La différence de prix est notable mais l’œuvre, bien mise en valeur et au rendu de couleurs fidèle, se vend aussi beaucoup mieux.

SUPPORT

En cherchant un support suffisamment grand pour réaliser une œuvre, je suis passée du papier au bois. Je pars de plaques de médium de 2 mm d’épaisseur, que je recouvre d’enduit pour pastel (Golden). La densité du support alliée à la texture de l’enduit conviennent à mon approche douce et brutale à la fois. La surface ne craint pas l’eau, elle se laisse retravailler à volonté et les couleurs restent vives et fraîches. Ma recette personnelle Je ponce ma plaque de bois avec du papier de verre moyen (dehors, et de préférence avec un masque). Puis, j’étale l’enduit à l’aide d’une brosse de décoration aux poils souples, pour obtenir une surface régulière. Une couche suffit (une deuxième contredit l’effet d’accroche en accentuant les creux). J’attends 24 heures pour un séchage en profondeur et je démarre.

COULEURS/PASTELS

Astuces de pastelliste

CROQUIS AU FEUTRE. Tous mes croquis sont réalisés à l’aide de feutres noirs à pointe fine (Pitt de Faber-Castell). Aucun repentir possible ! Le dessin est plus direct, moins hésitant. Soit on réussit et le dessin est plein de vitalité, soit il est raté et on recommence. À l’atelier, je revois les contrastes. Je ne fais aucune note de couleur. Juste une direction de la lumière pour les ombres.

L’ESQUISSE À L’ACRYLIQUE. Sur le support apprêté, j’esquisse mon sujet au crayon à partir du croquis. Puis je scelle le dessin sous une ébauche rapide à l’acrylique diluée. Les couleurs restent légères, ces indications me serviront de guide, mais je ne les respecterai pas forcément. Je pense en termes de valeurs, donc les teintes ont peu d’importance et aucune incidence sur le résultat final.

Si je suis assez indifférente aux marques à partir du moment où la couleur est juste, j’ai toutefois une préférence pour les pastels Unison, dont les teintes sont particulièrement belles et « juteuses ». Les bâtonnets ne sont ni trop durs ni trop tendres, et ils donnent sur le support une richesse de ton incroyable. Je me suis convertie récemment aux pastels Sennelier, dont les couleurs sont vraiment uniques, notamment dans la gamme des verts. Malheureusement, ils se brisent facilement, parfois même à l’intérieur de leur étiquette… Ma couleur fétiche De tous les verts, un m’est inestimable : le vert noir (179 chez Sennelier), très sombre, que je pose en souscouche. Allié aux teintes lumineuses qui lui sont par la suite superposées, il parvient à faire ressortir le motif et à lui conférer une superbe profondeur.

PINCEAUX LES PREMIÈRES COUCHES DE PASTEL. Je vais du foncé au clair en superposant des couches fines et légères de couleur. Une couleur rompue casse dès le départ vivacité et joliesse des premières teintes. Le bâtonnet effleure à peine la surface et accroche la texture granuleuse du support, présente jusqu’aux dernières couches.

UN TRAVAIL ZONE PAR ZONE. Je monte ma couleur peu à peu : ocre, bleu, jaune. Je joue sur les superpositions de nuances et les mélanges de couches, jusqu’à trouver la couleur juste. Je commence par le ciel et du haut vers le bas. Chaque partie doit fonctionner de manière indépendante avant d’être raccrochée aux autres.

Indispensables ! À longs poils souples ou plus courts et fermes, ils me servent à enlever la couleur pour redonner de l’intensité au motif. Parfois, il m’arrive de le mouiller pour mieux enlever la couleur, une opération à mener avec modération...

Pratique des Arts SPÉCIAL PASTEL

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32

Les clés pour peindre les oiseaux

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34

Saisir l’expression de son modèle

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38

Interpréter librement un paysage

Jean-Charles Peyrouny

46

José Daoudal

Chris Progresser avec une vision d’ensemble

40

Les règles du motif

48

Optimiser la lumière et les couleurs

Jean-François Le Saint Donner vie à un portrait

50

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Pastel sur gesso coloré

44

Véronique Hautdidier

Françoise Réthoré ■

Construire une tête de cheval

Peter Thomas Jean-Claude Baumier

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Personnages : travailler les fondamentaux

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Nus : oser les mettre en scène

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Réussir ciel et feuillages

Violette Chaminade ■

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Travailler en vibrations colorées

Nadine Roulleaux ■

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Combiner observation et mémoire

Pratique des Arts SPÉCIAL PASTEL

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Gwenneth Barth

Comment saisir l’expression du modèle FAIRE FACE AU MODÈLE, MÊME AVEC BEAUCOUP D’EXPÉRIENCE, EST UN VÉRITABLE DÉFI. PASSÉE L’ÉTAPE DE REPRÉSENTATION, QUI REQUIERT UNE BONNE CAPACITÉ D’OBSERVATION, S’ENSUIT CELLE DE L’ÉMOTION, QUI NAÎTRA DE LA MAÎTRISE DU MODELÉ DE LA LUMIÈRE SOUTENU PAR LA SUBTILITÉ DES COULEURS ET LA DÉLICATESSE DU TRAIT. TOUT AUSSI CAPITAL EST LE TRAVAIL DU FOND, VÉRITABLE RÉVÉLATEUR QUI DOIT ASSEOIR L’AMBIANCE ET L’ÉTAT D’ESPRIT QUI PRÉSIDE À LA RÉALISATION.

Mes sources d’inspiration Le portrait, qu’il soit libre ou de commande, demeure pour moi un sujet fascinant, intense, qui requiert beaucoup d’énergie. Même si à mes yeux l’exigence n’est pas la même, je prends énormément de plaisir à réaliser des natures mortes et des paysages dans lesquels la présence humaine n’est jamais bien loin.

En pratique Je peins debout, face à mon chevalet. D’une part pour être entièrement libre de mes gestes, d’autre part pour me mettre dans une situation de tension où tous mes sens sont en éveil. Le pastel est à la fois un outil de peinture et de dessin. Ses différentes textures se prêtent à merveille au travail en volume d’un portrait comme à la recherche de la lumière. J’ai pour habitude de ne pas estomper afin de conserver la tension qui naît de la matière poudreuse. L’utilisation de pigments à l’état pur requiert un choix important de teintes. Il faut prévoir un temps de préparation, parfois assez long, pour sélectionner les couleurs et leurs dégradés qui permettront de lier les plans au gré de passages subtils, jouer sur les transparences grâce aux différences de texture, ainsi que travailler les effets de profondeur en épousant les variations de lumière.

