Diploma (1) - master thesis

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le marais breton en baie de Bourgneuf

le changement climatique, clé de réflexion pour l’avenir

Diplôme de fin d’études 2013/2014

Arnaud Fâche Directrice de mémoire

Anne-Sophie Verriest-Fenneteaux

École Nationale Supérieure de la Nature & du Paysage


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membres du jury PrĂŠsident de jury

Bruno Ricard Directrice de mĂŠmoire

Anne-Sophie Verriest-Fenneteaux 3

Enseignant encadrant

Christophe Le Toquin

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table des matières

préambule 6 introduction 8 1 la question climatique, représentations & réalités Le changement climatique

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Ce que l’on sait aujourd’hui 12 Des hommes à la mer 18 Risque, menace et catastrophe 20 L’exemple de xynthia 24

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2 La construction du marais Regard sur le marais de bourgneuf Série photographique

26 28 29

Repères visuels 40

Une identité liée à des caractéristiques physiques

44

Une identité liée à des hommes et des femmes

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éléments d’un paysage marin

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3 le marais de bourgneuf, site représentatif face à la montée des eaux

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Un socle géologique formé par les eaux 44 Une topographie complexe 46 Le marais breton : un marais maritime 48 Une histoire entre terre et mer 49 L'épopée du sel de la baie 51 La conquête de l’estran 52 Une histoire de maraîchins 54

La mer 56 Un espace littoral 64

Le marais sous contrôle ?

76

La maîtrise de l’eau dans le marais 76 Le marais face aux tempêtes 84


Un territoire habité 86 Habitat et maillage routier 86 Acteurs du territoire 88

Un territoire protégé

90

Ressources économiques

94

4 imaginer le futur du marais

108

Inventaires & outils de protection 90 Le Programme d’Actions de Prévention contre les Inondations 92

Agriculture 94 Pêche & conchyliculture 96 Marais salants 99 Tourisme 100 La beauté comme ressource exploitable 104

L’état actuel de la réflexion sur l’avenir des zones littorales

110

La protection des terres 110 L’évolution des perceptions 111 Les pratiques culturales 114

Enjeux d’un territoire en mutation Le long terme Le court terme

116 118 120

conclusion bibliographie remerciements annexes

130 132 134 136

Schéma d’intentions 120 Les sites pilotes, un travail de transition et de découverte 122 Le Collet 124 La Pointe des Poloux 126 La Lagune de Bouin 128

Lexique D’une notion à une autre...

137 139

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prĂŠambule


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Augmentation du taux de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, espèces migrant à des latitudes plus élevées, hausse des températures moyennes, fonte des glaces, élévation du niveau de la mer, écologiste, climato-sceptique, réfugié écologique... tous ces mots – et j'en passe, sont aujourd'hui partout dans l'actualité. Si nous ne sommes pas nécessairement familiers avec ces notions, nous sommes néanmoins conscients d'un changement dont la vitesse préoccupe, et ses conséquences encore plus. C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité que nous observons et devisons sur l'avenir de notre planète avec autant d'intérêt – et parfois d'inquiétude. Avoir grandi près de l'océan a fait naître en moi un amour pour un horizon où le ciel repose sur la mer. La variation journalière, saisonnière de son niveau, quoi de plus naturel ? Puis l'on m'a parlé d'une augmentation de son niveau sur une base annuelle. Alors je me suis questionné sur les raisons et la participation en 2007, grâce à mon lycée, à un programme de vulgarisation de données scientifiques sur le climat a vraiment marqué le début de mon intérêt pour la question, qui ne m'a jamais quitté.

Je souhaitais traiter la problématique de la montée des eaux et trouver un site sur le littoral atlantique s'est posé comme une évidence. J'ai découvert le Port du Collet, sans savoir que je venais d'entrer dans le Marais Breton. Un paysage qui m'a tout de suite enchanté ; le regard vers la mer, l'opposition est visible entre un cordon sableux qui longe la côte au Nord de l'étier, tandis que des champs protégés par une haute digue s'étendent sur le côté Sud. En parcourant les routes du marais, on longe toujours des canaux, tantôt à sec, tantôt gonflés d'eau. Si proche de la mer, l'air marin se fait sentir, quelques bourrasques ébouriffent et pourtant aucun contact direct, qu'il soit visuel ou physique n'est possible en dehors des ports. Une terre que seule la digue permet de garder émergée, il n'en fallait pas plus pour me décider.

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Pays de la Loire

introduction

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Le territoire étudié est le marais breton, en baie de Bourgneuf. Cette région est une partie d'un ensemble appelé marais breton-vendéen, entre Loire-Atlantique et Vendée, dont la limite Nord sont les Moutiers-en-Retz, la limite Sud est la ville de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, qui s'étend à l'Est jusqu'à Machecoul et Challans. Ce sont plus de 45000 hectares de prés et polders parcourus par des milliers de kilomètres de fossés. La séparation entre le marais breton au Nord et le marais vendéen au Sud est marquée par l'avancée rocheuse sur laquelle Beauvoir-sur-Mer s'est installée.

Loire-Atlantique

Vendée


Les Moutiers-en-Retz Noirmoutier-en-l’Île Bouin

Machecoul

marais breton Anciennement recouvertes par la mer, la conquête des terres s'est faite petit à petit et la lutte dure depuis des siècles. Elles sont protégées par un linéaire de 27 kilomètres de digues, bordées au Nord et au Sud par des cordons dunaires qui forment une protection naturelle. Sur ces terres marécageuses, la commune de Bouin comptabilise à elle seule 21 kilomètres de digues pour une population de 2200 habitants. Autrefois une île, séparée du continent par un bras de mer appelé le Dain, sa surface émergée s'est étendue pour atteindre son maximum en 1968 lorsque le dernier polder fut achevé. Ces terres sont pour la plupart en-dessous du niveau de la mer lors des pleines mers de viveseaux. L'installation humaine est liée à l’exploitation du sel qui a fait la renommée de la baie, sur des terres argileuses propices à cette activité. Son déclin a fait progresser l'agriculture, principalement du pâturage, qui occupe la majorité des terrains aujourd'hui. Le lien à la mer s'est étiolé, les bassins qui autrefois accueillaient une eau que l'on saturait en sel pour la récolte n'acceptent plus qu'une eau saumâtre tout au plus, à l'exception de ceux des derniers sauniers qui exercent à Bouin. Derrière la digue, l'homme est rassuré par un faux sentiment de protection et s'est adonné à des cultures classiques sur les polders, où les rendements sont excellents, tandis que l'ostréiculture a profité de la qualité d'une nappe salée souterraine pour se développer.

Beauvoir-sur-Mer

Notre-Dame-de-Monts marais vendéen

L’Île-d’Yeu

Saint-Gilles-Croix-de-Vie

0 Mais régulièrement, la mer rappelle sa puissance et se montre indomptable. En 2010, Xynthia a frappé le littoral vendéen avec des conséquences désastreuses et meurtrières. Les tempêtes hivernales sont récurrentes comme nous avons pu l'observer en fin 2013, début 2014. Aujourd'hui, le lien entre occurrence des tempêtes et changement climatique est encore incertain, mais la montée du niveau des océans est assurée, à un rythme qui ne cesse d'augmenter. Cette accélération des événements et des changements, observable à l'échelle d'une vie humaine, doit inciter à se questionner sur l'avenir de territoires comme le marais breton, en première ligne face à cette menace.

5 km

À très long terme, il semble évident que cette possession terrestre ne sera plus. Comment continuer à vivre ce territoire dans cette perspective qui dérange ? Quel changement dans notre rapport à la mer ? Quels seront les paysages de demain, quelle sera leur gestion ? Comment nos activités – agriculture, aquaculture, tourisme - vontelles s'adapter ? En somme, quel avenir pour l'homme peut-on imaginer sur ce territoire ? Pour répondre à ces questions, il s'agira d'envisager des scénarios et un projet en accord avec le territoire et son devenir, dans une logique de planification et d'anticipation. Ceci s'appuie sur une analyse du changement climatique à une échelle globale, avant de se pencher sur les caractéristiques du marais breton à l'échelle locale.


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la question climatique, représentations & réalités

« La même rivière coule sans arrêt, mais ce n'est jamais la même eau. De-ci, de-là, sur les surfaces tranquilles, des taches d'écume apparaissent, disparaissent, sans jamais s'attarder longtemps. Il en est de même ici-bas des hommes et de leurs habitations. » -- Kamo no Chômei, Notes de la cabane de dix pieds carrés.


Le changement climatique

ce que l’on sait aujourd’hui Le climat a de tous temps eu un grand impact sur les civilisations humaines. Qu'elles aient été nomades ou sédentaires, les sociétés étaient tributaires du « temps qu'il fait » pour leur survie et leurs activités journalières. La chasse, la pêche, la cueillette, puis la culture et l'élevage, toutes sont permises par la clémence des latitudes sous lesquelles l'homme s'installe. Au cours de son histoire, l'humanité a connu de nombreuses conditions différentes, variant aussi en fonction de la répartition géographique des populations. Aujourd'hui, le vocable « changement climatique » comprend deux facettes. La première est celle des variations dites « naturelles », qui sont celles auxquelles la Terre est et a toujours été soumise, liées à l'activité solaire, à la composition de son atmosphère notamment. La seconde facette est celle du changement imputable aux activités humaines, qui se traduit par des évolutions climatiques très rapides, que l'on peut observer à l'échelle d'une vie. Autrefois réfutée, cette affirmation de l'impact de l'homme sur le climat de la planète est aujourd'hui acceptée par la majorité de la communauté scientifique. Le changement climatique englobe ainsi la notion de « réchauffement climatique » qui a longtemps été le terme le plus employé pour parler de l'évolution récente du climat. On préférera le mettre de côté car elle induit une représentation fausse de notre situation, en évoquant uniquement la possibilité d'une élévation des températures. Le réchauffement global est un fait qui ne couvre pas toutes les conséquences qu'il amène. Parmi elles, la montée du niveau des océans, le bouleversement de la circulation atmosphérique et des précipitations, l'augmentation de la fréquence des intempéries, qui entraînent des vagues de chaleur mais aussi des coups de froid en fonction des régions du globe.

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Le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – ou IPCC en anglais) est un organisme intergouvernemental ouvert à tous les membres de l'ONU. Ses travaux sont une référence dans l'étude et la définition du changement climatique et de ses conséquences sur notre planète. Leurs données et observations ont débuté en 1950 et le GIEC rend compte des évolutions du climat régulièrement par la publication de rapports – le dernier résumé ayant été publié en septembre 2013.


Des éléments d’observation... Selon le GIEC, le changement climatique est indubitable et nombres des observations faites depuis les années 1950 témoignent d'un réchauffement global sans précédent. Les concentrations en gaz à effet de serre augmentent, l'atmosphère et les océans se réchauffent, les dépôts de glace et de neige diminuent, le niveau marin s'élève. Les trois dernières décennies ont été tour à tour les plus chaudes depuis 1850. Entre 1880 et 2012, on a observé un gain de 0,85°C de moyenne pour les températures combinées des océans et à la surface terrestre. La récurrence de vagues de chaleurs et de précipitations violentes augmente sensiblement et il est très probable que ces événements soient de plus en plus fréquents et intenses dans les années à venir. La température des océans a augmenté de façon signifiante entre 1971 et 2010, si l'on considère la couche supérieure comprise entre 0 et 700 mètres de profondeur, cette augmentation est de 0,11°C en moyenne. Durant

les vingt dernières années, on constate une perte de la masse glacée des glaciers et calottes glaciaires, de l'ordre de 250 gigatonnes par an. Pour l'Arctique par exemple, cela représente une diminution décennale de 0,5 million de kilomètres carrés des pergélisols pour la période estivale. L'augmentation de la température de l'eau entraîne une dilatation des océans qui, additionnée à un apport en eau dues aux fontes diverses, expliquent 75% de l'élévation du niveau marin. Au cours du siècle passé, les océans ont connu une élévation moyenne de leur niveau de 19 centimètres. Sur les vingt dernières années, cette élévation s'est accélérée pour atteindre une moyenne de 3,2 millimètre par an – soit un rythme doublé par rapport à ce qui a été observé en un siècle. La principale cause identifiée de l'effet de serre est l'augmentation de la concentration – notamment - en gaz carbonique (CO2) et ce depuis 1750. L'activité humaine est clairement responsable de cette augmentation.

... et des prévisions délicates Les modèles de simulation du climat ont évolué et se sont améliorés au cours des années, cependant le GIEC, sans être alarmiste, n'avait pas prévu de tels changements. Prenons l'exemple de l'élévation du niveau marin : le premier rapport, sorti en 1990, anticipait une augmentation moyenne d'environ 2 millimètres par an – 25 ans plus tard, elle est confirmée à 3,2 millimètres par an. La prudence est de mise, les discussions sur le climat étant au cœur des politiques et économies actuelles. À ce jour, on estime que la température moyenne va augmenter entre 1,5°C et 4,5°C d'ici à la fin du siècle – il est d'autre part très peu probable que cette augmentation soit inférieure à 1°C et supérieure à 6°C. Concernant les précipitations, le contraste entre les régions va s'accentuer, les régions sèches seront plus touchées par des sécheresses dont l'intensité et la durée seront grandissantes, tandis que les précipitations vont s'intensifier dans les régions

où la pluviométrie est déjà importante. La hausse de la température des océans va quant à elle s'observer à des profondeurs de plus en plus grandes, avec des conséquences sur les courants marins, avec une diminution de la circulation thermohaline. Elle est engendrée par des écarts de température et de salinité des masses d'eau et exerce son influence à l'échelle planétaire, elle comprend notamment le Gulf Stream et le Kuroshio qui réchauffent les eaux au large de l'Europe et du Japon. La principale recommandation du GIEC est donc de réduire l'émission des gaz à effet de serre ou, à défaut, de faire des émissions actuelles un maximum à ne pas dépasser. Cependant, même si les émissions humaines de gaz carboniques étaient stoppées, les différents aspects du changement climatique que nous avons vus continueraient, par effet d'inertie, et ce pour plusieurs siècles à venir.

