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Fête de la musique

Concert Sa 24.6 / 17h-18h

La Colère

→ BM Cité

○ Tout public

△ Sur inscription : bmgeneve.agenda.ch

DJ set Sa 24.6 / 18h15-20h15

Loop Pop —

La boucle est bouclée, avec Kid Chocolat

→ BM Cité

○ Tout public

△ Sur inscription : bmgeneve.agenda.ch appuie sur des boutons, on fait tourner des machines… Pendant très longtemps, je n'ai pas pu l'assumer. D'autant plus qu'en tant que femme, je n'ai jamais pu me sentir totalement légitime dans ce que je faisais. »

Du metal au logiciel

Le secret dure onze ans, pendant lesquelles la future Colère fait du metal, à la guitare et au chant, avec des groupes genevois nommés Toxic Arena ou Forget the Name. « Je faisais du scream aussi, du cri. C'est marrant parce que la colère, je l'incarnais totalement à ce moment-là. » En parallèle, elle devient vidéaste. « C'est ainsi que j'ai eu l'occasion de travailler pour les festivals Mapping et Electron où, en contrepartie, j'ai pu suivre des workshops où on m'a présenté le logiciel Ableton. Et tout a démarré. » Par rapport à la guitare distordue et aux hurlements sur scène, la musique créée sur ordinateur représente un sérieux changement d'ambiance… « En fait je suis assez geek, j'aime être chez moi dans ma bulle. J'ai plongé tête baissée dans Ableton. Un territoire créatif infini s'ouvrait à moi. »

Les premiers sons qui sortent de sa chambre sont rassemblés en 2018 dans un EP intitulé Surface, sans ambitions particulières. « C'était quelque chose que j'avais besoin de faire, sans attentes, comme une thérapie qui me faisait beaucoup de bien. » Un proche suggère d'envoyer le résultat au concours Demotape Clinic du festival m4music, voué à mettre sur orbite la pop suisse du futur. Surprise : La colère se retrouve gagnante de l'édition 2019 dans la catégorie électronique.

Pourquoi ce nom, au fait ? « C'était une évidence. Je pense que la colère est une force de vie incroyable. Dans ma vie, il y a une forme d'émancipation qui a dû s'exprimer à travers la colère. J'en avais besoin, canalisée à travers mon projet, et j'avais besoin de l'exprimer. » Vue de près, cette émotion se révèle plus complexe qu'elle n'y paraît. « Le sens du mot est fort, mais sa phonétique est très légère : contrairement à l'anglais anger, “colère” a une sonorité aérienne. C'est un peu pareil dans ma musique, où il y a ce mélange de chaud et de froid que je retrouve dans l'émotion de la colère. » À ce sujet, La colère se fâche d'ailleurs un peu : « Il y a ce discours sur les émotions dites négatives ou positives, auquel je ne crois pas du tout. Je pense que toutes les émotions sont là pour une raison et, mince, il faut les laisser nous traverser ! Donc oui, vive la colère. Elle est aussi une énergie qui nous rassemble. »

Une voix sur les vagues

Surface exprime un penchant pour les titres aquatiques (“River”, “Go Rain”) qui se poursuit en 2020 dans le premier véritable album, La Vague. « Depuis que je suis enfant, j'ai toujours aimé vivre à côté de l'eau. Il y avait une rivière au bout du jardin de mes parents, aujourd'hui je vis à côté de la Jonction, j'adore faire du surf, quand il pleut j'adore la pluie… » Mais il y a autre chose. « L'album tournait autour d'une rupture vécue sur une plage. J'avais fait 20'000 km par amour et je me suis fait larguer dans ce lieu au bout de nulle part, où je me suis retrouvée toute seule. Dans les titres “Eau Salée”, “La Plage” et “La Vague”, j'essaie de poser des mots sur ce chamboulement que je vivais, et tout est sorti là. Il fallait que je ramène un peu de lumière et que j'en fasse quelque chose. »

Jusque-là, La colère était muette. Dans La Vague, une voix grave, plutôt parlante que chantante, égrène des phrases laconiques sur un ton insondable et détaché. « Ce n'était pas un choix réfléchi. Étant assez introvertie, j'ai parfois de la peine à formuler ce que je ressens. Je me suis donc fait un peu violence en me disant : pourquoi pas quelques mots, finalement, en jouant avec cette sorte de froideur qui me permet de mettre une certaine distance. » Il faudra attendre deux ans et le nouvel EP Électrum pour que la parole devienne par moments carrément du chant. « Je ne suis pas chanteuse et je considère que ma voix est banale. Mais mon ingénieur du son, Yvan Bing, m'a aidée à assumer mon timbre et à me sentir légitime en me disant que dans l'authenticité et dans la banalité, il y a des choses magnifiques qui ressortent. » En effet. Au milieu du morceau “Électrum”, la voix s'envole, dévoilant son pouvoir d'envoûtement.

Échos vintage et univers parallèles

Sorti fin 2022, Électrum est une sorte de best of augmenté : on y retrouve les pièces les plus marquantes de l'album La Vague et quatre nouveaux morceaux. L'ensemble est aussi cohérent qu'éclectique, ancré dans les sonorités des années 2020 mais ouvert sur des univers parallèles et traversé de résonances vintage. On y entend les résonances des années 70-80 (les lignes de basse ultra rondes, les percussions qui croustillent, les synthétiseurs délicieusement baveux…), mais aussi ls échos de l'italo-disco, de l'électronique de Giorgio Moroder, de l'hypnose funky de Grace Jones, du début épique du tube Woman in Love de Barbra Streisand, des tropiques transposés sous le ciel nordique par Todd Terje, d'une mélodie venue du monde arabe…

Avec tout ça, La colère est aujourd'hui une identité artistique à la fois imprégnée du vaste monde et hyper personnelle. C'est aussi « une entreprise, avec une équipe de 8 personnes à chapeauter dans différents corps de métiers ». Et c'est toujours un projet existentiel : « Souvent les gens quand ils me rencontrent me disent : “En fait te n'es pas du tout en colère.” Mais ce mot est totalement en accord avec ce que je vis, et j'en suis fière. De plus en plus, j'aimerais l'incarner au maximum. J'ai choisi un nom fort, je m'en rends compte, je dois donc l'honorer. »

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