Ma démarche Le fond n’est pas seulement un faire-valoir pour le sujet, il enveloppe celui-ci et le plonge dans son ambiance particulière. Personnellement, je suis fascinée par le mystère de la forme illuminée émergeant de l’ombre. Au départ, je conçois un visage comme une architecture dans l’espace. C’est le travail de la lumière qui va lui donner vie. Je n’hésite pas à mettre en scène le modèle afin de tirer toute la quintessence de sa personnalité : un trait particulier du visage, le mouvement des cheveux, la nature de son regard, un simple rictus ou une attitude. Faire ressortir le caractère d’un visage demande une bonne dose d’écoute et de psychologie parfois, d’intuition souvent.

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Sur le côté lisse d’un papier Canson Mi-teintes, je trace la structure de mon dessin avec des crayons pastel bruns CarbOthello. Quatre lignes horizontales décomposent le front, l’accroche du nez et l’emplacement des yeux, la bouche et le menton. Je m’aide de lignes repères pour les proportions. Je cherche des points d’ancrage (sourcils, joues) et essaie de capter expression et signes distinctifs.


Je mets en place progressivement les plans d’ombre et de lumière en m’attardant, au crayon pastel, sur les tracés placés dans l’ombre tout en précisant mon dessin. Le jeu des hachures, que je densifie et contraste progressivement, apporte des informations importantes sur la structure du visage et du buste mais aussi, par la direction des traits et le jeu des masses, sur la chevelure et la tenue vestimentaire. Lorsque j’estime que tout est en place, je passe du pastel sur l’ensemble du fond avec la tranche du bâton, en utilisant des couleurs neutres, ici des nuances de gris bleutés.

Avec une brosse plate, je dilue au white-spirit les aplats du fond afin d’obtenir un rendu plus homogène, mais aussi plus varié. En jouant sur les contrastes de valeur et les épaisseurs de matière, je cherche à animer cette masse sombre du fond qui ne doit pas être inerte.

À présent, je peux délicatement chercher les couleurs du visage avec des pastels durs (crayons pastel Stabilo, carrés Faber-Castell et bâtons Rembrandt) qui ne saturent pas le papier. Je m’applique surtout à trouver la vibration entre les tons verts et rouges.

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Gwenneth Barth Toujours avec des pastels durs et des Nu-Pastel de Prismacolor dont la gamme recèle un noir dur très riche, j’accentue les foncés et recherche aussi les violets du visage.

Maintenant, avec des teintes plus neutres mais toujours des pastels durs, je vais établir une couche de base pour le velouté de la peau, en cherchant une matière plus saturée. Je fonce au maximum. Avec cette préparation en place, je vais passer aux finitions, en saturant l’ensemble de la composition avec des couleurs de plus en plus tendres. L’assortiment Girault « Spécial portrait » est à ce titre parfait, avec ses teintes chair très subtiles. Je sélectionne les autres couleurs choisies pour ce portrait en puisant notamment dans les gammes de chez Sennelier et Schmincke.

J’ai préparé mon papier en passant une couche de pastel sec sur le fond, humidifié au pinceau et au white-spirit pour que la couleur imprègne le papier par endroits. Sur un support qui ne risque pas de gondoler, on peut aussi diluer directement du pastel dans un peu d’eau. J’obtiens ainsi une sorte de fondation que je peux soit enrichir par différentes touches de couleurs, soit laisser telle quelle.

Je fais progresser parallèlement mon fond en ayant en partie recours à la même sélection de teintes tout en ayant à l’esprit cette question : où le visage va-t-il se perdre dans le fond ? Je n’hésite pas à procéder à des jeux de hachures et de traits qui se superposent ou se juxtaposent parfois nerveusement. Des tons purs, éclats de lumière, apparaissent ici où là. Il est capital que le fond trouve sa propre identité tout en ayant pour fonction de mettre en avant le sujet même du tableau. Un reflet froid bleuté venant d’une fenêtre lointaine se manifeste de plus en plus fortement sur le côté « ombre » du modèle.

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Nu couché. Pastel sec sur Canson Mi-teintes, 40 x 60 cm.

Texte et photos : D. Gauduchon.

Avec le nu, le temps est compté… Les pauses sont toujours trop courtes : il faut aller le plus vite possible afin de capter le maximum. J’ai préparé, bien avant la séance, un papier Canson couleur Cachou, avec un voile de pastel dur brun moyen foncé. Celui-ci, légèrement estompé avec un chiffon, sert de fond d’ambiance pour le modèle, et me donne une arme pour travailler rapidement : je peux le sculpter, le gommer par endroits avec une gomme mie de pain pour donner de la lumière, une lumière qui sera aussi plus froide – vert Cachou – par rapport au brun, donc un enrichissement supplémentaire.

Parcours de pastelliste D’origine Suisse-Américaine, je suis Maître pastelliste et viceprésidente de la Société des Pastellistes de France. Aux ÉtatsUnis, je suis membre de l’American Society of Portrait Artists et du Pastel Society of America. Je fais par ailleurs partie du comité de conseil de la Société du Portrait au Canada. Je donne régulièrement des stages en France. Mes tableaux sont exposés principalement à Genève et à Gstaad.

La difficulté consiste à suggérer le reflet de la lumière principale sur la peau diaphane du modèle, à régler son intensité avec justesse afin qu’il ne jure pas avec l’ensemble. C’est une étape délicate qui requiert une bonne dose de concentration et d’observation. S’ensuit ce que je nomme l’étape ultime des raffinements, qui vise à saisir le plus exactement possible l’expression du modèle, sa beauté intérieure.

Mes astuces J’utilise un miroir qui me permet d’analyser simultanément mon dessin et le modèle. Un porte-crayon m’offre une certaine distance par rapport au support et libère le geste. J’utilise du papier de verre pour tailler mes pastels durs et une lame de rabot fixée sur une planche de polystyrène pour affûter mes pastels tendres.