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Évènements météorologiques extrêmes entre 2001 et 2010

2005 Canada

Record de chaleur pour l’été

2008 Canada

Records multiples de chutes de neige

2006-07 États-Unis

2010 États-Unis

Multiples sécheresses

Records multiples de chutes de neige

2007 Mexique

Crue dévastatrice

2005 Golfe du Mexique

Record d’activité de tempêtes tropicales Ouragan Katrina

2004 Caraïbes

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Ouragan Ivan

2005 Brésil

Sécheresse record depuis 60 ans Niveau minimal de l’Amazone depuis 30 ans

2008 Amérique du Sud

Sécheresses prolongées (records locaux)

2009 Argentine

Records de température (au-delà de 40°C)

2007 Amérique du Sud

Hiver le plus froid depuis 50 ans

2004 Atlantique Sud

Première formation d’ouragan enregistrée dans cette région du globe


2008 Scandinavie Record de douceur pour l’hiver

2001 Sibérie & Mongolie

2010 Europe 2007 Royaume-Uni Record d’inondation depuis 60 ans

Records multiples de chutes de neige

2001-10 Europe

Record de froid pour l’hiver (jusqu’à -60°C)

2010 Russie

Records de chaleur et sécheresses prolongées

2010 Russie

Records de chaleur et sécheresses prolongées

Crues régulières

2003 Europe

2002 Corée

Record de canicule estivale

Typhon Rusa Records de précipitations

2008-09 Maghreb

2008 Chine

Records de précipitations et inondations multiples

2007 Afrique

Crues et inondations

2010 Pakistan

Records d’inondations

2007 Moyen-Orient

Cyclone Gonu (record de puissance)

Record de tempête de neige depuis 50 ans

2006 Philippines

2005 Inde

Typhon Durian

Mousson sans précédent

2010 Afrique

Records de précipitations Records d’inondations

2006-07 Corne de l’Afrique

2008 Myanmar Cyclone Nargis

Sécheresse prolongée

2010 Australie

Records de crues et de précipitations

2001 Afrique

Crues et inondations

2004 Madagascar Cyclone Gafilo

2009 Australie

Record austral de température dans le monde (48.8°C)

2008-09 Australie Sécheresse prolongée

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Qu’en est-il des douze derniers mois ? Selon l'Organisation météorologique mondiale (OMM), qui dépend de l'ONU, l'année 2013 a été marquée par la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes ainsi que le niveau le plus haut des mers. Elle a aussi été la sixième année la plus chaude depuis 1850 – au même titre que 2007, avec une température moyenne sur la surface terrestre de 0,5°C supérieure à la normale météorologique calculée sur la période 1961-1990. Ce sont ainsi treize des quatorze années les plus chaudes depuis le milieu du XIXe siècle qui appartiennent aux XXIe siècle. En Australie, tous les records locaux de température ont été dépassés, avec une température supérieure de 1,2°C en moyenne sur toute l'année. Les conséquences : sécheresses et incendies, entraînant de mauvaises récoltes et une forte répercussion sur l'économie, mais aussi des infrastructures touchées par des précipitations abondantes dans le Nord du pays où le climat devient plus tropical. D'un point de vue écologique, l'emblématique Grande Barrière de corail est en grand danger. L'Asie du Sud-Est a été particulièrement touchée par le typhon Haiyan, plus puissant cyclone à avoir touché terre de16

Philippines, après le typhon Haiyan.

puis les premières mesures de 1970, avec des vents à plus de 360 kilomètres par heure. C'est l'événement le plus meurtrier de l'année, causant la mort de 7000 personnes. En Europe, les tempêtes ont frappé à plusieurs reprises avec Andréas en juillet, puis Christian en octobre, Xaver, Dirk et Erich en décembre – les dégâts ont été nombreux, Petra et Qumeira fin janvier 2014 semblent vouloir continuer cette liste dévastatrice. À l'échelle mondiale, le coût économique des catastrophes naturelles et humaines en 2013 pourrait s'élever à 130 milliards de dollars selon certains assureurs, un moindre coût si l'on compare à 2012, année marquée par l'ouragan Sandy. Ces tempêtes sont à l'origine de précipitations accrues, amenant avec elles des inondations. Sur le littoral, les risques de submersion sont multipliés, l'indice de vigilance orange a été annoncé maintes fois dans de nombreux départements depuis le début de l'année 2014. Vols annulés, coupures d'électricité... c'est toute l'infrastructure proche de la mer qui est menacée. L'intensité de ces dernières tempêtes n'est pas exceptionnelle, mais c'est leur succession qui est remarquable depuis décembre.


Les zones sensibles à l’élévation marine L'élévation du niveau de la mer est constatée depuis plus d'un siècle, dont le changement climatique accélère le mouvement. Les conséquences sont minimes sur les côtes accores (côte escarpée, voire falaise, qui est bordée de fonds marais verticaux et très profonds), mais deviennent très problématiques sur les côtes basses alluviales aux faibles profondeurs littorales. Il est à noter que la transformation de la forme d'un bassin envahi par la mer peut modifier l'amplitude de la marée et l'élévation du niveau moyen de la mer n'entraîne pas une élévation égale des niveaux des basses mers et des pleines mers, la prudence est de mise dans les visions prospectives.

Les marais, naturels ou aménagés, les polders, les lagunes sont particulièrement exposés par leur situation très proches de la mer. La plupart des polders littoraux ont des cotes d'altitude légèrement inférieures à celles des pleines mers car construits sur des vasières et des schorres - ils se sont ensuite tassés sous l'action du drainage, diminuant leur altitude de plusieurs décimètres. L'augmentation de la profondeur de l'eau à l'extérieur d'une digue, si elle n'est pas compensée par une sédimentation équivalente comme dans un cas de montée lente du niveau marin, se traduit par une diminution de la réfraction de la houle, donc une plus grande énergie sur le littoral entraî-

nant une plus grande vulnérabilité des ouvrages de défense contre la mer. L'hydrologie littorale des zones de marais où de très faibles dénivellations déterminent le sens et le débit des écoulements risque d'être perturbée en substituant parfois la prédominance d'une infiltration dans les sols sur l'exfiltration dans les fossés. L'accroissement de la salinité des eaux de surface a quant à elle des conséquences sur la faune et la flore, surtout dans les régions à faible marnage. D'autre part, la nappe phréatique salée, dont le niveau est généralement similaire à celui de la mer, touchera elle aussi la végétation lors de l'élévation de son niveau moyen.

Zones les plus sensibles à l’élévation du niveau des océans (îles, estuaires, deltas et zones côtières de basse altitude).

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des hommes à la mer Les changements de paysage sont déjà en marche, voici l'exemple du Bangladesh. Cette étendue plate reçoit 92% des eaux du Tibet, du Bhoutan, de l'Inde et du Népal – en période de mousson, un tiers du pays est inondé alors qu'il est l'un des plus densément peuplés de la planète. Jusqu'à ce jour, les habitants s'en accommodaient, mais avec le changement climatique, les précipitations plus fortes associées à l'augmentation du niveau des eaux s'est traduit par une extension significative des zones inondées. La mangrove des Sundarbans, en bordure du golfe du Benghale, est l'une des plus riches de la planète et est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO. Derrière, une digue, que les hommes consolident à la main pour protéger les habitations et les bassins construits par les hommes. Autrefois des rizières, c'est l'élevage de la crevette qui prédomine depuis le raz de marée de 1988, les terres gorgées de sel n'étant plus cultivables. Une adaptation au changement qui ne ravie pas la population, les fermes de crevettes n'employant pas autant de main d'oeuvre notamment. Quand on parle de réduire les émissions de gaz à effet de serre, c'est une drôle d'ironie : le pays entier émet moins que la ville de New York mais subit les conséquences les plus désastreuses.

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« Nous partons de Tuvalu inquiets. Inquiets de notre propre insouciance. » -- Donatien Garnier, Réfugiés climatiques.

À travers le monde, ceux qui se sont établis sur les deltas, franges littorales et îles basses sont souvent des populations pauvres qui vivent déjà dans un équilibre précaire avec leur environnement. L'élévation du niveau marin constitue un nouvel élément critique, qui va les faire basculer « de la pauvreté à la misère, de l'enracinement à l'exil. » (Collectif Argos, 2010). Nous abordons ici la notion de migration liée au changement climatique qui, selon une estimation de 2005 des Nations Unies, pourrait dépasser 50 millions de personnes durant le premier quart du XXIe siècle. Ces migrations auront des conséquences multiples, dont la perte d'identité pour des peuples qui se sont construits avec la singularité de leur environnement natal, mais surtout les déplacements de populations vers des territoires aux capacités d'accueil incertaines. Encore faut-il que la population envisage de migrer, car nombreux sont ceux qui, sous des airs de défi mêlé d'ironie, préféreraient mourir dans leur village que de le quitter. Ceux qui acceptent de migrer ne le conçoivent que de façon temporaire, alors que l'heure est à la prise de conscience que cette crise n'est pas momentanée, que cette dégradation est inéluctable et ne sera pas renversée avant nombre de générations d'hommes. Sur l'archipel de Tuvalu, un point dans l'Océan Pacifique, la montée des océans est une réalité dont les habitants sont conscients : les îles pourraient être submergées bien avant la fin du siècle. Alors cette nation fait pression auprès des gouvernements d'Australie et de Nouvelle-Zélande pour prendre en compte le statut de réfugié climatique. À ce jour, aucun succès, le droit international ne reconnaît que les persécutions ou pressions de nature politique, idéologique, ethnique ou religieuse. Ce qui ramène à l'ironie du Bangladesh : Tuvalu n'est pas un « gros pollueur », le gouvernement essaye de faire émerger le concept de « persécution écologique », et donc d'une responsabilité, des principaux émetteurs de gaz à effet de serre sur les populations les plus vulnérables.

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risque, menace et catastrophe

menace (Robert 2013) : (1) Manifestation par laquelle on marque à quelqu'un sa colère, avec l'intention de lui faire craindre le mal qu'on lui prépare. (2) Signe par lequel se manifeste ce qu'on doit craindre de quelque chose, indice d'un danger. catastrophe (Robert 2013) : Malheur effroyable et brusque. Accident, sinistre causant la mort de nombreuses personnes.

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Il existe depuis toujours cette lutte entre d'un côté le plein, le construit et de l'autre le vide, la nature à laquelle on peut associer le vierge, l'édénique. Pourtant, cette nature idyllique n'est qu'une représentation, celle qui ne perçoit que le côté inoffensif, sans embrasser la nature et ses éléments menaçants. Aujourd'hui, la nature est construite, on la travaille, on la consolide, on la reconstruit même. Peu d'éléments, dans notre paysage quotidien, nous rappelle les menaces auxquelles l’espèce humaine est soumise. Nous avons tout pour croire que nous vivons dans un environnement entièrement sécurisé et maîtrisé. On côtoie la menace sans pour autant en prendre conscience. Apprivoiser la menace requiert de se poser des questions et d'y apporter des réponses qui ne soient pas univoques. S'il y a un risque d'éboulement, la mise en place de treillis métalliques ne suffit pas, il faut questionner l'ouvrage mis en place et le site que l'on protège. Est-ce un choix d'habiter un environnement dangereux ? La confrontation à la menace est-elle une contrainte, une fatalité, ou au contraire inspiratrice d'innovation et d'inventivité ? Il convient aussi de se demander quels liens unissent risque et territoire, quels enchaînements existent. Le risque n'est pas abstrait, mais sa visibilité doit être affirmée. Le risque, c'est la mise en danger d'un ensemble d'êtres et d'objets, plus ou moins prévisible, c'est une situation charnière entre menace et catastrophe.


Le risque est un danger probable, la menace est un danger possible. Le risque a une dimension objective, il est possible de l'évaluer par son histoire, par les archives, par les antécédents qu'on lui connaît, qui deviennent des probabilités. La menace n'est quant à elle pas irrationnelle, mais plus difficile à qualifier et à quantifier, c'est un risque sans fondement statistique. Ce sont des objets déterminants de la réflexion de la géographie contemporaine et par extension, du paysage. Ce qui nous pousse à agir, c'est la présence du risque, ainsi les digues sont une action qui traduit l'identification d'un risque. Elles constituent les réponses territorialisées, sous la forme d'ouvrages d'ingénierie. Le territoire participe lui-même à la dynamique de fabrication des risques qui ne se produisent pas n'importe où dans l'espace. C'est la configuration du territoire, ses formes, ses espaces de vulnérabilité qui vont influer sur l'existence du risque. Les risques sont pluriels, leur analyse doit prendre en compte l'espace et la temporalité pour établir une véritable géographie du risque. Le risque met en scène le caractère d'un territoire. La catastrophe modifie le territoire, par son action directe, puis par celle des aménageurs suite à cette modification initiale, afin de réduire les risques ultérieurs. Les risques laissent ainsi leur empreinte sur le territoire, directement et indirectement, en s’inscrivant parfois dans le long terme. Ce dernier doit alors être considéré dans son étendue, son épaisseur et sa perpétuelle mutation.

Longtemps la nature a représenté la menace, une dimension hostile, sauvage qu'il fallait maîtriser. C'est dans ce rapport antagoniste que nous avons construit des oppositions aujourd'hui ancrées dans nos sociétés : nature / culture, dehors / dedans, campagne / ville. Les études récentes indiquent clairement un lien entre l'activité humaine et le changement climatique, qui induit une récurrence plus élevée d'événements météorologiques toujours plus forts. Notre perception de la menace en est-elle affectée ? Les constructions humaines s'élèvent face à des phénomènes naturels qui menacent nos modes de vie, qui ont un fort impact sur l'environnement, augmentant ainsi la menace liée à certains danger naturels. La balance est renversée : les actions pour maîtriser l'environnement accroissent la menace en nous rendant plus vulnérables. Nous pouvons imputer une partie de la menace qui pèse sur nous à l'être humain lui-même. Cependant aujourd'hui, il nous faut réfléchir à une échelle globale, car notre responsabilité s'est élevée à cet échelon supérieur. Il faut penser à nos actions en termes globaux et interdépendants, d'un bout à l'autre du globe. Deux groupes existent, menacés et responsables, qui s'entrecroisent. Les actions humaines ont des portées dans l'espace et dans le temps, avec des conséquences souvent irréversibles. Elles sont à la fois philosophiques, éthiques et politiques.

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« Des sociétés où on assèche les marais, mais aussi les yeux de ceux qui ont envie de pleurer parce que c'est une émotion dégradante. On est d'autant plus supérieur qu'on refoule et qu'on cache les sentiments pendant qu'on rationalise le territoire à coups de bulldozers. » -- François Terrasson, La peur de la nature.

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Partant d'une affirmation provocatrice, il est bon de se questionner sur l'idée de nature. Car c'est la perception de la nature qui a permis à l'homme de se positionner, pas la nature elle-même. La façon dont nous la regardons, qu'elle soit prête à nous dévorer ou à nous aider, c'est un choix fait par l'observateur. Il existe, lors de la première rencontre avec un élément nouveau, un moment fondateur où se dessine la direction que va prendre l'émotion : d'un côté la peur, de l'autre l'attirance. Tous les habitants d'un espace rural affirmeront qu'ils savent se débrouiller avec la nature, qu'ils la connaissent. Mais de quelle nature parlons-nous ? Celle qui se trouve dans la limite des haies d'un bocage ? Celle du pré pâturé déterminé par les canaux qui le sépare des autres prés ? C'est déjà une nature bien maîtrisée. Nombreux sont ceux qui affirment que la nature a disparu, qu'il n'existe plus aucun espace naturel car les endroits où l'homme n'a pas posé le pied se font de plus en plus rares – sans parler de ceux où il n'a pas encore un impact. La nature nous fait de l'effet, nous ne pouvons pas y rester insensible, que ce soit pour l'embrasser dans son entièreté ou pour lutter contre elle. C'est encore un choix, mais aussi une histoire, ou plutôt des histoires. De tous temps, dans les contes et récits, l'homme a été en relation avec la nature, dans une relation de dominant / dominé, dans un sens ou dans l'autre. Cette domination de la nature, du côté sauvage de la vie, est incarnée par le berger qui tire sa puissance de l'apprivoisement. Au plus proche de la nature, il a su s'y adapter, modeler son comportement pour y vivre et remplir son rôle de protecteur de troupeau. Le statut de pouvoir est hérité de la nature, car il n'est pas de société qui ne reconnaisse pas la puissance de la nature. Cependant, l'homme qui passe trop de temps auprès de la nature en vient à représenter ces forces naturelles et... se risque à devenir craint à son tour du reste de la population. Mais la domination de la nature est aussi représentée par ces grands bâtisseurs, qui n'apprivoisent pas, mais luttent, combattent, pour construire et maintenir leurs œuvres debout face à la puissance parfois dévastatrice de la nature. Nous retrouvons ici une conception qui fait de la nature une entité animée, contre laquelle l'homme va se défendre et par le succès, affirmer sa suprématie. Et force est de constater que de nos jours, il est plus fréquent de rencontrer la lutte qu'un doux apprivoisement.