Tea and Geraniums. Pastel sur papier Wallis, 60 x 60 cm. Une approche très différente mais qui, à la base, repose sur la même démarche : l’intégration d’une forme humaine dans un fond conçu d’une façon abstraite. La découpe de la lumière sur le visage fait partie de la composition qui s’articule autour de taches abstraites. L’équilibre est volontairement tendu : la tache de lumière sur la soucoupe ramène le regard – de justesse – sur la forte diagonale foncée des bras. Sur ce papier granuleux Wallis, l’opposition des complémentaires rouge et vert est à la base de la composition colorée.

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Chris

Progresser avec une vision d’ensemble

SAVOIR MONTER UN PASTEL EN FAISANT SIMULTANÉMENT AVANCER CHAQUE ÉLÉMENT DE SA COMPOSITION EST UN GAGE DE COHÉRENCE ET D’HARMONIE, PAR CONSÉQUENT DE RÉUSSITE.

Prenez souvent du recul par rapport à votre toile car à vouloir trop parfaire son œuvre, on risque de la gâter !

1. Au fusain, je place le vase autour duquel va s’organiser toute ma composition. Avec des taches très succinctes, je pose quelques masses colorées pour fixer le sujet.

Bouquet composé. Pastel sec sur Pastel Card, 30 x 20 cm.

3. J’estompe mon fond en veillant

2. Afin d’indiquer l’orientation de ma source de lumière (de la gauche vers la droite), je recouvre rapidement mon fond avec un grand aplat de brun moyen et de bleu clair. J’opère avec la tranche de morceaux de pastel. J’affine le dessin des fleurs tout en travaillant les nuances de jaune, d’orangé, de rouge, de rose et de gris pâle. Je place un brun de valeur inférieure pour matérialiser le rebord de la table. C’est maintenant que tout bascule.

Propos recueillis par D. Gauduchon.

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à conserver sa construction tripartite. La poudre qui adhère à mes doigts me sert à mélanger du brun au bleu sur la partie droite de la composition. Inversement, des nuances de bleu viennent se glisser dans les angles inférieurs. J’affine le dessin des fleurs, toujours en progressant des valeurs les plus fortes vers les plus claires. Avec des éclats de teintes déjà employées, je précise le dessin de chacune en prenant soin de bien travailler les ombres par rapport à l’orientation de la lumière. Les tiges sont replacées au fusain afin de retrouver le dessin. Je me sers des nuances de vert utilisées pour les feuillages afin de travailler la ligne de bleu et de brun qui scinde mon fond de façon encore trop schématique.


Mon influence J’ai une grande admiration pour les peintres hollandais qui, à travers le thème des fleurs et celui de la nature morte, ont porté très haut la maîtrise lumière, de la composition et des nuances colorées.

Chalutier dans la tempête. Pastel sec sur Pastel Card, 40 x 60 cm. Je me suis pris d’intérêt pour les marines, notamment pour les scènes de tempêtes qui m’offrent un florilège de contrastes et de mouvements. Pour les vagues, je me sers là encore d’une base foncée (bleuvert) puis progressivement j’amène un vert émeraude très clair. Quant à l’écume, j’ai recours à un blanc cassé avec du vert ou du bleu, mais jamais de blanc pur.

Nature morte aux fruits. Pastel sec sur Pastel Card, 20 x 30 cm.

Parcours de pastelliste Je suis né à Ozoir-la-Ferrière en 1947. Je commence un apprentissage de peintre décorateur à l’âge de 14 ans chez mon oncle, artisan. À 20 ans, je débute la peinture artistique et commence à exposer dans les années 1980 avant de devenir professionnel en 1990. Je pratiquais uniquement la peinture à l’huile jusqu’à ma rencontre décisive en 1994 avec Jean-Pierre Mérat, président de la Société des Pastellistes de France. Je suis nommé Maître pastelliste en 1999 puis commissaire des Salons organisés par la SPF. Mon envie de transmettre, d’échanger et de partager m’amène à enseigner dans de nombreux cours et stages dans toute la France.

4. À ce stade, c’est un travail minutieux qui commence. Je suis concentré sur chaque lumière, chaque coin d’ombre, afin de donner vie à l’ensemble. Je reviens sur mon fond avec des bruns verdâtres plus foncés pour redonner du contraste. J’alterne l’application de pastel et les estompages tout en multipliant les effets graphiques. Je m’attarde sur le vase. Je reviens sur les dessous, dessine les tiges des fleurs en forçant sur le contraste ombre / lumière de celles qui se trouvent au premier plan. Je pose alors des verts plus tendres, ainsi que des rehauts sur les fleurs. Je termine par les reflets sur le vase afin de traduire la transparence. L’éclat de lumière est réalisé sur une base de blanc, rompu délicatement avec du gris et du jaune. Avec un éclat de gris moyen, je dessine la fenêtre qui vient s’y réfléchir : c’est un détail qui compte !

Retour du jardin. Pastel sec sur Pastel Card, 54 x 73 cm Il n’y a pas de mal à se faire du bien ! J’ai pris un immense plaisir à réaliser cette nature morte, avant de la déguster au sens propre comme au sens figuré. Chaque légume fait l’objet d’un traitement particulier du fait de sa texture propre, à l’image du chou, qui ressemble à une corolle de fleur…

Mes sources d’inspiration Mon jardin est vraisemblablement l’endroit où je puise une grande partie de mes envies de tableau. Je suis passionné par les fleurs et son pendant, l’art floral. Je les cultive, les dorlote, les observe et les immortalise dans mon atelier. Depuis quelque temps cependant, je peins de plus en plus de paysages et de marines.

En pratique Je suis un fervent adepte du Pastel Card, de préférence de coloris brun, un fond sombre à partir duquel j’aime faire monter mes lumières. Je m’aide d’un simple fusain pour poser mon dessin. Ma boîte de pastels est un capharnaüm de bâtons et de morceaux de pastels, dans lequel j’opère

une sélection d’une vingtaine de tons en tout début de séance après avoir préparé mon sujet.