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l’exemple de xynthia

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Avec 47 décès dont 41 liés à la submersion, la tempête Xynthia est un drame humain avant d'être une tragédie pour le territoire. Les victimes sont principalement des personnes âgées qui ont été piégées en pleine nuit dans leurs habitations sans pièce de survie à l'étage. Le coût des dommages matériels a été évalué à environ 150 millions d'euros, certains dossier pour déterminer les responsabilités sont encore en discussion à ce jour. La tempête de ce 28 février 2010 est banale pour un épisode hivernal. Cependant, associée à un coefficient de marée de 102, la surcote et la submersion des terres les plus basses a été inévitable. Cette conjonction de paramètres n'est pas exceptionnelle : elle pourrait se reproduire et être encore plus dévastatrice avec des vents plus forts et un coefficient de marée plus élevé. L'urbanisation en zone à risques, à laquelle s'ajoute des habitations non adaptées à d'éventuelles inondations et une population vulnérable par son âge sont autant de facteurs qui ont participé à cette catastrophe. Le prix à payer est fort aussi pour l'activité conchylicole, 23 millions d'euros ont été débloqués pour soutenir le secteur qui a beaucoup souffert. Il serait cependant faux de croire que rien ne pouvait présager une telle destruction avec ce type de paramètres. L'urbanisation littorale abusive a été encouragée par la pression foncière et la disponibilité des terres due à la déprise agricole. Le sentiment de sécurité apporté par les digues a été ici mis à l'épreuve : conçues pour gagner des terrains cultivables sur la mer, elles ne sont pas les gardiennes de l'habitat.

Entrée d’eau par débordement Brèche Érosion ou recul de la protection Zone submergée

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L’impact de Xynthia sur le marais breton. Après Xynthia, les anciens se remémoraient le vimer de 1940, qui a frappé le littoral Atlantique. Les ports ravagés, les bateaux déposés sur les quais par les vagues, les carrelets détruits... Cependant à l'époque, la population avait une véritable conscience du risque, savait se mettre à l'abri en cas de « gros coup de vent » et la submersion était un aléa que l'on acceptait, bon gré mal gré. Après les années 1960, la société balnéaire s'est mise dans une position de grande vulnérabi-

lité face à la mer, oubliant la colère des océans derrière l'apparente protection des ouvrages construits par l'homme. Aujourd'hui, il n'est toujours pas question de quitter ces terres, la déconstruction est très mal vécue par la population et les décisions publiques penchent invariablement pour la consolidation et l'élévation des digues. Protéger les acquis, coûte que coûte, en renforçant les ouvrages de protection avec une nouvelle marge, héritée de la dernière catastrophe qu'est Xynthia.


« À l’aube de ce dimanche 28 février, vision de frayeur : Xynthia, une forte marée avec sur côte de 1m plus vent fort, la mer est rentrée dans les terres passant par-dessus routes, digues, murs, et endommageant en plusieurs endroits ces ouvrages ( plus de 20 brèches dans les digues dont 150 mètres entièrement partis). Pour notre secteur, deux morts sur la partie Marais Breton Loire Atlantique. C'est alors une course contre la montre , il faut réparer ce qui peut l'être avant la marée haute prévue à 16h30 et mettre en sécurité pour les agriculteurs et ostréiculteurs ce qui peut l'être. C'est une mobilisation des pelles (une vingtaine) - camions - ouverture des centrales à béton et en fin d'après-midi tout était très provisoirement réparé et heureusement que la mer fut calme par la suite ce qui a évité de remplir plus. Arrive l'heure du bilan, 2000 Ha sous l'eau salée pour le Marais Breton, principalement des terres de cultures, 3 sièges d'exploitations agricoles encerclés et plusieurs exploitations ostréicoles sous l'eau. Au départ le désespoir s'empare des hommes et pourtant il faut faire face : vider ou pomper l'eau pour l'évacuer des terres, plus de 15 jours

seront nécessaires par endroit, retrouver un rythme tant bien que mal sur nos exploitations. Rapidement la solidarité s'organise grâce, entre autres, à la FDSEA : coup de main -prêt de matériels - dons de fourrages aliment poursuivit après par le parrainage. On découvre combien il est important dans de telles circonstances d'avoir un réseau fort et organisé à tous les échelons. Les collectivités, les OPA mettent des plans d'aides spécifiques. Pour notre secteur, les exploitations seront indemnisées majoritairement dans la tranche la plus faible, à 30 % des pertes et 55% pour le Gypse, autant dire une année blanche pour ces parcelles. Heureusement que la solidarité est venue compenser en partie les lacunes de notre système d'indemnisation nationale. Après une appréhension sur l'efficacité du gypse (une première pour notre secteur), pour l'instant les cultures semées gardent un aspect correct et les terres non gypsées sont déstructurées. Chaque agriculteur pourra tourner la page en retrouvant, on l'espère, une récolte de fourrages ou de cultures correcte pour 2011. Il y a urgence

à renforcer toutes les digues afin de faire face à de tels aléas climatiques. La promesse du président de la République, lors de sa venue à Bouin, doit être honorée. Mais pour l'instant, c'est l'Etat qui bloque l'avancée des travaux. Aujourd'hui on ne peut que remercier toute la solidarité qui s'est mise en place, d'ici, de nos voisins et de toute la France. » -- Christian Francheteau, 18 février 2011, agriculteur et représentant de la Chambre d’Agriculture du canton de Beauvoir-sur-Mer, intervention au Congrès de la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles

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La construction du marais

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«Ce que quelqu’un pense d’une région tandis qu’il la traverse est la résultante de ce qu’il sait, de ce qu’il imagine et de son état d’esprit.» -- Barry Lopez, Rêves arctiques.


Regard sur le marais de bourgneuf

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Vers le bocage

Vers la digue

Le marais de Bourgneuf est un paysage dit naturel, bien qu'il soit le fruit de l'activité humaine. Ce paysage horizontal a des limites bien définies, par la végétation et la topographie qui marquent visuellement la transition entre le bocage et le marais. L'horizon est marqué par la digue d'un côté, qui ne laisse pas voir la mer et offre au promeneur un tableau coupé en deux, en bas la terre, en haut le ciel. En se retournant vers le continent, c'est la même dualité, avec une nuance matérialisée par une fine ligne sombre à l'horizon. Ses contours sont flous et varient en forme, laissant une certaine indécision dans le pourtour du trait. Ce flou, si l'on y regarde de plus près, n'est autre que la végétation qui encercle littéralement le marais. C'est la superposition de toutes les haies, bois et bosquets dont le bocage recèle, que l'oeil ne peut distinguer à si longue distance. Toutefois, si l'on remarque aisément cette frange, c'est parce qu'elle surplombe le marais, de quelques dizaines de mètres en altitude tout au plus, mais sans jamais pénétrer la zone humide ; rares sont les haies des bocages vendéen et de Loire-Atlantique qui osent s'y aventurer. Ainsi le marais se présente comme une succession de textures et de couleurs, de laquelle l'amateur avisé pourra y distinguer les usages des hommes.


Dans un paysage d'horizontales, voici ce que vous percevrez en premier. De larges bandes colorées, où le détail disparait pour ne laisser place qu'à une impression. une impression qui reste, une simplicité qui persiste, les nuances du territoire dont vous vous imprégnez. Fermez les yeux après chaque image. Et place à l'imagination. La légende indique le lieu, vous êtes libre de vous y représenter la vie, l'activité qui y règne. Peut-être même d'en inventer les détails. Où commence le ciel ? Où s'arrête la terre ? Voici les premières questions posées, les autres suivront.


La baie de Bourgneuf à marée basse


Plage du Collet


Polder de Saint-CĂŠran


Polder des Champs


Étier des Champs


Polder du Dain


Lagune de Bouin


Plan d’eau de la lagune de Bouin


Anciens polders de la Crosnière


« Je n’ai pas choisi la mer et elle ne m’a pas choisi, le hasard qui m’a frappé n’a rien d’un privilège. Elle m’a inondé sans que j’aie manifesté talent ni mérite. J’ai la mer, moi qui suis mécréant, comme certains amis religieux me déclarent avoir la foi : par foudre inoccente, étrangère à la raison et au calcul. » -- Hervé Hamon, Besoin de mer. Ces cinq clichés argentiques ont été pris pour immortaliser un instant du marais sur un film. Je tenais à m’assurer que j’aurais une trace tangible, témoin et rappel de ces moments qui n’ont de particulier que la représentation que je m’en suis faite au cours de mon exploration.


repères visuels

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Un paysage plat, plat, plat. Une répétition de canaux, de prés, où routes et chemins peinent à se distinguer. En y regardant de plus près, en scrutant avec attention ce que nos yeux voient et non pas ce que notre première impression nous laisse comprendre, on réalise qu'il y a plus que l'horizontale. Des niveaux d'horizontales d'abord. La digue et le bocage, nous l'avons vu. Mais aussi les anciennes digues, que l'on peut encore distinguer. Les routes, sur leur talus, regardent le marais avec inquiétude lorsque les canaux gonflent. Les chemins, eux, savent depuis longtemps que l'eau fait partie de leur quotidien et s’accommodent de la boue, tandis que l'utilisateur imprudent sera incommodé par cette voie peu praticable. Et parfois s'y embourbera, avant qu'un maraîchin1 ne vienne le libérer à la force du tracteur. En regardant vers la mer, une fois la digue passée, la baie se laisse comprendre. L'océan ne se dévoile que par une petite section au Nord-Ouest, car au Nord on peut distinguer Pornic et la Pointe de Saint-Gildas et à l'Ouest, c'est l'île de Noirmoutier qui s'étend à l'horizon. 1 Relatif aux habitants du marais


Des verticales ensuite. Éléments uniques que sont l'église et les éoliennes, visibles de n'importe quel endroit du marais – en l'absence de l'humidité ambiante qui fait souvent flotter un voile gris sur les terres et brouille la vision. Au large se détache le pont de Noirmoutier, arche d'aisance entre l'île et le continent. Un peu avant, ce sont les hauts poteaux et les balises refuges qui trahissent la présence du Gois, passage à gué qui participe à la renommée de la région.

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Puis il y a ces éléments qui se répètent, que l'on oublie parfois. Les masses boisées, rares et clairsemées, apparaissent sombres si l'on regarde vers l'Est, et toujours flanquées d'un liseré blanc si l'on regarde vers l'Ouest – ce sont les habitations à l'enduit rayonnant qui se protègent des vents dominants grâce à des cèdres. Les petits volumes sombres, près desquels on peut distinguer une dentelle, sont les cabanes de pêche au carrelet, témoins d'une activité surannée depuis que les poissons ont fui le marais. De temps en temps, ces mâts reliés les uns aux autres par un filin aérien, les poteaux électriques, rappellent leur présence lorsqu’on passe près d’eux.

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Encore un peu d'attention, vers la mer maintenant. Une succession de perches, arquées, qui s'en vont vers l'océan le long d'un chemin sinueux, parfois en se plaçant des deux côtés. Elles marquent le chenal qui mènent les embarcations vers l'entrée de l'étier, imperturbables guides qui observent sans se soucier le cycle des marées. Leurs petits frères, au physique râblé et plus court, se serrent les uns à côté des autres en rangs plus ou moins réguliers. Ce sont des gardiens, auxquels sont confiées la surveillance de certains fruits de mer, qui ne se laissent approcher qu'à basse mer.

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Une identité liée à des caractéristiques physiques Un socle géologique formé par les eaux On distingue trois grandes unités naturelles : le massif ancien constitué de roches métamorphiques, le bas-pays avec les marais de Bourgneuf et de Monts, et les cordons littoraux du Collet et Pays de Monts, la pointe sud-orientale de l'île de Noirmoutier.

C1-S2-3 S4 L3 L4

e5c / Lutétien supérieur : calcaires sableux et dolomitiques – peut être utilisé pour la construction sous formes de dalles. Affleurements ponctuels. Est recouvert par la couche de Mz, mais tout le socle de calcaire est présent en-dessous.

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Mz / Alluvions marines : vases "bri", traces de tourbe en sondage, mottureaux fréquents. Épaisseur moyenne : 5 à 7m. Le marais de Monts est isolé de la mer par le cordon littoral de la côte de Monts à Fromentine et est drainé en majorité par la baie de Bourgneuf. La façade maritime de ce marais est fermée depuis moins de trois siècles. Le bri, ou terre de marais, est composé de deux formations : la couche superficielle de vase gris-noir, riche en matière organique, sous laquelle repose une vase verdâtre, qui est au contact du socle calcaire par l'intermédiaire d'une mince couche sableuse. Les vases témoignent d'une sédimentation irrégulière et saccadée, on peut en effet observer une alternance avec des lits sableux ou d'argile. De part la composition de ces argiles qui représentent souvent 50% de poids total du sédiment, les alternances d'humidité et de sécheresse entraînent la formation de micro-reliefs, appelés mottureaux, sur les terres non labourées. Ce phénomène n'est pas observé sur les polders récents, la structure des argiles y est différente. D / Sables dunaires récents et actuels : le cordon dunaire du Collet ferme le marais de Bourgneuf à l'Ouest, entre les Moutiers et le Collet. S'élevant jusqu'à 4m d'altitude, il est constitué de sables blancs, fins, similaires à ceux que l'on retrouve en pied de falaise plus au nord sur le littoral, entre les Moutiers et la Sennetière. Il est le fruit du recul très important de la côte depuis le début du siècle. C1-S2-3 / 20 à 60 % de graves. Principalement des coquilles de mollusques morts. S4 / Sables grossiers - S5 / Sables fins et très fins L3 / 50 à 75 % de lutites. Vasières émergentes, très plates, constituées de particules extrêmement fines (inférieures à 44µm). Ces sédiments sont récents, après la fermeture de la baie de Bourgneuf lorsque l'île de Noirmoutier s'est allongée vers le Sud par l'édification d'une flèche littorale et de dunes. L'isthme à la jonction des courants nord et sud a formé le Gois. L4 / Plus de 75 % de lutites

Le Gois


Bourgneuf-en-Retz Le Collet

D

Rochers de Bouin

e5c Machecoul

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MARAIS DE BOURGNEUF

Beauvoir-sur-Mer

MARAIS DE MONTS

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une topographie complexe

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Le marais de Bourgneuf est un marais maritime dit « conforme », construit par la décantation de sédiments en eau calme. Leur mise en place s'effectue jusqu'au plafond des pleines mers en vives-eaux, mais pas jusqu'à celui des pleines mers de tempête car la forte turbulence des tempêtes empêche la sédimentation des vases fines. La pente vers la mer d’un marais conforme est faible. Certaines formes dans la morphologie du marais sont antérieures à l'aménagement humain - même si elles ont été modifiées par lui - d'autres lui sont étroitement associées. Les chenaux forment des dépressions dans le relief et sont souvent bordées de petites levées issues de l’accumulation de matière. Les levées jalonnent des séries de rivage, qui sont les témoins de l'avancée des terres et de la conquête de l'homme. Aujourd'hui, ces levées sont bien souvent confondues avec le tracé des voies de circultation qui ont été surélevées afin de conserver les liaisons routières lors des inondations (en orange sur la carte). Les polders ont un profil transversal qui dépend de celui du schorre et de la slikke qui ont été endigués. Ce profil est conforme ou contraire selon la disposition de l'espace intertidal conquis et l'ensemble du polder s'abaisse par tassement ; rapidement dans les mois qui suivent l'endiguement, ce tassement n’est achevé que quelques années plus tard. Les petites formes sont pour beaucoup liées à l'action de l'homme. Des dépressions de tailles variables sont observables : trace d'un ombilic creusé par érosion dans la brèche d'une digue, cratère d'un lâcher de bombe datant de la Seconde Guerre mondiale, abreuvoirs dans les prés pâturés par le bétail, mares pour la chasse. La principale activité à l'origine des dépressions humaines dans le marais de Bourgneuf est liée au sel, puis à l'aquaculture. Du creusement des canaux, on retire des matériaux qui forment ensuite des talus que l'on appelle « bossis » dans le marais Breton. Ces buttes servaient tantôt de cheminements - alors appelés « charrauds », tantôt de lieux de culture pour un maraîchage vivrier. Enfin, traits caractéristiques du marais, les mottureaux, qui sont une catégorie de relied gilgai. La topographie dans ces zones est faite de bosses avec des touffes d’herbe et de creux - c’est surtout le relief qui définit ce type de terrain. Les mottureaux ont généralement une hauteur comprise entre quelques centimètres à une quarantaine de centimètres. Obstacles à la récolte du foin, ils étaient autrefois détruits un à un à la pelle, aujourd’hui écrasés au rouleau ou au bulldozer. Leur formation provient de la succession des épisodes secs et humides : les fentes en période sèche affaissent le terrain, puis lorsqu’il se gorge d’eau les fentes se ferment et certains matériaux remontent plus que d’autres pour créer ces micro-buttes.