Ma démarche Je suis un peintre d’atelier, ce qui veut dire que je ne peins pas sur le motif, ou très rarement. Bien entendu, c’est au gré de mes balades, où je me place en observateur attentif, que j’emmagasine un maximum d’images et de sensations que je restitue ensuite, de mémoire, devant mon chevalet d’intérieur. Je suis un peintre figuratif mais je ne m’astreins pas à copier la nature servilement, bien au contraire. Le pastel est pour moi une échappatoire formidable qui m’offre une grande liberté à la fois dans l’action et l’interprétation. Pratique des Arts SPÉCIAL PASTEL

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Peter Thomas

Les règles du motif JE PEINS SUR NATURE, MON CHEVALET DE CAMPAGNE PLANTÉ FACE AU SUJET. ET LORSQUE LA MÉTÉO EST VRAIMENT TROP MAUVAISE ET QUE JE NE PEUX ME RÉSIGNER À NE PAS PEINDRE, JE M’INSTALLE CHEZ MOI, DERRIÈRE LA FENÊTRE DE MON ATELIER, UNE ANCIENNE ÉTABLE QUI DOMINE SUR LA CAMPAGNE DE DORDOGNE. Propos recueillis par D. Gauduchon.

4. Je monte les contrastes de couleurs sur l’ensemble du tableau, et complète les graphismes des fleurs et des herbes. Je pose des touches plus rapides afin d’apporter du mouvement à l’ensemble. Des violets et des bleusgris plus puissants viennent enrichir les ombres et renforcer le premier plan.

1. Je choisis le côté lisse de mon papier brun et un fusain. Après m’être imprégné de l’ambiance du lieu, j’en observe les grandes masses. J’esquisse son architecture en posant les principales lignes de construction et les grands plans de façon synthétique. 2. Je pose les premiers aplats de vert de la tranche des pastels. Le ciel est traité avec deux bleus, du foncé au clair pour la ligne d’horizon. Le sens de la touche participe du dessin. Mes premiers plans de verdure sont traités en aplats verticaux et obliques, et les plans intermédiaires en aplats horizontaux avec trois verts plus clairs. Les arbres reprennent toutes ces teintes décomposées en valeurs « lumière et ombre ». 3. J’enrichis progressivement ma composition en donnant de la profondeur aux lumières et aux ombres. Je commence par fondre les arrièreplans en y mêlant un peu de terre de Sienne pour les réchauffer ponctuellement. Le rideau d’arbre, au fond, est renforcé avec des gris-bleus complémentaires. Un jaune chaud Sennelier vient enrichir la lumière des plans intermédiaires et, par petites touches, renseigne sur la présence des fleurs.

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Fleurs sauvages. Pastel sec sur papier Canson, 22 x 22 cm. Sur le motif, il faut éviter toute perte de temps. La lumière est fugace, la météo capricieuse. Face à la générosité d’un tel sujet, on doit être organisé afin d’en capter l’essentiel le temps d’une séance de quelques heures. Il faut donc cerner sa composition par un dessin concis, isoler les masses principales et leurs valeurs et maîtriser sa sélection de couleurs sur le bout des doigts.

Mes sources d’inspiration De la Dordogne à l’Andalousie, je peins essentiellement des paysages au gré de mes pérégrinations. Prés en fleurs, bords de mer, jardins à l’anglaise, montagnes arides, rivières et étangs paisibles sont autant de sujets que j’explore au fil des saisons. Je recherche avant tout une certaine intimité dans un paysage plutôt que son caractère grandiose, auquel il est facile de céder. J’essaie avant tout d’attraper les caractéristiques et l’ambiance d’un lieu en les revisitant par le filtre de la lumière naturelle. Je m’inscris en somme dans l’héritage des impressionnistes, partageant le même plaisir renouvelé, celui de saisir les jeux de lumière.

En pratique Mon support est un Canson Mi-teintes de préférence. Je choisis un fond gris, de valeur moyenne et de qualité chromatique neutre. Outre la recherche de différentes textures, le choix de mes pastels (90 environ) est guidé par la performance des différentes teintes dans chaque marque (par exemple, le jaune Rembrandt ne me satisfait pas, à l’inverse du Sennelier). Ma palette s’articule ainsi : 1/3 de tons chauds, 1/3 de tons froids, 1/3 pour les verts. Ma sélection de pastels est classée dans une boîte en bois dotée d’une glissière, plus pratique, en extérieur, qu’un couvercle à rabat qui offre une prise au vent. Je n’ai recours au fixatif qu’en cours de travail afin de stabiliser mes surfaces. À mon avis, le Talens 601 (Rembandt), appliqué avec un pulvérisateur, est la seule marque efficace, ne laissant aucune trace et n’altérant pas les couleurs. J’ai toujours dans ma besace des lingettes pour me nettoyer les mains, bien utiles lorsqu’on évolue au pastel sur le motif !

Je recherche avant tout une certaine intimité dans un paysage plutôt que son caractère grandiose, auquel il est facile de céder. J’essaie avant tout d’attraper ses caractéristiques et son ambiance en les revisitant par le filtre de la lumière naturelle.

Parcours de pastelliste Un diplôme en art et design en poche, j’ai d’abord été professeur en Angleterre. Tombé amoureux du Sud-Ouest, j’ai ensuite choisi la Dordogne pour installer ma maison-atelier. Je vis aujourd’hui librement de ma peinture, suffisamment pour assouvir ma passion des voyages aux quatre coins du monde. Mon dernier coup de cœur est l’Andalousie, où j’ai trouvé refuge dans une cabane. J’ai été nommé Maître pastelliste de France en 2001.

Motif mode d’emploi In situ, la lumière est mouvante et la météo capricieuse. 1. Apprendre à noter l’essentiel : s’imprégner de son sujet, pour poser très rapidement les lignes de composition. 2. Progresser par volumes : placer les blocs de couleurs essentiels qui seront progressivement précisés. Les effets de texture n’apparaissent qu’à la fin. 3. Savoir s’arrêter puis reprendre : revenir sur mon motif, à la même heure, pour bénéficier d’une lumière identique.

La Loire. Pastel sec sur papier Canson, 50 x 65 cm. J’adore ne retenir que l’essence même du sujet. Ce paysage de Loire est l’occasion d’explorer les gris chauds et leurs variantes infinies qui me fascinent tant. Le pastel permet d’obtenir des effets de transparences quand on maîtrise les risques de saturation, grâce notamment à la combinaison de voiles légers de matière (en procédant clair sur foncé) et d’effets de fondus délicats.

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PHILIPPE

JANIN

Une simplicité

sans artifices

I

Il s’échappe des natures mortes de Marie-Hélène Auclair, a priori silencieuses et immobiles, comme un léger bruit de froissement, un chuchotement amusé, un petit air de tendre raillerie… Sans doute, ces poires et pommes aux joues rebondies s’amusent-elles à nous faire douter de leur réalité. Tournez le dos un instant à ces tableaux, et vous hausserez peutêtre un sourcil, en les regardant à nouveau: n’ont-ils pas bougé, ces fruits beaux à croquer ? La jolie cerise rouge n’a-t-elle pas roulé plus près de la pomme verte? Serait-ce que, non contents d’avoir été si minutieusement installés par le peintre en son atelier, les éléments savamment ordonnés s’amusent avec leur public à jouer à «1, 2, 3, soleil !» ? Si le doute s’installe en vous le temps d’une hésitation, pour votre plus grand

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Marie-Hélène Auclair est une portraitiste sensible, reconnue pour ses qualités d’empathie envers les modèles. Alors, quand elle est inspirée par les vergers de Mirabel (Québec), ses talents d’observatrice donnent naissance à des natures mortes où chaque fruit affiche son petit caractère…

plaisir (celui de vous être laissé prendre au jeu), c’est parce que c’est également le doute qui a régi le parcours de la peintre Marie-Hélène Auclair. Si ce questionnement incessant se traduit aujourd’hui par une grande minutie, un soin attentif porté à son sujet, c’est aussi lui qui a déclenché cet étonnant parcours d’artiste.

Une passion héréditaire ? « Le dessin est, depuis ma toute petite enfance, la façon dont j’exprime mes sentiments les plus intimes. » Un penchant renforcé lorsque Marie-Hélène découvre, en 1993, que sa mère biologique a été étudiante aux Beaux-Arts. « Cette révélation est venue confirmer mon aptitude naturelle pour


MARIE-HÉLÈNE

AUCL AIR Poires en réflexion. 2009. 43 x 36 cm.


MARIE-HÉLÈNE

AUCL AIR

Poulette et ses cerises. 2010. 20 x 25 cm.

« Je vois toujours les fruits comme des personnages : chacun a sa forme, qui m’évoque des traits de caractère humains. Mon imagination fait le reste… » le dessin et apporter une réponse à mes questionnements sur mon identité. » Encouragée par son conjoint, elle choisit de répondre à « cet appel intérieur intense » et de se lancer dans le métier de peintre, envisagé comme la seule voie de son équilibre personnel. « Il était devenu impensable pour moi de choisir une autre carrière que celle-ci ; lorsque je ne peins pas, je ressens un malaise. Avoir la possibilité de m’épanouir en tant qu’artiste était un privilège, et j’ai décidé de me l’accorder. »

Le journal d’une pastelliste Si elle considère sa pratique comme une discipline exigeante – « travail, détermination, persévérance, patience, courage » –, Marie-Hélène s’est dotée pour se soutenir d’un outil très personnel : un journal de peinture. Un exercice quotidien d’une aide précieuse: « À chaque jour de travail, je note toutes sortes de pensées qui émergent pendant mes séances d’atelier. Relire ces pages m’aide à prendre du recul, à faire le point sur les difficultés rencontrées, la manière de les dépasser. Cela m’oblige aussi à être honnête et intègre dans mon travail, à me rendre compte de mes

PORTRAIT Née à Montréal, elle ne reçoit, malgré ses aptitudes, aucune formation artistique spécifique. C’est en découvrant que sa mère naturelle fut étudiante aux Beaux-Arts que choix est fait d’un parcours en peinture. Aujourd’hui, elle vit à Saint-Benoît de Mirabel (Québec) où elle peint, honore des commandes de portraits du monde entier et dispense des stages. Récompensée par de nombreux prix (The Pastel Journal, Grand Prix Horace Champagne), elle est membre de plusieurs sociétés (Société de pastel de l’Est du Canada, Pastel Society of America).

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progrès. Moi qui doute beaucoup, je trouve dans ces écrits le réconfort du travail accompli, l’occasion de me concentrer sur les points positifs de ma pratique. » Un état d’esprit qu’elle communique à ses élèves, en leur lisant parfois des passages de ce petit livre, qui se substitue alors à la parole du peintre, timide et discrète, lorsque les mots lui manquent. Car les stagiaires se bousculent aujourd’hui à la porte de son atelier, une popularité qui laisse imaginer le chemin parcouru pour cette autodidacte devenue membre de prestigieuses sociétés de pastel: « Lors de ma première exposition en 2000 (à la Société de pastel de l’Est du Canada, qui m’a accordé le statut de maître pastelliste en 2008), on m’a décerné le premier prix, le troisième prix et le prix du public ! Quel flot d’émotions cela a été pour moi… Par la suite, j’ai accumulé prix, distinctions et publications au Canada et aux États-Unis.» Une estime grandissante pas toujours facile à gérer pour un tempérament comme le sien, pour lequel s’exposer s’apparente à une mise à nu. « Le syndrome de l’imposteur combiné à la peur du rejet, le besoin d’être constamment rassurée trahissent un manque d’assurance que j’explique par le traumatisme de l’abandon. » Sans compter que malgré la reconnaissance de ses pairs, le Canada est loin d’être le paradis des pastellistes: «Très peu d’artistes se consacrent exclusivement au pastel, les œuvres sous verre n’ont pas la cote auprès des galeristes, et le public demeure à conquérir. Un énorme travail reste encore à accomplir pour que les préjugés disparaissent. »

Une porte vers l’autre Une passion ancienne pour le portrait anime Marie-Hélène Auclair: « C’est, pour moi qui suis d’un naturel très solitaire et introverti, une porte vers les autres. Je suis hypersensible Suite p. 66


PORTRAITS DE COMMANDE

La création d’un portrait commence de façon générale par une séance de pose. J’accumule alors un large matériel de référence avec la prise, sous différents angles et expressions, de 100 à 150 photographies numériques qui me permettent de percevoir la personnalité du sujet. J’aime toujours, quand c’est possible, discuter avec lui dans une ambiance détendue de ses goûts, de son travail… Je demande aux gens s’ils ont en leur possession une photographie d’eux qui les touche particulièrement, de me l’apporter, et de me dire ce qu’ils ressentent en regardant cette photo. Cela m’aide à choisir un sentiment directeur, sur lequel je me concentre. Il m’est arrivé qu’un sujet adulte m’apporte une photo de lui enfant : cela peut sembler un peu incongru, mais les émotions n’ont pas d’âge… Je débute par une étude monochrome au fusain, pour me familiariser avec le sujet, et donner au client un aperçu des émotions, de l’ambiance, de l’impact et des dimensions qu’aura le tableau final avant que je ne m’engage plus avant dans le travail. L’accord et la satisfaction du commanditaire me permettent alors de travailler librement, en toute confiance. Lily. 2009. 43 x 38 cm.