L’affleurement calcaire sur lequel s’est construit le bourg de Bouin constitue le point le plus haut du marais, à une altitude de 5 mètres. Ainsi, hormis le caractère général conforme du marais, la microtopograhie dans ce territoire est très complexe : les dépressions et les reliefs sont répartis de façon homogène.


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Bouin

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le marais breton : un marais maritime de l'eau douce. L'homme est intervenu pour annexer ces terres au continent. La mer y maintient sa contrainte en dictant le rythme des cadences de l'écoulement dans un réseau hydrographique dense que la faiblesse des pentes laisserait indécis si l'homme ne l'avait construit et hiérarchisé.

On réserve l'appellation marais littoral aux zones humides des rivages situés en bordure des lagunes et à l'intérieur des deltas. Il peut être soumis à l'inondation des eaux salées, saumâtres ou douces et s'inscrit schématiquement dans la tranche comprise entre les points hauts des deltas et le niveau de la mer.

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Les marais maritimes sont des zones humides faites d'alluvions récentes, situées à proximité des mers et édifiées par celle-ci. Elles s'inscrivent dans une tranche comprise entre le niveau des plus hautes et des plus basses mers connues. Elles ne sont qu'exceptionnellement submergées par la mer et, quand l'inondation survient, c'est le plus souvent celle

vers le lac de Grand-Lieu & la Loire

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station de pompage de la Pommeraie

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beauvoir-sur-mer Les principaux cours d’eau représentés ici ne constituent qu’une infime partie de l’ensemble du système hydrographique du marais, qui se ramifie jusqu’à atteindre les fossés tertiaires qui longent les prés et les anciens bassins des marais salants. L’étier du Dain est le témoin de l’ancien bras de mer qui séparait l’île de Bouin du continent. La majorité des cours d’eau du marais naissent en bordure du bocage, seul le Falleron prend sa source en avant dans les terres bocagères. Le Tenu quant à lui est aujourd’hui relié au bassin versant du marais breton par un canal. Durant les périodes de sécheresse, il permet d’amener les eaux de la Loire pour alimenter le marais en eau douce. Bien que l’on parle de marais salé pour les étiers compris entre la mer et le Dain, l’eau y est saumâtre et ne remonte jamais plus en amont.

saint-étienne -de-mer-morte

falleron


une histoire entre terre et mer

Bourgneuf

la baie de bretagne & le golfe de machecoul Île Gaudin Île St-Denis Chélevé Îlots de Bouin

Quinquennavant Ardillon

Île Boisseau

Machecoul

St-Michel

Île Jean

Île Belle Île Chauvet

Bois-de-Céné

Beauvoir Limite extrême de la baie lors de la transgression flandrienne

Limite de la baie au Xe siècle

Bourgneuf Le Collet la baie Île Gaudin

Île de Bouin

Chélevé

Île St-Denis bras de mer du dain

Machecoul

Quinquennavant

St-Michel

Île Jean Île Boisseau Beauvoir

Ardillon Belle Île

Île Chauvet

Bois-de-Céné

Les hommes sont à l'origine du marais de Bourgneuf, dont les contours ont évolué au fil des siècles, selon les utilisations et le besoin de gagner du terrain sur la mer. Mais cette installation est avant tout la traduction d'une formation géologique particulière : sur cet ensemble d’alluvions marines, des éperons rocheux se distinguent. Ce sont les seules parties véritablement stables du territoire, des affleurements de calcaire où les hommes ont jugé bon de s'installer, la nature mouvante du marais environnant étant peu propice à l'implantation d'un quelconque lieu de vie. L'aspect actuel du marais s'observe vers la fin de l'époque celtique, vers les IIIe et IVe siècles après J.-C., avec l'île de Bouin séparée du continent par un bras de mer appelé le Dain. La transgression flandrienne2 est à l'origine de la formation du marais breton-vendéen, lequel séparé en son milieu par le cap schisteux de Beauvoir-sur-mer. Deux profondes baies sont créées ; au Sud, le Golfe de Monts ou de Rié et au Nord, la baie des Ratiates ou de Bretagne, dont les eaux allaient aux pieds de l'actuelle ville de Machecoul, avec un rivage dessiné par les points hauts du bocage avec les communes des Moutiers-en-Retz, Saint-Cyr, Fresnay, Bois-de-Céné, Chateauneuf. Dans ces deux baies reposent des alluvions, dont la composition est particulièrement intéressante pour une denrée considérée comme divine dans bien des civilisations, le sel. 2 Déplacement de la ligne de rivage vers l’intérieur des terres, du à la montée du niveau des océans, il y a environ entre 10000 et 1000 ans.

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une identité liée à des hommes et des femmes Salines de Guérande la Loire

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Baie de Bourgneuf

Île de Noirmoutier

Bourgneuf

Salines de Bouin

Beauvoir

« Treize navires de pirates normands arrivèrent en Flandre pour piller, mais ils furent repoussés par ceux qui gardaient ces rivages. Toutefois, grâce à l'incurie des gardes, ils ne laissèrent pas que d'incendier quelques misérables cabanes et d'enlever quelques troupeaux. Mêmes tentatives furent faites à l'embouchure de la Seine, mais les surveillants de ce point leur tuèrent 5 hommes, et force leur fut de se retirer sans résultat. Enfin, ils furent plus heureux sur la côte aquitaine et purent dépeupler entièrement un bourg nommé « Bundium », ce qui leur permis de regagner leur pays avec un butin considérable. » -- annales d’eginhard


L'épopée du sel de la baie

Nantes

La production de sel jusqu'au VIIe siècle est principalement effectuée par un procédé ignifère : la terre des bassins saumâtres est utilisée pour saturer un bassin d'eau de mer, que l'on cuit par la suite pour en récupérer le sel. Puis c'est l'avènement des marais salants au sud de la Loire, on assiste à une course aux salines pour les monastères dont les marais deviennent très lucratifs. Dès le début du XVe siècle, les seigneurs convertissent les terres littorales en salines et s'efforcent de restaurer les marais gâts – des marais où les joncs prolifèrent par manque d'entretien. Les terres des marais sont dites tenantes et visqueuses, ce qui est excellent pour la création des bassins des salines. Les Normands sont de très grands clients, mais le succès est aussi national pour le sel du Collet qui remonte jusqu'à Reims en passant par la Seine, Rouen et Paris. Nantes gagne une importance considérable où le sel arrive par l'estuaire de la Loire ou le Tenu, un tiers des arrivages provient des marais de Guérande et deux tiers proviennent de la Baie de Bourgneuf. En 1383, ce ne sont pas moins de 20 navires qui mouillent au Collet, pour un chargement total exceptionnel cette année-là de 500 tonnes de sel. Cette effervescence sur le littoral se limite au printemps de chaque année, lorsque les navires sauniers peuvent naviguer sur une mer pas trop agitée. C'est une nébuleuse portuaire que l'on peut observer dans la baie, les gros navires au large et les petits répartis dans les ports et les étiers. Les navires espagnols chargent du sel et du poisson séché et débarquent des vins, fruits, épices et huiles. Les navires venant du nord chargent ces denrées exotiques et débarquent des poissons séchés et du lest. Le délestage est très contrôlé, car il peut amener à comCette carte est issue de l’Atlas nouveau des cartes marines ou «Neptune françois» dont la conception fut lancée par Jean-Baptiste Colbert en 1693. La représentation des salines de Bouin et de la presqu’île de Guérande est clairement identifiable.

bler les ports. On retrouve encore aujourd'hui des pierres de la Baltique ou de Scandinavie dans certaines rues anciennes de Bourgneufen-Retz. Cette activité intense sur une courte période de temps, liée à la présence de navires de toutes nationalités, entraînent des rixes fréquentes à terre comme en mer et dès le milieu du XV e siècle, il est décidé que les navires mouilleraient à un port unique en fonction de leur pavillon ; les Anglais à Bourgneuf et les Hollandais à Bouin par exemple. Mais dès le XVIe siècle, la concurrence des marais salants de Brouage se fait sentir, puis les marais méditerranéens et particulièrement ceux du Portugal. L'envasement progressif des étiers et la baisse de la production participent au déclin de l'activité des sauniers. Pendant la Révolution, le manque de main d'oeuvre entraîne une expansion des marais gâts, avec une prolifération de la russette puis de la rouche, utilisée pour les toitures et les litières des animaux. Ces paysages de sel ont formé le territoire, par l’endiguement de schorres. Techniquement, de petites levées de terre entourent des bassins où circule une fine lame d’eau selon un système gravitaire. Ce labyrinthe de bassins permet à l’eau de se charger en sel, pour arriver au puzzle des oeillets où le gros sel et la fleur de sel achèvent leur cristallisation. Aujourd’hui, ces paysages salicoles ne sont plus que des reliques dans le marais de Bourgneuf, ils ont laissé la place à d’autres activités. Parmi ces activités, l’aquaculture réutilise les bassins des salines en les remodelant pour être adaptés aux besoins des différentes piscicultures pratiquées. Les poissons s’y nourrissaient de la faune benthique, très riche dans ces marais. Cette activité ne représente qu’un temps court dans la vie du marais de Bourgneuf. L’élevage, pratiqué depuis toujours par les maraîchins, va profiter de ces terres inexploitées pour y faire pâturer les bovins et faucher les terrains qui ne forment plus alors qu’une vaste réserve de foin.

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la conquête de l’estran L'homme et ses actions dans le colmatage du marais Aujourd'hui, le marais de Bourgneuf comporte une zone externe de polders récents, une zone médiane de marais salants abandonnés dont les terrains sont fauchés ou pâturés et une zone interne de prés bas, à formes géométriques, dues aux assèchements médiévaux. « Aux environs de l'an 1000, le colmatage de l'ancien golfe, sur l'emplacement du Marais breton, était déjà marqué par de vastes schorres, établis sur une épaisseur de vase de 5m en moyenne. Du 11e au 14e siècles, furent construites les premières digues ou chaussées et les terres situées en arrière furent drainées. La zone des salines fut aménagée du 12e au 14e siècle. Les dessèchements se firent à partir du début du 18e siècle. »(J.Mounès, 1974). La formation du marais est associée au comblement de la baie de Bourgneuf, encore très actif : les eaux de la baie sont chargées en sédiments fins provenant de la Loire, qui s'y déposent petit à petit. Malgré l'érosion, on constate une moyenne de 1cm de dépôt supplémentaire par an aux lisières du marais.

Passage à gué : le Gois

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Il résulte de l'accumulation de sédiments, où deux courants opposés qui contournent Noirmoutier se rencontrent. Ainsi, au fil de la transgression flandrienne, le passage s'est exhaussé et une première traversée est faite en 843. C'est, selon l'histoire, un groupe de prisonniers échappés de Noirmoutier. La première trace écrite où le Gois est mentionné remonte à un rapport de Louvois en 1689, bien que le premier passage avéré et inscrit date de 1766, effectué par un cordonnier de Barbâtre, village d'où part aujourd'hui le Gois depuis l'île. En 1786, les premières balises refuges sont installées, emportées trois années plus tard par les glaces. Ce n'est qu'après la Révolution qu'elles sont remises, les années qui suivent verront le passage devenir plus praticable grâce à des empierrements. Ce passage était l'unique lien entre Noirmoutier et le continent avant l'arrivée du pont en 1971, l'attente durait alors plusieurs heures en été pour traverser.


Repousser la mer, gagner des terres 1700

le collet

bouin

Sur plus d'une vingtaine de kilomètres entre le Collet et la Barre-de-Monts, s'étend aujourd'hui une digue, souvent refaite et consolidée, où les marques des brèches et ruptures sont visibles. Les formes dans le marais montrent une lutte de l'homme contre la mer qui fait partie de l'histoire du territoire. Nombre de conquêtes ont été faites autrefois autour de l'île de Bouin qui est longtemps restée isolée du continent par le bras de mer du Dain. Les schorres latéraux du Dain, appelés sartières, ont été conquis par des endiguements successifs – en gris sur la carte.

la barre-de-monts

1789

le collet

bouin

Dans le secteur de la Crosnière – vert sur la carte, le rivage a été le domaine de conquêtes actives, notamment au XVIIIe siècle. Autrefois, c'était un banc de sable où des schorres se sont formées, pour être endigué en 1767, créant l'île de la Crosnière. Les endiguements définitifs étaient préparés par des chaînes de colmatage, faites de pierre non jointoyées et donc submersibles, derrière lesquelles les eaux calmes déposaient une partie de leur charge sédimentaire. Au large de la Crosnière, on peut encore observer la Chaîne à Carré à marée basse, qui a participé à la sédimentation de ces prises.

la barre-de-monts

1870

le collet b

c

d

la barre-de-monts

bouin

a

Au Sud du Collet, où l'embouchure était large, il a fallu attendre 1830 pour voir apparaître le polder de Saint-Céran (a) et 1852 pour celui de la Coupelasse (b). Plus tard, dans les années 1860, ce sont les prises des Champs au Nord (c) et du Dain au Sud (d) qui agrandissent le territoire Bouinais. Ces polders ne sont pas invulnérables, nombres d'intempéries ont déjà provoquées des submersions ponctuelles. Le polder du Dain, qui vient fermer le croissant des prises du Dain, ne sera construit que dans les années 1960.

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une histoire de maraîchins

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La vraie barrière de marais : les barons, ces perches de bois que l'on pousse par les trous des essepes (montants) dans le fossé pour ouvrir sur le champ. Les maraîchins ont été décrits dans la littérature et la peinture, depuis la fin du XIXe siècle, sous des traits qui d'abord relataient de l'insalubrité du marais, puis qui relayaient l'image d'une population indépendante et festive dont la liberté fascinait ou repoussait. Plus tard, on s'inquiète de la disparition des pratiques anciennes, des chants et des danses, de ces terres qui meurent par la fascination des villes, de la perte du parler maraîchin. Ce pays de terre et d'eau a généré une société et des pratiques uniques, que le tourisme gagnerait à découvrir. La bourrine, aujourd'hui presque une légende car devenue trop rare, est la maison tirée du sol des maraîchins. La terre pour les murs, les roseaux et typhas pour la toiture. Elle semble se confondre avec le marais, dans un mimétisme étonnant qui est unique au marais breton-vendéen. Pour se déplacer, on utilisait autrefois une yole maraîchine, que l'on appelle niole en dialecte, dont l'avant est plat et l'arrière pointu. Pour avancer, il fallait pousser sur la ningle, une perche de frêne terminée par un embout métallique. Cette même perche, terminée par

une masse en bois appelé froc, permettait aux maraîchins de passer de champ en champ en la plantant dans le fossé – à la manière du saut à la perche. Pratique réservée aux hommes, des planches de bois étaient disposées en travers des fossés pour permettre la circulation de la gente féminine. À la belle saison, les chemins de terre encore aujourd'hui appelés charrauds étaient empruntés par des chars tractés par un cheval ou un âne. Le maraîchin s'est aussi distingué pour son indépendance face au gouvernement en place. La contrebande y était très commune, certains faisaient même pousser du tabac pour le faire vendre à Nantes sous la royauté. Contre-révolutionnaires notoires, les insurgés de Bouin sont connus pour avoir été massacrés par les républicains en décembre 1793. La révolution a aussi un impact direct sur le territoire : le manque de main d'oeuvre favorise l'augmentation des marais gâts. La difficulté des conditions de vie dans le marais a créée cette solidarité maraîchine, ce fort caractère apte à braver les épreuves d'un quotidien hostile... et aussi une


fierté parfois dédaigneuse des voisins du bocage. Au milieu du XIXe siècle, une famille de maraîchins possédait en moyenne un hectare de bossis et un hectare d'oeillets – du premier on obtenait des fèves et du blé, du second on récoltait le sel. Moins le prix du loyer, on estime que les maraîchins vivaient avec 350 Francs, alors que selon une enquête impériale, il fallait 700 Francs pour vivre décemment. Alors cette population se débrouille, fait pousser patates, oignons et mogettes (haricots blancs) et pêche des anguilles dans les étiers : elle mange ainsi à sa faim. Si l'on parle souvent de la prospérité de la baie de Bourgneuf grâce au sel, il est certain qu'aucun saunier n'a fait fortune, les travailleurs du sel étaient marqués par une grande pauvreté. De nos jours, nombre de ces pratiques anciennes ont disparu, certains déplorent que Bouin ne soit plus qu’une commune parmi les 36000 autres. Mais l’esprit maraîchin n’a pas disparu et l’on entend encore le dialecte local pour peu que l’on prête une oreille attentive à ses habitants.