Discussion autour de trois raisins. 2009. 20 x 48 cm.

« La première poire est lunatique, la deuxième veut savoir de quoi discutent les deux à l’extrême droite, la troisième est guindée et trouve leur discussion tout à fait insignifiante, les deux dernières discutent des trois raisins et s’interrogent sur la raison de leur présence. »

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MARIE-HÉLÈNE

AUCL AIR

Trois et quatre oignons. 2009. 25 x 46 cm.

aux sentiments des gens, j’observe et j’écoute. Mon travail, très instinctif, tient beaucoup à mon ressenti. Je suis toujours très touchée de la confiance qu’on m’accorde pour réaliser des portraits ; du coup, je m’investis dans cette démarche avec beaucoup de respect pour mon modèle. » Une attention très appréciée par ceux qui lui ont témoigné cette confiance et se voient livrer un portrait, dénué de contexte, centré sur la personne, où le caractère se devine et le regard s’affirme. « La simplicité sans artifice me touche particulièrement. Le choix du fond pour mettre le portrait en valeur me prend du temps, il faut que j’accepte de le laisser venir ; souvent, la réponse me vient la nuit. Ainsi, pour le portrait d’une petite fille portant un agneau, la couleur du fond m’a été inspirée par le « À la vue d’objets vert tendre des jeunes feuilles en mai… »

Des natures mortes anthropomorphes

et de fruits, je note dans mon journal les compositions qui me viennent en tête. Plus tard, elles prennent forme dans mes pastels. »

Marie-Hélène vit dans une belle région agricole, où les vastes champs enneigés auraient inspiré bien des peintres. Mais ce sont les fruits généreux de cette contrée qu’elle s’est mise à regarder d’un œil amusé de… portraitiste ! « Je vois toujours les fruits comme des personnages: chacun a une forme différente, qui m’évoque des traits de caractère humains. Mon imagination fait le reste, et je m’amuse à faire dialoguer entre eux ces petits personnages. » Ce thème, qui l’a attirée par curiosité, s’est mué en vraie leçon de peinture: comment créer l’illusion de la profondeur, du poids, du volume, comment traduire cette multitude de matières – lisse, velouté, mat, rugueux, froid, doux… –, quelle lumière pour quels contrastes, quelle intensité de reflets ? La nature morte explore tous les domaines de la peinture, avec pour l’artiste un seul but: rendre fascinants des objets si simples. Un vrai défi ! ■

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NATURE MORTE BIEN COMPOSÉE!

J’ai en permanence une installation réservée à la nature morte dans mon atelier. J’y place sans cesse des objets pour stimuler la création ; une lumière forte éclaire directement le sujet, mettant en valeur les volumes, accentuant les reflets et les ombres. Pour contrebalancer le choix d’objets de couleurs vives et les contrastes de matières (mat / brillant, lisse / rugueux), je crée pour mon installation un décor calme et épuré. J’opte alors pour des cartons de couleurs neutres et claires pour le support et le fond. Cela favorise cette ambiance paisible et calme qui contraste avec mes sujets de natures mortes… Le sujet dicte ma palette ; toutefois, les gris (gamme complète des gris de Sennelier) sont primordiaux pour rehausser les couleurs qu’ils côtoient…


À la loupe… Traduire les textures me passionne et les natures mortes sont le terrain de jeu idéal pour marier les matières. Mon astuce pour réussir : une fois le dessin bien posé, j’oublie l’objet pour ne voir que les formes et les couleurs. BRILLANCES ET REFLETS MÉTALLIQUES

On me demande souvent si j’applique un vernis brillant sur les pots de métal que je peins ! En réalité, je m’efforce d’oublier l’objet en tant que tel pour focaliser mon attention sur les taches de couleurs et de lumières qui le composent. On peut bien percevoir les différentes techniques d’application que j’utilise pour rendre le métal. Le travail à l’estompe en alternance avec l’application du pastel brut est très visible sur le pot à eau. J’estompe à la gomme mie de pain sur les gris intermédiaires du pot. JEU DE REFLETS

Réussir des reflets dépend de l’attention portée aux différences de tonalités entre l’objet et son image reflétée. J’ai utilisé les couleurs de la pomme pour peindre son reflet, avant de le recouvrir légèrement de gris violacé. J’estompe ensuite à la gomme mie de pain: attention, trop estomper ôte vie et caractère au sujet. Sur le pot en métal, un grisvert jaunâtre très foncé, non estompé, est juxtaposé au reflet de la pomme en rehausse la rougeur. Alterner pastel brut et pastel estompé varie les textures, apporte du mouvement et de la profondeur aux reflets.

Paula Red et le pot à eau. 2009. 30 x 43 cm.

LES RAISINS

Pour apporter mouvement et vie, j’aime faire se côtoyer différentes techniques d’applications : estompe, pastel brut, papier vierge (facilement observable dans les métaux et fruits). Ainsi, on peut voir le papier (carte Sennelier gris pâle) autour des raisins. L’ESTOMPE

Je superpose plusieurs couches de pastel sur le tableau dans son ensemble, jusqu’à ce que la quantité de pastel appliquée soit suffisante. J’estompe au papier essuie-tout dans le sens contraire de l’application, par saccades, très légèrement pour ne pas perdre la fraîcheur des couleurs. Trop estomper rend les couleurs tristes et grises… Après cette première estompe à l’essuie-tout, je repasse encore plusieurs couches de pastel sur toutes les zones du tableau, mais cette fois j’estompe à l’aide de mes doigts ou d’une gomme mie de pain selon les textures que le sujet me dicte. Cette dernière action tient plus de l’effleurement que de l’estompe à proprement parler.

EFFETS DE TRANSPARENCE

Le Pastel Card gris clair vierge figure le fond du bol vu en transparence, dont les contours ont été dessinés au crayon pastel gris foncé. Les raisins placés derrière le verre ont été moins définis et leur couleur atténuée. La matière du verre est une variation en gris violacé, bleu turquoise et jaune brillant.

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ALLAIN

Capturerla lumière

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Cet amoureux du paysage sous toutes ses formes œuvre dans un style impressionniste confinant parfois à l’abstraction. Aussi à l’aise au pastel qu’à l’huile, il éprouve une véritable passion pour la lumière, qu’il restitue dans une belle liberté de touche.

P

Pratique des Arts: Tony Allain, malgré votre viruosité apparente, vous êtes autodidacte. Quel est votre parcours ? Tony Allain: Lorsque j’étais à l’école en Grande-Bretagne, j’ai eu la chance d’avoir un bon enseignant en art qui m’a pris sous son aile. J’avais quatorze ans à l’époque. Puis j’ai suivi l’enseignement de Lewis Parker pendant un an, huile et aquarelle. C’est lui qui m’a appris à regarder les œuvres de John Singer Sargent, Claude Monet et Walter Sickert. Pendant plusieurs années, l’aquarelle a été ma technique de prédilection, et j’ai été élu au Royal Watercolour Society Art Club en 1973. J’ai ensuite continué à peindre à la fois à l’huile et à l’aquarelle tout en jouissant d’expositions personnelles. Lorsque j’ai ajouté le pastel à la liste de mes techniques, j’ai pu exposer à la Pastel Society, ce qui m’a permis d’être invité et de participer aux expositions de la Royal Society of Marine Artists, à Londres. Puis je me suis parti en NouvelleZélande. Un parcours un peu complexe, en somme !

Marina. 30 x 36 cm.

PDA: Comment avez-vous découvert le pastel ? T. A. : Grâce à ma femme, qui m’a fait cadeau d’une boîte de pastels ; elle prenait la poussière dans mon atelier jusqu’à ce qu’elle me somme de m’en servir ou de la donner à quelqu’un ! C’était en 1990. D’une boîte une douzaine de couleurs, je dois aujourd’hui avoir plus d’un millier de bâtons! Pratique des Arts SPÉCIAL PASTEL

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Wash Days. 61 x 91 cm.

PDA: Qu’est ce qui vous attire dans cette technique ? T. A.: Le pastel me permet de peindre directement la couleur et la lumière en appliquant des pigments purs. Et comme je suis de nature impatiente, j’aime le fait qu’il ne nécessite ni eau ni mélange de couleurs. Les pastels sont idéals pour peindre en plein air. C’est sans doute la technique la plus ancienne qui soit : les hommes préhistoriques s’en servaient déjà pour raconter des histoires sur les murs de leurs cavernes. De nos jours, la qualité des pigments est telle que les couleurs, proposées désormais dans une très vaste gamme de teintes, ne bougeront pas avec le temps.

« Je privilégie le pastel parce qu’il me permet de peindre directement la couleur et la lumière en appliquant des pigments purs. » First Snows.

PDA: Vous êtes surtout un peintre de paysage ; comment vous viennent les sujets de vos tableaux ? T. A.: Je ne cherche pas un sujet particulier ; j’ai plutôt l’impression que c’est lui qui me trouve ! Je fais confiance à mon sens de l’observation ainsi qu’à mon expérience. J’ai pu constater au cours des années que lorsque je trouve un sujet, le suivant n’est pas loin derrière. Mes premiers paysages ont tous été faits à partir de sites autour de chez moi et le déclic a été un voyage à Venise. Cela m’a obligé à non plus me concentrer sur le paysage, mais sur les personnages qui l’habitaient. Plus vous peignez, plus les idées de peinture surgiront. Je considère que les images doivent être trouvées, et non inventées. Cela est sans doute dû au sentiment que j’éprouve de vivre dans un environnement fait de couleurs, de lumière et de formes. La lumière intense de l’aube et des fins d’après-midi demeure ma motivation première – qu’il s’agisse de paysage, de scène urbaine ou de nature morte. J’essaye de choisir des sujets qui comporteront un problème technique à résoudre, c’est une manière de me pousser en avant et de garder mon travail vivant. PDA: Croquis, photographie… par quel moyen vous emparez-vous de votre sujet ? T. A.: Ce qui m’intéresse avant tout, c’est de capturer l’essence d’un sujet de manière intuitive avec une liberté de touche comme l’aimaient les impressionnistes. Cela offre une vivacité et une vigueur permettant en retour d’exprimer les effets de lumière sur mon sujet. J’utilise la photographie tout comme les esquisses et les tableaux peints en plein air pour des œuvres plus ambitieuses, plus grandes, peintes à l’atelier. Je privilégie les photos en noir et blanc qui me donnent des informations sur les valeurs. Elles me sont particulièrement utiles pour peindre des scènes animées et donner une impression d’instantané à la scène.

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Grand Canal, Venise. 30 x 36 cm.

PORTRAIT Cela fait maintenant plus de quarante ans que Tony Allain capte en peinture la lumière et le mouvement. Né en dans les îles Anglo-Normandes, il a habité en Cornouailles avant de s’installer dans la ville de Nelson en Nouvelle Zélande. Ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections, et notamment le Maritime Museum de Guernesey. En 2004, il a reçu une commande de douze tableaux pour décorer les salons du paquebot Queen Mary 2. Il est membre de la Société des pastellistes néo-zélandais, qui fait partie de l’Association of Pastel Societies.