Le moulin de Bouin était autrefois un lieu de vie et de rencontre pour les habitants. Aujourd’hui, ce sont les éoliennes qui marquent le paysage en rendant visible le vent qui balaye sans cesse le marais.

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éléments d’un paysage marin la mer

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Une pellicule d'eau à la surface de la Terre, profonde de 3550 mètres en moyenne, occupant les trois quarts de la surface du globe, c'est ce qu'on appelle la mer. Ou plutôt, les mers, car il y a une grande diversité entre elles, des frontières, des transitions, des sous-ensembles... Salée de façon inégale en fonction des apports en eau douce (cours d'eau ou précipitations), la température des eaux de surface diminue de l'équateur aux pôles. Cependant, ces différences sont bien moins importantes qu'à terre, la mer ayant un « volant thermique » important qui explique en partie la différence entre climat maritime et climat continental. Le paysage marin, ce n'est pas simplement la mer. C'est la mer, mais aussi tout ce qu'elle touche de la terre et les interactions qu'elle a avec le ciel. Observer la mer, voilà qui fait rêver n'importe quel enfant qui a grandi proche d'une côte, qu'il devienne marin ou astronaute. Cette attirance inexplicable que l'on a pour cette étendue d'eau qui ne s'arrête que quand le ciel commence, aux formes et couleurs qui se réinventent sans cesse, c'est de cet amour dont je veux parler. Et les phénomènes, visibles et invisibles, qui régissent cet univers, les hommes leur ont donné des noms.

Syzygie : les deux astres sont dans le prolongement l’un de l’autre, leurs actions s’additionnent. Quadrature : les deux astres sont à angle droit par rapport à la terre, leurs actions se contrarient.

Reflux : la mer descend à partir de l’étale de pleine mer.

Flux : la mer monte à partir de l’étale de basse mer.

Syzygie

Quadrature


Marées Les marées imposent un rythme dans la journée. Elles battent la mesure d'une respiration marine qui est le résultat de l'attraction d'astres, une marée est la réponse de l'océan à l'attraction de la Lune et du Soleil. On peut simplifier en disant que l'amplitude des marées est fonction du rythme des lunaisons. C'est l'intervalle de temps entre deux pleines lunes et deux nouvelles lunes consécutives, qui est de 29,530 jours. Lors des pleines lunes et des nouvelles lunes (syzygie), les forces génératrices de marée s'ajoutent et l'amplitude de la force atteint un maximum, c'est lorsque la Terre, le Soleil et la Lune sont dans le même axe. Cela entraîne des marées de vive-eau, aussi appelées grandes marées (pleine lune et nouvelle lune). À l'inverse, lorsque les effets de la Lune et du Soleil se contrarient – ils forment un angle droit avec la Terre – ce sont les marées de morteeau ou petites marées (premier et dernier quartier de Lune). En Europe, on observe deux marées hautes et deux marées basses par 24 heures. L'étale qualifie l'état de la mer qui ne monte ni ne descend à la fin du flot (marée montante, on parle alors de l'étale de pleine mer) ou à la fin du jusant (marée descendante, on parle alors de l'étale de basse mer). La différence de hauteur d'eau entre une pleine mer et une basse mer consécutives s'appelle le marnage. L'amplitude quant à elle, est la différence entre la hauteur d'eau d'une pleine mer ou d'une basse mer et le niveau moyen de la mer. Le marnage est faible dans plusieurs cas : celui des mers fermées comme la Méditerranée, les îles

isolées comme la Réunion et les zones de grands fonds océaniques. À l'inverse, le marnage augmente près des côtes à cause de la remontée des fonds du plateau continental qui constitue un obstacle, que l'on appelle talus continental. La marée est une onde qui se propage à une certaine vitesse dans les océans. En abordant le plateau continental, elle ralentit et son amplitude augmente ; la configuration de la côte crée des conditions de réflexion et de résonance des ondes, renforçant ou atténuant certaines fréquences. Ainsi, le marnage sur la bordure atlantique du Golfe de Gascogne est d'environ 4 mètres, tandis que le plus important du monde s'observe en baie de Fundy au Canada où il atteint 17 mètres. La forcé génératrice de la marée est différente chaque jour, les hauteurs d'eau de pleine mer et basse mer le sont aussi. Pour la navigation en Atlantique, un réseau d'observatoires s'est construit, alliant notamment le SHOM (Service Hydrographique et Océanographique

de la Marine à Brest) et d'autres observatoires aux échelles locales et internationale. C'est le SHOM qui, depuis 1868, publie dans son annuaire les coefficients de marée. Le coefficient est un système imaginé par Laplace cette même année : un nombre sans unité qui permet de connaître l'importance du marnage, avec un lien de proportionnalité entre les deux. Par convention, on attribue le coefficient 100 au marnage moyen des vives-eaux qui suivent la syzygie, les valeurs théoriques extrêmes admises sont comprises entre 20 et 120. Enfin, la marée est à l'origine des courants de marée. D'une vitesse élevée (de 4 à 8 nœuds), ils sont principalement côtiers et ils sont plus rapides dans les passages resserrés. C'est à l'étale que le courant est nul l'espace de quelques instants. Ces courants compliquent la navigation et créent parfois des mers dites difficiles. Avec un courant rapide et une hauteur d'eau importante, les inégalités du fond se traduisent en surface par de vifs remous.

Hauteur d’eau PM

PM

PM étale

perdant ou reflux

montant ou flux

marnage

BM

étale BM 0

H

H = 6h12

Temps H = 12h25

H = 18h37

H = 24h50

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Vagues Les vagues sont des comédiennes, qui finissent leur vie tantôt discrètement en se laissant aller sur une côte à faible pente à la limite du déferlement, tantôt dans un fracas inouï où elles se brisent dans une mise en scène parfaite d'embruns comme une coiffe éphémère.

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La vie superficielle des océans est modelée par le vent, des petites rides aux vagues en passant par des ondulations et des vaguelettes. Une vague est un mouvement circulaires de l'eau, définie par sa hauteur et sa longueur, à savoir la distance verticale entre le sommet de la crête et le fond du creux et la distance entre deux crêtes ou deux creux (la longueur d'onde). Le rapport hauteur/longueur définit sa cambrure ; une vague est toujours plus longue que haute, sa cambrure devenant critique lorsque le rapport entre hauteur et longueur est de 1 pour 7. Si la hauteur continue d'augmenter, la vague se casse, elle devient déferlante et on observe un déplacement d'eau dans le sens horizontal. Au large, l'influence du fond sur la vague se fait peut sentir. Près de la terre, le fond devient un facteur prépondérant pour la vague. L'état de la mer varie ainsi en fonction des obstacles qu'elle rencontre : ses propres obstacles – houles croisées, vente contre-courant, mais aussi en fonction du profil des fonds – exemple caractéristique des « brisants » sur les hauts-fonds, des vagues qui se brisent et déferlent.

La bouteille, après avoir décrit un cercle, revient à son point de départ.

Les vagues ne sont pas un déplacement horizontal comme l'oeil a tendance à nous faire croire. L'eau se contente d'accomplir un mouvement orbital au passage de chaque ondulation. Quand le courant se dirige contre le vent, les vagues sont freinées et se retrouvent coincées entre vent et courant, elles se brisent et déferlent, formant une mer hachée. Quand le courant et le vent vont dans le même sens, les vagues s'allongent et le déferlement est réduit voire absent. Les vagues successives n'ont pas toute la même hauteur, l'état de la mer se modifie sans cesse en fonction des vitesses des trains d'ondes et de leurs périodes. En Atlantique Nord, au large, les lames ont couramment une hauteur de 3 à 5 mètres en été et 5 à 7 mètres en hiver, mais certaines vagues par mauvais temps peuvent atteindre 12 à 15 mètres, avec une longueur entre les crêtes de 200 à 500 mètres! D'autres vagues atteignent exceptionnellement les 18 mètres et certaines atteignent 30 mètres. Elles sont éphémères, extrêmement rares et résultent de la rencontre de vagues aux vitesses diverses – elles sont appelées vagues scélérates, lames monstrueuses.


crête de vague

creux de vague

H

L L

longueur de la vague

H

hauteur de la vague

À l’approche du continent, les fonds remontent, la longueur des vagues se réduit, le rapport avec la hauteur change et la vague devient déferlante.

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Houle La houle est une pulsation lente, entre 15 et 30 secondes, plus ample, qui se propage dans une direction souvent différente du vent et semble animée d'une vie propre. Les vagues deviennent de la houle lorsqu'elles quittent leur aire génératrice, c'est à dire lorsqu'elles sortent de la zone où le vent les a fait naître. Ces vagues emmagasinent une énergie considérable et ne s'atténuent que très lentement. Leur hauteur diminue peu à peu tandis que leur longueur augmente, la houle peut ainsi parcourir des centaines, voire des milliers de milles. La houle précède bien souvent les perturbations qui l'ont engendrées, car se déplaçant plus vite que le vent dans certains cas, c'est donc un annonciateur de mauvais temps. 60

État de la mer et échelle de Beaufort À chaque hauteur de vague correspond un qualificatif, un vocabulaire rigoureux pour décrire les maximums prévus pour les 24 heures à venir – bien que la prévision soit très incertaine. L'échelle de Beaufort est une évaluation graduée de 0 à 12, dont les gradations ne sont pas proportionnelles à la vitesse du vent. Belle : moins de 0,5m Peu agitée : de 0,5 à 1,25m Agitée : de 1,25 à 2,5m Forte : de 2,5 à 4m Très forte : de 4 à 6m Grosse : de 6 à 9m Très grosse : de 9 à 14m Énorme : supérieure à 14m Les hauteurs de vague se rapportent toujours à une valeur moyenne normalisée, c’est à dire la hauteur moyenne des vagues les plus hautes, qui ne représentent qu’un tiers du total des vagues observables en mer. Statistiquement, la vague la plus haute rencontrée au cours d’une navigation de plusieurs heures peut alors atteindre deux fois cette valeur moyenne...

Comparatif à terre : échelle anémométrique de Beaufort, pour une hauteur standard de 10 mètres au-dessus d'un terrain plat et découvert. 0 Calme : fumée s'élève verticalement 1 Très légère brise : direction du vent révélé par la fumée mais pas par une girouette 2 Légère brise : vent perçu au visage, feuilles frémissent, girouette en mouvement 3 Petite brise : feuilles et petites branches constamment agitées 4 Jolie brise : vent soulève feuilles et poussières 5 Bonne brise : arbustes en feuille se balancent, vaguelettes sur les eaux intérieures 6 Vent frais : grandes branches agitées 7 Grand frais : arbres agités en entier 8 Coup de vent : vent casse des branches 9 Fort coup de vent : vent occasionne de légers dommages aux habitations 10 Tempête : rare à l'intérieur des terres, arbres déracinés 11 Violente tempête : très rarement observée, ravages étendus 12 Ouragan


Altitude zéro & zéro hydrographique Le Nivellement Général de la France de Lallemand (NGF) se base sur un zéro pris au niveau moyen de la mer à Marseille en 1890, qui n'était plus valable à mesure que l'on s'éloignait vers le Nord. Aujourd'hui, nous utilisons le zéro IGN 1969, bien qu'il comporte lui aussi quelques erreurs. Le zéro hydrographique, ou zéro commun des Cartes Marines et de l'Annuaire des Marées est proche du niveau des plus basses mers. Les relations entre niveaux terrestres et niveaux hydrographiques sont définies pour des ports de référence dont dépendent des « zones de marées ». La différence entre ces deux zéros est de 2.813 m à Fromentine - le zéro hydrographique est à une altitude de -2.813 m du zéro terrestre, de 3.101 m à Noirmoutier et de 3.199 m à Pornic. La Baie de Bourgneuf est rattachée à la zone de marée dont le port principal est Saint-Nazaire et le port de référence est Saint-Gildas.

zéro hydrographique

61

10 m

5m

estran

bouin

zéro terrestre

km 0 fromentine

1

2

3

4

5


pointe du Parracaud pointe des Poloux la Coupelasse

port des Brochets

polder de la Louippe polder des Champs 62

bouin port des Champs polder du Dain lagune de Bouin polder de Sébastopol

le Gois

anciens polders de Beauvoir

la Crosnière

l’époids

beauvoirsur-mer


bourgneufen-retz le Collet

polder de la Coupelasse

fresnay-en-retz

polder de Saint-Céran

machecoul

63

bois-de-céné

km 0

1

2

3

4

5


Un espace littoral Une diversité de milieux

1

2

3

4

5

6

Sur les 35 000 hectares du marais breton-vendéen, ce ne sont pas moins de 50 000 oiseaux d'eau qui passent l'hiver, avec sept espèce de limicoles nicheurs, une situation unique en France. Les prairies omniprésentes profitent à la faune, mais cette dernière ne se laisse que rarement approcher. Ces milieux d'eau saumâtre, où eau de mer et eau douce chargée en minéraux et en matière organique se rencontrent, créent des conditions idéales à l'épanouissement d'une végétation variée.

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10

7

8

9

10

9


cordon dunaire 1 2

estran

3

polder 4

5 7

6

marais saum창tre

marais subsaum창tre 65

marais doux 8

km 0

1

2

3

4

5


Estran Le rivage commence par l'estran, cette bande de terre plus ou moins large, au bas de laquelle on approche du zéro des cartes, en haut la laisse de haute mer marque le début de la terre ferme. Sa largeur dépend de la pente de la terre, plus ou moins douce, avec des grèves caillouteuses et des plages de sable, parfois abruptes avec des falaises. Le haut de l'estran ne marque cependant pas la limite ultime de la mer ! L'estran est un monde à lui tout seul, qui peut parler des cycles de la mer pour qui sait le regarder. Ainsi l'exemple des pêcheurs des îles de Glénan qui « savent reconnaître sur l'estran le moment précis où la mer commence à monter : des flaques

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naissent subrepticement dans les trous de sable, et on sait que ce sont des flaques nouvelles parce que les particules de mica, qui ont eu le temps de sécher à basse mer, flottent à la surface. » (Le Cours des Glénans, 2002). Les types de roches et de végétation que l'on y rencontre aident à comprendre le littoral en un endroit donné : l'absence d'algues sur un estran rocheux indiquent que les vagues ne laissent pas prendre la végétation, leur présence indiquant les lieux moins battus par la mer mais animés, les algues ayant besoin d'eaux vivantes pour se développer. Les plages, constituées de sédiments fins et dont le profil est très variable, sont

le lieu de vie de nombreux coquillages, de petits crabes et de vers marins. Les vasières découvertes à marée basse révèlent leur étendue lisse mais ravinée par nombre de chenaux sinueux. Formée de particules très fines qui adhèrent au moment de l'étale de pleine mer, la vase a tendance à s'accumuler dans les endroits calmes, comme les fonds de baies abritées, les estuaires et les arrière-ports. Son odeur s'explique par la grande concentration en matière organique qui se décompose et sa consistance est bien souvent molle, tout s'y enfonce. Les marins en font un lieu d'hivernage de prédilection, où les coques de leurs navires peuvent reposer tranquillement.


Wadden et schorres - l’estran différencié Les wadden sont des étendues intertidales faites de sédiments fins à l'exclusion des schorres. Leur nature est fonction du matériel sédimentaire et des facteurs hydrographiques : agitation de la mer, courants de marée et marnage. Elles comprennent d'un côté les slikkes faites de vases, de l'autre les tanguaies faites de tangue et les étendues plus sableuses. Ces deux types de wadden se différencient par les propriétés de leurs sédiments : roulement et saltation pour les sables et les tangues, écart important entre la vitesse provoquant la mise en suspension et celle autorisant le dépôt pour les vases, une cohérence plus forte et une imperméabilité des vases. Ces propriétés influent sur la surface des estrans et sur le dessin et la forme des chenaux. La topographie des slikkes se caractérise par de vastes étendues subhorizontales plates, profondément incisées par des chenaux qui sont le caractère le plus original de la géomorphologie des slikkes. En Baie de Bourgneuf, les wadden ont une forme proche de ce que F. Verger appelle « wadden des baies ». Les pentes générales y sont très douces, avec localement des contre-pentes qui diminuent la régularité de l'ensemble. Cependant, la présence de Noirmoutier fait passer ce territoire dans la forme élémentaire des « wadden de baie frisonne », qui se forment dans les baies abritées par une île et qui ont, de part et d'autre de celle-ci, deux ouvertures vers la mer. La rencontre en arrière de l'île des flots issus de chacune des ouvertures constitue le wantij, où un faîte qui relie l'île au continent s'édifie : c'est le cas du Passage du Gois. Le caractère dissymétrique des ouvertures à la mer, très large au Nord et resserrée au Sud, déterminent un goulet de marée entre l'île et le continent : c'est le goulet de Fromentine. La profondeur de cet ombilic est supérieure à celle des fonds voisins, s'expliquant par la nécessité de livrer passage à un important volume d'eau dans un chenal étroit. >

Bécasseau

Envol d’un aigrette garzette >

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Les schorres sont les parties végétalisées et soumises à la submersion des pleines mers au moins lors des grandes vives-eaux. L'extension latérale simple constitue un mode de progression des schorres par colmatage progressif et continu d'une partie abritée du littoral. Les laisses de pleine mer constituent l'origine principale des matériaux de cette extension. Devant une digue qui aurait séparé les schorres d'origine et la mer, se forme souvent un talus comme un schorre au niveau de la fréquence maximale des pleines mers. La sédimentation de ces talus est plus fortes aux solstices d'été, quand les laisses de pleine mer sont les plus fréquentes au niveau du talus, l'agitation moyenne de la mer y est moindre et la dessication plus intense, ce qui contribue à la fixation du sédiment. De plus, la végétation des halophytes est plus fournie que lors du solstice d'hiver, ce qui participe à diminuer l'agitation des eaux. Mais la végétation peut aussi favoriser l'érosion, c'est le cas des plantes pionnières comme les salicornes et les spartines qui, agitées par le vent et la houle à pleine mer, remettent en suspension les particules qui se déposent à leur pied. Cependant, l'action colmatante et protectrice de la végétation est plus importante. Ces mêmes pionnières, installées par touffe ou par front continu, peuvent retenir une partie des sédiments qui arrivent dans la première lame du flot et favorisent les dépôts par gravité en diminuant les effets de la houle.

Pré salé : aigrettes garzettes au milieu d’un herbier de spartine maritime


Cordon dunaire La dune est un milieu en perpétuelle évolution dans sa forme, modelée par les vents et la mer. Seules quelques espèces végétales y sont adaptées et sont très sensibles aux actions humaines – un paradoxe, car ce sont les espaces les plus prisés du tourisme de masse. Largement représentée dans le marais vendéen et sur les côtes de Noirmoutier, le marais breton ne compte que la plage au Nord du Collet. Oyat et chiendent sont deux des graminées qui peuplent les sables des dunes embryonnaire et mobile, aux côtés du chardon roulant et de l'immortelle des dunes qui marquent la dune fixée. Aujourd'hui, le cordon du Collet se remet doucement de Xynthia : nombre de carrelets ont été détruits, la dune a été malmenée et des ganivelles l'aident à se reconstituer. Peu enclins à voir cette plage disparaître, les hommes y avaient déjà installé des levées de bois accompagnées de rochers pour conserver le sable en place, donnant à ce littoral un rythme marqué et souligné par les pontons menant aux carrelets.

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Polders

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Les polders ont été gagnés sur la mer pour les activités agricole et ostréicole. La vocation agricole est la plus ancienne et la plus étendue. Les digues ont permis d'avoir des terres très fertiles dans la baie, pour y cultiver le blé, l'orge, le maïs et la féverole, une culture emblématique du patrimoine maraîchin, elle fournit une alimentation de choix pour le bétail. Très peu exigeante en terme de sols et d'apports nutritifs, c'est une tête d'assolement favorable aux céréales. La forme des parcelles est très différente de celle de l'ensemble du marais où le duo polyculture-polyélevage domine, avec des champs géométriques et souvent orthogonaux, dans une logique productiviste affirmée pour simplifier l'exploitation. Les polders ostréicoles sont plus récents, suite au développement de cette pratique après la Seconde Guerre mondiale. Le polder du Dain a été achevé en 1968, après 15 ans de travaux pour achever la digue de béton. On y trouve les plus grosse écloserie mondiale, qui profite d'une nappe d'eau souterraine salée dont la température constante et la richesse en éléments nutritifs assure une bonne croissance des naissains, du phytoplancton et des microalgues. Au milieu, la lagune de Bouin est un espace naturel par défaut, laissé en l'état lorsque les bassins ostréicoles ont cessé de se développer. C'est aujourd'hui une zone compensatoire où nombre d'oiseaux viennent se reproduire, on y trouve de grandes colonies de mouettes rieuse et de sternes notamment. C'est la preuve qu'une activité économique dynamique et préservation des espaces peuvent faire bon ménage. Cependant, si ces espaces font le bonheur des oiseaux – et indirectement des chasseurs, les populations de bernaches cravant par exemple sont pointées du doigt par les agriculteurs, car friandes des jeunes pousses dans les champs à la sortie de l'hiver.

Le polder du Dain est bordé d’un parc éolien depuis 2003

marais ancien

polders récents

ferme

anciens marais salants


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Bernaches cravants dans le polder des Champs

Bâtiments et bassins ostrÊicoles du polder du Dain


Marais salé & marais doux

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La traversée d’Est en Ouest du marais marque bien le contraste entre ces deux entités. Un enchevêtrement de bassins aux formes variées, en eau ou à sec, de fossés et de chemins sinueux pour le marais salé et de grandes prairies séparées par des canaux rectilignes bordés de roseaux pour le marais doux. Le marais salé, bien que le nom suggère que ces eaux soient salées, est en réalité un marais saumâtre où les eaux salées de la mer se mélangent avec les eaux douces qui descendent du bassin versant de la baie. C'était avant 1950 le territoire des marais salants, aujourd'hui c'est une diversité de milieux halophiles dépendant du gradient de salinité, avec des différences dans les populations animales et végétales. Les bossis en herbe servent de pâturage et certaines mares d'abreuvoir, tous les anciens bassins n'étant pas reliés aux fossés tertiaires, l'eau y est plutôt douce. La scirpaie maritime, ou « rouchère » localement, est la plante principale de ces roselières saumâtres, qui sont fréquentées par des rats musqués, de nombreux oiseaux et une foule d'insectes. Si la salinité baisse trop et l'inondation se prolonge trop, la scirpaie est remplacée par le roseau ou la massette. Le marais doux comprend les parties subsaumâtre et douce, c’est un milieu d’une très grande richesse faunistique : vanneau huppé, chevalier gambette, échasse blanche, canard souchet, loutre d’Europe, triton crêté... Il qui bénéficie d’un apport en eau douce régulier, où les inondations fréquentes et nécessaires à sa qualité sont évacuées efficacement grâce au système de drainage des fossés. La prairie où s’épanouissent ces espèces forme un agro-écosystème fonctionnel avec les différents élevages qui profitent aussi de cette biodiversité.



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« … nous a esté démontré que ladicte isle est circuitée et environnée de mer, subjecte a estre submergée par les inondations, grandeur et abondance de la mer. » -- Jean de Rieux, Lieutenant-Général d'Anne de Bretagne, 12 Février 1489.


le marais de bourgneuf, site représentatif face à la montée des eaux

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le marais sous contrôle ? La maîtrise de l’eau dans le marais Système hydrographique Digues, écluses et canaux ont été construits pour contrôler, tant bien que mal, les eaux qui entrent et sortent du marais, ces circulations opposées qui s'alternent au rythme des lunes et des saisons. Les digues de mer créent un trait de côte net tandis que dans les terres les digues dormantes se reposent de ne plus être harassées par le flot des marées. Les écluses compartimentent les étiers, ces portes permettent de réguler les eaux dans le marais à différentes échelles ; de l'écluse à l'entrée de l'étier jusqu'à l'écluse à main qui permet l'irrigation de quelques 76

Écluses et barrages

parcelles attenantes au même fossé. Cette mosaïque de situations a favorisé une diversité qui est aujourd'hui tributaire de l'entretien et de la gestion traditionnelle des eaux saumâtres dont la salinité instable est le fruit du cycle des marées et des saisons. En été, les prises d'eau se font un jour avant la lune (nouvelle ou pleine), pendant 6 jours à marée haute ; l'eau est ensuite maintenue pour n'être évacuée qu'à partir du second jour après le quartier de lune (environ une semaine plus tard). Les portes restent ouvertes jusqu'à la prochaine prise d'eau, les

eaux douces du bocage peuvent ainsi traverser le marais pour se déverser en mer. Nous avons vu que lors des périodes de sécheresse importante, les eaux du Tenu, en amont de Machecoul, sont pompées pour être injectées dans le système hydrographique du Falleron et combler le déficit subit par le marais. En hiver, les prises d'eau se font aussi un jour avant la lune, pendant 3 jours ; la chasse d'eau se fait à partir du quatrième jour, les précipitations hivernales qui gonflent les canaux nécessitant d'être évacuées pour ne pas inonder le marais.


Drainée par des étiers en communication avec la mer, la surface du marais culmine presque partout à une altitude inférieure au niveau des plus hautes mers. Dans le marais de Machecoul, la surface du bri se trouve entre +1,5 et +1,9, avec des points bas à +0,2 et +0,5m. Sans les digues et les écluses, le marais serait submergé d'au moins 1m par la mer, en vives eaux, jusqu'au pied de l'ancienne rive (à +3m NGF). notice explicative

de la carte géologique de Challans (85)

L'écoulement gravitaire reste largement dominant dans le marais breton, bien que dans d'autres marais la pratique des pompages se soit multipliée progressivement, aussi bien pour apporter qu'évacuer de l'eau douce ou de l'eau salée. Cette gestion incombe principalement à des syndicats, qui se traduit sur le territoire par l'existence de nombreux ouvrages hydrauliques et la modification du réseau hydrographique. Au sein d'un réseau hydrographique, il existe plusieurs réseaux dont la hiérarchie distingue des niveaux primaires, secondaires et tertiaires et dont les finalités peuvent être différentes. Le réseau des marais salants apporte les eaux de mer aux lieux de récolte du sel par un circuit qui sature l'eau en sel, pour ensuite évacuer les eaux excédentaires après la récolte. Le drainage des zones humides s'effectue par des fossés où les eaux sont collectées pour rejoindre des canaux de plus en plus gros.

77


78

Pour chaque étier, le principe de gestion repose sur le fonctionnement de deux vannes, à la mer et amont. La gestion des vannes à la mer tient compte du jeu des marées. En saison pluvieuse, l'évacuation des eaux douces est primordiale : la vanne amont reste ouverte et l'eau douce s'accumule en arrière de la vanne à la mer. Lors de la marée descendante, la vanne à la mer est ouverte pour évacuée l'eau douce puis refermée à marée montante. En belle saison, durant l'été, la vanne amont est fermée pour maintenir une réserve d'eau douce dans le marais. Le compartiment d'étier, compris entre les deux vannes, est vidé à marée basse et alimenté en eau de mer à marée haute. La salinité y est très variable : très dessalée en hiver, cette eau devient saumâtre en été et sursale à la fin de l'été. Selon l'abandon récent ou ancien des salines, les bassins sont plus ou moins isolés du circuit d'eau salée. La gestion est alors au choix de celui qui les exploite : contrôle des entrées et sorties d'eau, maintien d'un niveau haut ou assèchement prolongé. C'est une microgestion hydraulique, régie par l'homme, créatrice d'hétérogénéité. La connaissance du fonctionnement hydraulique à l’échelle du marais – macrogestion – permet de comprendre la structure de l’espace, son hétérogénéité, mais aussi que les variations de la salinité est un facteur déterminant pour la répartition des populations végétales.

baie maritime digue de mer polders ostréicoles polders agricoles

libre jeu des marées

port ostréicole vanne à la mer ancienne saline

saumâtre

étier

saline isolée

vanne amont zone de transition (pénétration estivale d’eau salée)

subsaumâtre

canal

réseau de fossés de drainage

doux

limite du marais bassin versant

Gestion hivernale

digue

vanne à la mer

eau douce

eau salée

Gestion estivale

vanne amont

digue

vanne à la mer

vanne amont


Vanne à la mer de la Louippe

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Vanne amont sur le Falleron

Entretien du marais Les réseaux primaires et secondaires sont entretenus par les syndicats de marais, mais ce n'est pas le cas du réseau tertiaire. Les travaux sur ce dernier étaient insuffisants et les fossés menaçaient de se combler, une opération de curage a donc été lancée en 2012 et s'est achevée en novembre 2013. Le projet a été porté par les syndicats de marais de Beauvoir, de Bouin et du Dain ainsi que la communauté de communes des Pays du Gois. Le financement a été assuré à 40% par la région avec un complément de 25% du Conseil Général pour les curages sur la commune de Bouin. La part non subventionnée est à la charge des exploitants et des propriétaires. Vanne à main sur un fossé tertiaire


Les digues

80

Elles courent sur un linéaire de plus de 20 kilomètres le long des communes de Bouin et de Beauvoir. Gardiennes des terres émergées, elles sont à l'origine de ce paysage si particulier. Les techniques de construction ont évoluées, d'une simple levée de terre à un système tout en béton le long du polder du Dain, en passant par un mélange de rocher, pieux, terre et béton pour la majorité des digues de mer actuelles. Au niveau des différents ports, les digues se poursuivent le long de l'étier jusqu'à la première vanne à la mer. Dans les terres, on peut encore apercevoir les digues dormantes qui forment encore des casiers sur la partie littorale du marais. Le coût du kilomètre linéaire est estimé à environ un million d'euros, le double pour les trois kilomètres de la digue du polder du Dain. Ces ouvrages, soumis à la pression directe des marées, sont l'objet de travaux de réfection et de colmatage réguliers pour que la protection du marais soit assurée. Quant aux digues dormantes, dont on a négligé l'importance autrefois, sont aujourd'hui conservées et permettent de créer un second rempart en cas de submersion. Les digues séparent ainsi la mer de la terre, tant physiquement que visuellement. Placé sur le chemin d'entretien, seule la mer s'offre au regard – l'estran, au large Noirmoutier et la pointe de Saint-Gildas par temps clair. Depuis le marais, il n'est pas question de voir la mer, la digue fait office d'horizon, ou plutôt les digues : c'est la succession des digues dormantes et de la digue de mer. En se rapprochant, ces murs herbeux forment une barrière pour tous les sens : juste derrière une digue, on oublie les embruns, le vent y est moins mordant, le chant de la mer est étouffé et la mer... absente.