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ALLAIN PDA : Vos peintures sont parfois à la limite de l’abstraction. Avez-vous déjà franchi le pas ? T. A.: On me l’a déjà dit, oui. Je ne pense pas cependant être suffisamment doué ou intelligent pour être abstrait. Mon travail ne possède pas de sens caché ou ne recèle pas de message; au contraire, mes tableaux sont très simples à comprendre, puisque ce que j’aime c’est de retranscrire ce que j’ai sous les yeux. PDA: Le dessin est donc pour vous important ? T. A. : Le dessin et l’esquisse sont le langage de base de la peinture. Je possède de nombreux carnets remplis de croquis, certains assez poussés, d’autres juste posés rapidement. La clé du dessin est l’observation. Ce n’est pas suffisant pour moi de simplement regarder et étudier mon sujet: il me faut en faire de nombreux dessins pour en déterminer la composition, la perspective et les formes. Pour devenir un bon peintre, on doit passer autant de temps que possible à observer et dessiner. PDA: Quel est votre processus de création ? T. A.: La première chose que je regarde avant de commencer un tableau, c’est la composition et la source lumineuse. Je choisis ensuite mes couleurs en fonction de la gamme de valeurs que je souhaite. Puis je vais mentalement peindre les zones importantes du tableau ; j’aime bien visualiser l’œuvre finie avant même de l’avoir commencée. C’est un procédé qui demande quelques minutes, et qui est devenu, après des années de pratique, presque un réflexe. PDA: Qu’aimez-vous peindre ? T. A.: Mes sentiments sont titillés par la lumière et les couleurs ; j’aime capturer le scintillement de la lumière sur l’eau, la forme des ombres dans paysages, la façon dont un groupe de personnes va venir créer une forme complexe. Une peinture est, c’est entendu, affaire de technicité, mais s’il n’y a pas de passion derrière, ce ne sera rien de plus qu’une attraction temporaire. L’émotion doit venir de la peinture et de la façon dont elle est posée. Un de mes motifs récurrents : la « fille aux cheveux rouges ». Il y a quelques années, à la Tate Gallery en Cornouailles, je fus distrait par une jeune étudiante, toute de noir vêtue, qui s’était teint les cheveux en rouge. Quel contraste avec le blanc des murs ! Cela créait une composition remarquable. J’ai alors sorti mon carnet et je l’ai suivie d’une salle à l’autre. Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé que pas une fois je n’avais vu son visage ! Elle est à ma peinture ce que les meules de foin furent pour Monet…

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Ci-dessus : Green Light at St. Kilda. 46 x 61 cm.

Ci-dessous : Red Hair 2. 25 x 30 cm.

PDA: D’où le rôle de la couleur dans vos œuvres… Comment obtenez-vous des tonalités aussi pures et des couleurs aussi lumineuses ? T. A. : Il est essentiel de ne prendre que des pastels de la meilleure qualité et de ne pas surcharger. Mon choix d’un support coloré joue aussi sur la façon dont je vais envisager mon sujet. Un papier bleu foncé, tel que celui que j’utilise pour mes natures mortes, permet de bien mettre en valeur les jaunes dorés et les oranges chaleureux des fruits. Si je peins en revanche une scène plus lumineuse, comme Venise, je vais alors utiliser un support de couleur beige. Il est important de ne pas surcharger, mais au contraire de garder une certaine fluidité dans la peinture. Combien de fois n’avons-nous pas tous essayer de rajouter une couleur supplémentaire ou bien un détail de plus à tel endroit avant de simplement voir nos efforts régresser ! Mon credo est de poser une trace et de la laisser. Restez spontané et simple. PDA : Comment voyez-vous votre peinture dans les prochaines années ? T. A. : La période que je vis actuellement est assez excitante, ayant passé 45 ans à apprendre mon art ! Je peins principalement des paysages, mais je ressens l’envie d’élargir mes sujets – sans doute faut-il y voir là l’influence de ma série sur la fille aux cheveux rouges (lire ci-contre) ? Être artiste implique un procédé de maturation. Je suis toujours en train d’apprendre de nouvelles façons de voir, et ma vision après toutes ces années s’est affinée. Une chose est sûre cependant : c’est que le chemin à parcourir me procurera beaucoup de plaisir. ■


Texte: Laurent Benoist. Photos: D.R.

À L’HUILE COMME AU PASTEL

Ma méthode de travail est peu ou prou la même à l’huile et au pastel : j’aime monter mes tableaux à partir d’un fond de tonalité chaude, aussi je passe une sous-couche sur mes toiles, un peu comme les feuilles colorées que j’utilise pour mes pastels. Je me sers de la tranche du pastel pour couvrir de larges zones de la même façon qu’une brosse. La seule différence tient dans le temps de séchage de l’huile, qui me frustre parfois. Le pastel permet de peindre rapidement et procure l’immédiateté que je recherche en peinture. Wet Sand. Huile sur panneau, 25 x 20 cm.

« Je ne cherche pas un sujet particulier ; j’ai plutôt l’impression que c’est lui qui me trouve ! Je fais confiance à mon sens de l’observation ainsi qu’à mon expérience. » MON MATÉRIEL

Papier J’ai toujours utilisé du Canson Mi-teintes. Je me sers des deux faces. La face la plus texturée a un aspect « peau d’orange » qui peut être un peu déstabilisant. Je préfère les fonds bleu ou brun foncé, voire parfois des fonds sépia. Le choix du papier est avant tout question de préférence personnelle ; il faut quand même savoir que les couleurs paraîtront plus foncées sur une surface blanche et plus riches sur une surface sombre. Bâtonnets Ma marque préférée est Unison Colours, pour la taille généreuse de ses bâtons et le grand nombre de pigments. Ils couvrent une large surface avec une uniformité de ton. Les pastels Schmincke sont appréciables pour leur douceur et leur clarté, surtout pour les rehauts. J’apprécie également les Sennelier.

UN SITE D’ARTISTE SUR INTERNET Vous possédez à la fois un site et un blog. Ont-ils augmenté votre visibilité ? Depuis que j’ai ouvert les deux, je me suis fait des amis et des contacts dans des parties du monde que j’aurais été bien en peine autrement de toucher. J’ai désormais plusieurs douzaines de personnes du Canada, des États-Unis, d’Europe et de Nouvelle-Zélande qui reçoivent par e-mail les mises à jour de mon site. Et c’est grâce à mes œuvres, exposées sur celui-ci, que j’ai été invité à participer à la Biennale de Florence en 2011. Vous avez entrepris sur votre blog une démarche artistique pour le moins originale en postant une nouvelle peinture par jour ; quelle était votre motivation pour ce qu’on pourrait presque appeler une performance artistique ? Tout a commencé un peu comme une expérience en passant une demi-heure par jour dans l’atelier avec pour but de produire un tableau de 15 x 15 cm, peu importe le sujet. Le but était d’en faire un « exercice » quotidien afin de garder mes sens en alerte. Je suis ainsi entré en contact avec d’autres artistes à travers le monde qui se sont pliés au même exercice. Nous échangeons commentaires et idées, tout en gardant un regard critique sur le travail de chacun. C’est très stimulant.

CONTACT

Rendez-vous dans notre carnet d’adresses p.83.

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