Chemin d’entretien, digue du polder du Dain


Au pied de la digue

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Digue de mer Digue dormante

La solution est toute trouvée, mais l'accès peu aisé : il faut monter sur la digue pour embrasser terre et mer du regard, la position surélevée permet de porter le regard encore plus loin au-dessus du marais.




Le marais face aux tempêtes

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Les données dont nous disposons pour les tempêtes avant l'époque moderne sont réduites, l'ampleur des événements n'étant pas toujours indiquée. Le polder de la Crosnière a été complètement submergé le 5 février 1811, puis durant l'hiver 1820, et les 23 février et 13 mars 1838. Un des premiers polders de Beauvoir a été détruit lors de la tempête du 11 novembre 1875, lors d'une marée de coefficient 84, comme la tempête du 16 novembre 1940. Cette dernière a fait des ravages dans le marais Poitevin et a franchi toutes les digues du rivage du marais breton, en ouvrant de nombreuses brèches. Le flot a été d'une telle violence que des bateaux ont été juchés sur les quais des ports, au Collet comme à l'Époids, tout comme à Pornic. Certains se sont même échoués dans les polders après avoir franchi les digues. La gravité des dommages a été accentuée par l'absence de maintien des digues mortes, dont les pierres servaient à construire les digues de mer ou les habitations. Les digues de Beauvoir, du Dain et des Champs furent ruinées, elles ont alors tenu le rôle de chaînes de colmatage derrière lesquelles un mètre de vase s'est déposé. Le polder de Champs fut reconstruit en 1962 et celui du Dain, avec un gain de 194 hectares, en 1968. Certains polders au large de la Barre-de-Monts ont simplement été laissés à la mer après cette tempête, pour y installer l’activité ostréicole - derrière, un système en rideau de plusieurs digues a été conservé afin de protéger les habitations toutes proches. Toutes ces tempêtes touchaient rarement les zones habitées, en dehors des fermes. Les terres alors submergées étaient uniquement utilisées pour l'agriculture, ce qui entraînait de lourdes conséquences économiques mais ne faisait que rarement des victimes. Les populations, habituées et surtout éduquées dans une culture du risque, savaient s'adapter à ces événements temporaires. Surtout, aucun d'entre eux n'aurait installé sa maison sur une terre qu'il savait être vulnérable aux submersions marines.

1476 Marais breton Inondations

1556 1563 1571 1572 1575 1589 1593 Baie de Bourgneuf Inondations des cultures 598 Marais breton Désertion de l’île de Bouin

1511 Bouin Inondations

1699 Bouin Vimer & inondations

567 Bouin Raz de marée épisodes tempétueux passés

1407 Le Collet Vimer

1705 Bouin Vimer & inondations 1712 1716 1724 1735 Marais breton Tempêtes avec inondations 1751 1791 Baie de Bourgneuf Typhons avec inondations

1755 1791 1798 1802 1811 Baie de Bourgneuf Submersions 1820 1838 1853 Marais breton Fortes marées et brèches 1854 1856 1859 Marais breton Tempêtes et brèches


Plan de vagues en Baie de Bourgneuf, avec une houle Ouest-Nord-Ouest. On remarque en la disparition des vagues majeures, due à la protection qu’offrent les Roches de Bouin au large du polder des Champs. On notera que la minceur de la pellicule d’eau sur un fond de baie déjà largement colmaté peut aggraver les effets de vagues.

pornic

le collet 85

85

noirmoutier

roches de bouin

1866 1867 1868 1869 1871 1875 1876 1876 Bouin Grandes marées et brèches 1882 Le Collet Affaissement des ouvrages de protection

1888 1890 1893 1894 1896 1910 Baie de Bourgneuf Tempêtes et inondations des cultures 1940 Les Moutiers, Bouin, Beauvoir Vimer, 2000 hectares inondés

1961 1962 1963 Bouin, Beauvoir Tempêtes avec brèches

1975 Bouin Rupture de digue, 800 hectares submergés 1999 Baie de Bourgneuf Inondations et vents violents 2010 Ouest de la France Xynthia


Un territoire habité habitat et maillage routier

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La répartition de l'habitat s'est faite à l'origine selon deux règles simples : la première est celle de trouver un promontoire, un socle solide sur lequel on pouvait poser les fondations du village. La seconde est celle de la proximité avec l'activité exercée : les maisons se sont éparpillées dans le marais, aujourd'hui ces habitations isolées sont des sièges d'exploitations agricoles ou d'anciens sièges convertis en maisons secondaires. Dans les bourgs, on trouve les édifices religieux, des bâtisses à plusieurs étages – édifices publics ou maisons bourgeoises et en bordure les moulins à vent. Cependant, la grande majorité de l'habitat revêt la forme de la maison basse, dont la simplicité est idéale face au climat océanique et tient bien dans le temps. Un volume simple, auquel viennent s'ajouter des appentis ou d'autres maisons, un toit à deux pans, de petites ouvertures assurent une protection efficace contre le vent et le soleil, souvent complétée par une haie de résineux laissée en port libre pour parfaire cet écrin protecteur. Les fermes, isolées ou en hameaux, avec leurs granges, sont de taille modeste dans la région. On notera la spécificité de la salorge, granges en bois où l'on stocke le sel, de construction légère adaptée aux sols instables du marais. La route principale de Bouin passe à l’Est du bourg, ce qui a préservé le caractère calme du centre-ville. Cet axe routier est celui qui relie Pornic à Noirmoutier, deux grandes zones d’attractivité pour le tourisme balnéaire. Le maillage routier dans le marais se caractérise par une grande complexité dans son tracé : routes sinueuses, nombreux culs-de-sac ou routes qui se terminent sur les chemins d’exploitation... Cela rend l’orientation peu aisée dans le marais, en dehors des ports bien indiqués par une signalétique claire.

l’époids (bouin)

beauvoirsur-mer 3900 habitants


bourgneufen-retz 3400 habitants

fresnay-en-retz 1200 habitants

machecoul 5900 habitants 87

bouin 2200 habitants

bois-de-cĂŠnĂŠ 1700 habitants

saint-gervais 2300 habitants

châteauneuf 900 habitants

km 0

1

2

3

4

5


Acteurs du territoire Les mesures initiées par l'État ou l'Europe sont appliquées par les différents services à l'échelle du territoire : Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement des Pays de la Loire et les Directions Départementales des Territoires et de la Mer de Loire-Atlantique et de Vendée. Les documents liés à la prévention des risques sont rédigés avec l'aide des différentes communautés de communes, la communauté de communes Océan Marais de Monts est l'interlocuteur principal

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de l'État en ce qui concerne le Programme d'Actions de Prévention des Inondations (PAPI). La gestion des ouvrages de protection incombe cependant aux différents syndicats, qui ont héritée des compétences de protection et de gestion du marais. Ils répartissent les financements de l'État entre eux, dans un travail collectif qui permet d'avoir une cohérence dans leurs actions sur le territoire ; à noter que chaque propriétaire foncier du marais paye une taxe qui constitue le budget des syn-

dicats. Leur direction permet de coordonner l'entretien des digues (travaux ponctuels et réguliers) et le bon fonctionnement du marais (gestion des écluses, curage des fossés et canaux). La conscience des risques de submersion et de tempêtes semble généralement présente, mais pas chez ceux qui voient les ouvrages de protection quotidiennement et qui sont sûrs de leur pérennité. Un travail d’acceptation de ce risque auprès des syndicats doit être mené, pour réfléchir ensemble et planifier l’avenir du marais.


Historiquement, les sauniers ont été les premiers aménageurs du territoire ; avec une population monastique au départ. Cette activité a été le moteur du développement économique de la région pendant des siècles, mais aussi de la transformation du territoire avec les premiers ouvrages d'endiguements et d'assèchements du marais. Au XVIIIème siècle, les marais salants sont peu à peu abandonnées, les bassins sont alors creusés et utilisés pour la pisciculture. Le marais

gagne petit à petit des terres et les systèmes de polderisation hollandais amènent à la création du trait de côte actuel. L'agriculture s'y développe et les polders sont particulièrement productifs, la terre y étant riche et propice à la culture céréalière. Il est à noter qu'au travers des siècles, les habitants ont su s'adapter et si de grandes tendances se dessinent, l'élevage et la pêche vivrière ont toujours fait partie de leur quotidien. L'arrivée de l'ostréiculture apporte un regain de l'activité liée à la mer dans la seconde moitié du

XXème siècle alors que le nombre de marins-pêcheurs ne cesse de diminuer. Le dernier acteur qui a fortement changé le paysage est EDF, avec son parc éolien qui a fait la renommée de la région car l'un des premiers en Pays de la Loire ; ce qui a amené une hausse du tourisme dans ce territoire. L'Association pour le Développement du Bassin Versant de la Baie de Bourgneuf (ADBVBB) a un statut particulier : elle est restée une association alors que son mode de fonctionnement se rapproche plus d'un syndicat. Elle couvre 41 communes en Loire-Atlantique et en Vendée. Elle porte le Schéma d’Améngement et de Gestion des Eaux (SAGE), dont la révision est en cours, prend part à la Commission Locale de l'Eau (CLE) et participe à l'élaboration de Natura 2000. Elle est principalement une initiatrice de dynamiques, dont le rayonnement permet d'obtenir des subventions de l'État qui permettent à des structures et associations plus modestes d'agir localement sur le territoire. Le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de Vendée (CAUE 85) a un rôle de conseil et de communication pour l'ensemble du département. Les agriculteurs sont aujourd’hui les acteurs principaux de ce territoire rural, l’usage qu’ils font des terres est à l’origine du paysage maraîchin. Indirectement, le tourisme transforme le territoire, par les infrastructures mises à sa disposition pour découvrir la beauté du marais.

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Un territoire protégé inventaires & outils de protection

bouin a

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ZNIEFF I

ZNIEFF II

Terrains du Conservatoire du Littoral

Réserve Naturelle Régionale Polder de Sébastopol

bouin

Sites classés Le Gois Le port du Bec

a

Le marais breton fait l'objet d'un mille-feuille de protections variées, européennes, nationales et régionales. C'est une contrainte non négligeable pour les décideurs et les aménageurs qui se heurtent à un nombre de réglementations toujours plus exigeantes. L’inventaire des Zones Naturelles d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique a été lancé en 1982 pour identifier et décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation. Deux types existent : le type I regroupe les secteurs de grand intérêt biologique ou écologique, le type II regroupe les grands ensembles naturels riches et peu modifiés, offrant des potentialités importantes. C’est un élément majeur pour la protection de la nature et qui doit être consulté pour tout aménagement du territoire. Le marais breton est intégralement couvert par cet inventaire ; on note que l’estran y est bien identifié avec ses vasières indispensables à l’avifaune ainsi que la lagune de Bouin (a), elle aussi très importante pour la nidification de nombreuses espèces d’oiseaux. Le Conservatoire du Littoral assure l’identification, l’acquisition et l’aménagement d’espaces naturels du littoral, en association avec les collectivités locales qui sont prioritaires dans la gestion de ces sites. Lorsqu’ils sont compatibles avec l’environnement, les usages sont autorisés et encadrés et l’accueil du public est parfois possible. La situation de proximité à la digue des terrains du Conservatoire du Littoral à Bouin en fait un lieu privilégié pour l’observation de ce paysage marin.


PNR Brière

saint-nazaire

Loire estuarienne nantes

Nous l'avons vu, l'Association pour le Développement du Bassin Versant de la Baie de Bourgneuf porte le Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) et Natura 2000. Le SAGE est un document de planification élaboré pour un périmètre hydrographique cohérent. Il fixe des objectifs généraux d'utilisation, de mise en valeur et de protection quantitative et qualitative de la ressource en eau, qu'elle soit superficielle ou souterraine. Celui dont le marais breton dépend comprend le bassin versant du marais breton, de l'étier de la Sallertaine et de la Taillée au Sud (Saint-Jean-de-Monts), ainsi que celui de la Haute Perche (Pornic) – cela fait un territoire de 975 kilomètres carré dont 350 de marais, pour un total de 39 communes. Le réseau Natura s'étend à l'échelle européenne et s'appuie sur deux directives : la directive « Oiseaux » relative à la protection des oiseaux sauvages et des milieux dont ils dépendent – ce sont les Zones de Protection Spéciale – et la directive « Habitat » relative à la conservation et à la restauration des habitats naturels européens – ce sont les Zones Spéciales de Conservation. Au total sur le marais breton, ce sont plus de 57000 hectares qui sont concernés, la zone Oiseaux englobe la zone Habitat.

pornic

Réserve naturelle de Grand-Lieu noirmoutier bouin

Marais BretonVendéen

Natura 2000 : Zones de Protection Spéciale

bouin

91


le Programme d’Actions de Prévention contre les Inondations

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Les Programmes d'Actions de Prévention contre les Inondations (PAPI) ont été lancés en 2002 pour « promouvoir une gestion intégrée des risques d'inondation en vue de réduire leurs conséquences dommageables sur la santé humaine, les biens, les activités économiques et l'environnement. Outil de contractualisation entre l'État et les collectivités, le dispositif PAPI permet la mise en œuvre d'une politique globale, pensée à l'échelle du bassin de risque. » La PAPI complet de la Baie de Bourgneuf a été revu et approuvé début 2014 et couvre la période 2014-2019. Nous l'avons vu, la communauté de communes Océan-Marais de Monts est l'interlocuteur principal de l'État pour ce document, mais c'est l'ensemble des collectivités locales et des syndicats du territoire qui sont impliqués, ces derniers sont généralement les porteurs de projet localement. Différentes options stratégiques sont proposées pour chacun des sites étudiés sur la surface totale couverte par le PAPI, de l'acceptation du risque sur des zones à enjeux faibles ou moyens à

l'augmentation du niveau de protection des ouvrages de premier rang3 sur des zones à enjeux forts comme les zones urbanisées, en passant par la délocalisation des enjeux, le travail sur les protections de second rang et le simple confortement des ouvrages de premier rang. Les enjeux forts sont humains : bâti dense, zones industrielles et commerciales, équipements sportifs et de loisirs. Les enjeux moyens sont humains et économiques : bâti diffus, zones aquacoles et ostréicoles. Enfin, les enjeux faibles sont économiques et naturels : prairies et terres de cultures, forêts, milieux semi-naturels, zones humides. Le PAPI analyse ainsi le territoire selon des caractéristiques variées : population humaine, activités économiques, intérêt écologique, climatologie et météorologie... Il prend en considération les événements tempétueux majeurs, comme le vimer de 1940 et la tempête Xynthia de 2010, afin d’établir la caractérisation de l’aléa de submersion marine. Ainsi, en se basant sur le Plan de Prévention des Risques Naturels

Île de Noirmoutier et Baie de Bourgneuf de 2011, le niveau d’eau retenu pour Xynthia est de +4,20 m NGF, pour une période de retour évaluée entre 80 et 150 ans. En prenant en compte cette donnée, à laquelle sont ajoutées d’autres références comme l’élévation du niveau marin à l’horizon 2100, on obtient le niveau d’eau associé à un événement extrême supérieur à Xynthia de +4,60 m NGF., pour une période de retour évaluée entre 200 et 300 ans. L’aléa de submersion est défini en fonction des hauteurs de submersion calculées, que ce soit par surverse (avec l’état actuel des ouvrages et sans brèches) ou avec brèches dans les ouvrages compte tenu de l’état actuel des ouvrages. L’intensité de l’aléa est forte pour une hauteur d’eau supérieure à un mètre, moyenne pour une hauteur d’eau comprise entre un mètre et cinquante centimètres et faible pour une hauteur d’eau inférieure à cinquante centimètres. 3 Ouvrages exposés directement aux sollicitations physiques océaniques

aléa submersion marine risque

enjeux submergés

faible

moyen

fort

faible

faible

faible

moyen

moyen

faible

moyen

fort

fort

moyen

fort

fort

Tableau de qualification du risque de submersion marine - le risque résulte du croisement entre l’aléa de submersion marine (par surverse ou par brèche) et les enjeux submergés.


bourgneufen-retz

Enjeu fort (bâti, activité économique) Enveloppe de l’aléa de submersion marine

93

Forts enjeux économiques : - parc éolien - entreprises ostréicoles - centre de recherches IFREMER

bouin

beauvoirsur-mer

km 0

1

2

3

4

5


Ressources économiques Agriculture

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En Pays de la Loire, l'agriculture représente 73500 emplois permanents, ce qui représente 5% de la population active – une valeur légèrement supérieure à la moyenne nationale. La Vendée, dont le caractère agricole est affirmé, n'est que le quatrième département de la région en actifs permanents après le Maine-et-Loire, la Loire-Atlantique et la Mayenne. Avec 13600 actifs, c'est un tiers de moins par rapport au début des années 2000, pour un total de 6200 exploitations. On constate une augmentation de la part de l'emploi salarié et une baisse de la contribution familiale aux travaux agricoles. Le secteur majoritaire est l'élevage hors-sol qui emploie plus d'un quart des actifs, viennent ensuite l'élevage de viande bovine, la polyculture et le polyélevage, les grandes cultures et l'élevage bovin pour le lait - dans les dix dernières années, le nombre de petites exploitations a été réduit de trois-quarts. En termes de surface, l'agriculture occupe 472000 hectares, soit 70% de la surface du département. Ce sont 269000 hectares en superficie fourragère (toujours en herbe, prairie temporaire et maïs fourrage confondus), 190000 hectares en céréales et oléo-protéagineux, 2800 hectares de surface maraîchère. L'élevage en Vendée, ce sont 11,5 millions de poulets, 615000 bovins, 255000 porcs. Les exploitations s'agrandissent, notamment les moyennes et grandes exploitations qui assurent à elles seules 95% de l'activité agricole. Exploitations agricoles par commune Communauté de communes des Pays du Gois : Beauvoir-sur-Mer, Bouin, Saint-Gervais, Saint-Urbain. Le nombre d'exploitations agricoles est passé de 144 en 2000 à 81 en 2010. Bouin : de 30 à 19 exploitations, pour une surface agricole en légère diminution de 2600 à 2300 hectares.

Bouin 19

Saint-Gervais 28 Beauvoir-sur-mer 16

Saint-Urbain 18


bouin

Parcelles concernées par les MAE sur la commune de Bouin. Les parcelles céréalières, aux tracés rectilignes, sont facilement identifiables. Dans le marais breton, il y a beaucoup d'indivision et une exploitation agricole peut compter des parcelles chez plusieurs dizaines de propriétaires différents. La principale utilisation des terres est en polyculture et polyélevage, avec une dominante de bovins. Les terrains qui ne sont pas pâturés sont fauchés, la demande est très grande et les terres sont immédiatement reprises après le départ d'un exploitant. Les Mesures Agro-Environnementales (MAE) sont en place depuis 1992, avec plusieurs niveaux de subventions ; les contraintes concernent la date de fauche, la fertilisation et le maintien de zones en eau. Plus ces règles sont observées, plus la subvention est élevée : de 150 euros à l'hectare pour le niveau 1, on passe à 200 euros pour le niveau 2 et 300 euros pour le niveau 3. Ces mesures, qui visent à protéger la biodiversité, ne touchent pas les polders agricoles dont l'usage d'intrants est le plus grand. La déprise, efficacement enrayée notamment grâce à ces mesures jusqu'à aujourd'hui, est encore à craindre du fait de l'âge des exploitants, dont la majorité a plus de 50 ans, mais aussi la dépendance du revenu des éleveurs par rapport aux aides montre un risque fort en cas de baisse des montants MAE. À noter que les exploitants du bocage qui ont agrandi leur exploitation en marais, pour la fauche, ne respectent pas toujours les conditions des MAE et manquent parfois à l'entretien des fossés. La baisse des montants MAE pourrait se traduire par une perte d'intérêt à exploiter ces terrains. De façon générale, l’agriculture est très dépendante des subventions et tous les exploitants s’accordent à dire que sans elles, leurs exploitations ne seraient plus en activité depuis longtemps. L’absence d’entretien entraînerait un colmatage qui bouleverserait l’ensemble du marais.

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pêche & conchyliculture

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La baie de Bourgneuf est une aire de pêche attractive : la qualité du milieu et la richesse nutritive exceptionnelle pour nombre d'espèces de poissons et les conditions d'accès facilitées par l'aspect physique de la baie, calme et de dimension réduite. Cependant aujourd'hui la pêche ne fait plus vivre, il faut aller toujours plus au large, avec des navires toujours plus grands – luxe que les marins-pêcheurs de la baie ne peuvent se permettre. Alors l'activité a fortement déclinée et aujourd'hui, les marins-pêcheurs de la baie, s'ils ne se sont pas reconvertis, sont embauchés sur des chalutiers qui vont en haute mer. Dans les années 90, on estimait que la moitié des pêcheurs exerçaient aussi en tant qu'ostréiculteurs. L'huître est le coquillage roi en baie de Bourgneuf, l'élevage de moules est pratiqué mais de façon réduite pour ne pas porter préjudice à l'ostréiculture. Autrefois abondantes naturellement, les huîtres sont aujourd'hui élevées selon deux pro-

cessus, l'un issu de captage naturel du nessain et l'autre issu de naissain d'écloserie. On retrouve des débris de coquilles dans de nombreux endroits aujourd'hui, que les dépôts soient récents – auprès des parcs ostréicoles actuels – ou plus anciens – le gisement coquillier de Bourgneuf-en-Retz s'étire le long de l'étier de la Taillée sur un demi-mètre d'épaisseur. L'huître portugaise ayant disparue en 1971, seule l'huître japonaise – dite huître creuse – est élevée dans la baie. L'élevage à plat ne se pratique quasiment plus, c'est la technique sur table (ou surélevé) qui domine. Les poches, ces sacs grillagés dans lesquels sont placées les huîtres, permettent l'élevage en individuel avec des techniques pour supprimer les jeunes huîtres qui viennent se coller aux huîtres plus vieilles, ralentissant leur croissance. Auparavant, il fallait détacher les huîtres une par une des collecteurs sur lesquels elles avaient grandi, ce qui

représentait un travail colossal et employait une main d'oeuvre importante et qualifiée. Une huître en baie de Bourgneuf a besoin de trois ou quatre ans pour être amenée à maturité, mais les deux-tiers des ostréiculteurs emmènent les poches en Bretagne ou en Normandie pour réduire à deux ou trois ans ; la baie étant trop riche en biomasse, la croissance des huîtres y est plus lente. L'affinage est largement pratiqué, c'est l'activité la plus visible sur les polders récents : les huîtres sont placées dans les claires, ces bassins où l'eau de mer est renouvelée régulièrement, pour y finir leur engraissement avant la mise en vente. Le déclin de la production ostréicole est difficilement explicable, l'appauvrissement génétique est parfois mis en avant. Il est cependant certain que tout développement quantitatif est proscrit en baie de Bourgneuf, du à une surcharge en biomasse filtrante et à la saturation spatiale de l'estran.


pornic

la bernerie

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noirmoutier

bouchots à moules

bouin parcs à huîtres

polders conchylicoles


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Les industries présentes sur le polder du Dain représentent 70% de la production française de nessain. Avec 26 entreprises de pré-grossissement, une production annuelle supérieure à un milliard de naissains, cela représente un montant global de 9 à 10 millions d’euros. Le développement de cette activité à cette localisation précise s’explique notamment par la présence d’une nappe d’eau souterraine, au droit du polder, qui est actuellement exploitée pour la production de phytoplancton et de micro algues. L’eau souterraine salée, particulièrement riche en éléments nutritifs, présente une température quasiment constante toute l’année – deux qualités excellentes pour l’aquaculture. La particularité de la nappe a amené à l’installation de l’IFREMER en 1980, c’est une des seules stations avec la Tremblade à avoir des huîtres tétraploïdes4. 4 Par croisement des huîtres diploïdes avec des huîtres tétraploïdes en écloserie, on obtient des huîtres triploïdes (trois lots de 10 chromosomes au lieu de 2 - stériles, elles ne sont ainsi jamais «laiteuses»).


marais salants La saliculture à Bouin, ce sont aujourd'hui trois sauniers. L'activité dans le marais Breton avait disparue, c'est en 1997 qu'un premier saunier est revenu s'installer à Beauvoir, puis dans les années 2000 plusieurs ont suivi. Derrière les grands noms que sont Guérande, Noirmoutier et l'Île de Ré, le sel du marais peine à se faire une place – ironie du sort pour un territoire autrefois connu dans toute l'Europe du Nord pour cette activité. Les sauniers de Bouin se concentrent sur le marché local, en vendant leur production directement aux consommateurs ou aux petits commerces de la ville. C'est le caractère local qui attire : encore plus local que le sel de Noirmoutier ou de Beauvoir, le sel de Bouin ! La production de sel est une activité qui occupe tout l'été, en fonction des précipitations, de juin à octobre. L'hiver, les salines sont inondées et le travail est interrompu. Aussi, comme les marins-pêcheurs qui exercent l'ostréiculture, les sauniers peuvent profiter de cette baisse d'activité hivernale pour travailler dans les parcs ostréicoles car c'est la période d'intense activité pour l'huître. La diversification a déjà été bien comprise par de nombreux professionnels, conscients que l'on ne peut vivre dans le marais que d'une activité unique – les anciens maraîchins, nous l'avons vu, pratiquaient de façon traditionnelle nombres d'activités pour nourir leur famille.

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Tourisme Tourisme balnéaire et tourisme « nature »

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Dans une brochure touristique, on peut lire "Tout commence avec le Gois". L'ancienne communauté de communes du marais breton, qui a changé son nom en Communauté de Communes des Pays du Gois, ne s'y est pas trompée : il fallait trouver un nom qui fasse appel à une image forte et reconnue. Quand il s'agit de tourisme en Vendée, la station la plus valorisée, toutes activités confondues dans la partie nord du département, c'est Noirmoutier; s'ajoutent Pornic et les Moutiers-en-Retz en Loire-Atlantique - au milieu semble disparaître le marais breton. Les ports aujourd'hui sont occupés par nombre d'anciens pêcheurs, qui continuent de sortir chaque jour en mer, mais aussi par une flotte de plaisance importante. La baie de Bourgneuf présente un vaste plan d'eau idéal pour la pratique de la voile et de la pêche de plaisance, fortement valorisée sur Noirmoutier. La découverte du marais peut se faire à vélo ou à pied, les chemins calmes et peu fréquentés du marais se prêtant particulièrement bien à ce type d'exploration. À vélo, les itinéraires comme ceux proposés par Vélodyssée sur tout le littoral Atlantique sont très appréciés et les 4000 participants de Vélocéane en 2013, qui a pour but de faire découvrir le Pays du Gois en famille sur un week-end, démontrent bien cet attrait. Avec 1000 kilomètres de pistes cyclables, la Vendée possède le plus grand réseau cyclable de France. Le chemin d'entretien qui longe la digue côté océan, est largement emprunté par les marcheurs à pied. Leurs véhicules sont généralement stationnés dans les ports ou sur des parkings sauvages en pied de digues (notamment près des zones ostréicoles). Cette population, attirée par l'aspect naturel du marais et la contemplation de la mer, se distingue du tourisme balnéaire plus classique. Ce tourisme alternatif attiré par la qualité d'un terroir profite aux producteurs locaux grâce à la vente directe. Les campings du secteur sont souvent une activité complémentaire pour des fermes qui valorisent alors leur production d'une autre manière. Toutefois, il faut garder à l'esprit que l'activité touristique est concentrée sur la période estivale : les infrastructures d'information touristique et les hébergements ne sont principalement ouverts qu'à cette période.

Campings (tous confondus) Information touristique Itinéraires cyclables Itinéraire cyclable en consultation Itinéraires pédestres (boucles) Chemin de Grande Randonnée 8

i


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bouin

km 0

1

2

3

4

5


Entre production énergétique et tourisme : le parc éolien

bouin

lagune de Bouin

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Jusqu'à 14 moulins occupaient autrefois le territoire de Bouin. Aujourd'hui disparus, ce sont les éoliennes qui les ont remplacé, huit géantes qui forment l'un des parcs les plus importants de France par la puissance installée – elle permet d'alimenter 20000 foyers en électricité. C'est une grande réussite pour l'économie locale, mais aussi pour le tourisme, car les éoliennes de Bouin marquent les esprits au milieu de ce paysage plat, non loin de leurs pieds passent les principaux chemins cyclables et le chemin de Grande Randonnée 8. Comment les oublier, avec une hauteur de mât de 62 mètres pour des pales de 40 mètres ? Il est à présent même question de développer l'éolien offshore en Baie de Bourgneuf, qui aboutirait à la création d'un paysage maritime tout autre. Les polémiques au sujet des éoliennes sont nombreuses. Tout d'abord, la proximité de ce parc avec la lagune de Bouin, zone d'accueil de l'avifaune, peut surprendre mais les conséquences néfastes se sont avérées négligeables en dehors de la période de construction. Récemment, des questionnements ont été levés sur le possible effet des éoliennes sur le climat – notamment dans le cas de déploiement de parcs éoliens massifs. Mais la communauté scientifique n'a pas manifesté d'inquiétude majeure devant cette éventualité, le développement de l'énergie éolienne étant encore assez restreint en France.


Pêche à pied L'estran est fréquenté par nombre de pêcheurs à pied amateurs toute l'année, particulièrement lors des gros coefficients – ils cohabitent en général plutôt bien avec les professionnels qui ne la pratiquent que de façon épisodique. Les tensions surviennent généralement en été, lorsque des milliers de touristes, peu soucieux de la notion de protection de la ressource, viennent participer à cette activité. On y ramasse des huîtres, des moules et des palourdes principalement, avec une limite de taille pour les prises et de poids pour l’ensemble de la pêche. La pêche à pied représente un attrait touristique majeur, cette cueillette a gardé un caractère d'authenticité et représente bien la richesse et la qualité du milieu. Elle constitue un atout économique pour les communes littorales. Cependant, l'absence de réglementation et de contrôle de cette activité induit des risques de gaspillage par capture de juvéniles, de détérioration de l'estran, en plus des conflits à proximité des zones conchylicoles des professionnels.

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la beauté comme ressource exploitable Un réseau régional de sites

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La Brière

Le marais de Vue

À l'échelle régionale, le marais breton s'inscrit dans un réseau de sites qui regroupent des zones humides au caractère unique. Le Parc Naturel Régional de Brière, créé en 1970, est situé au cœur de la presqu'île de Guérande. D'un grand intérêt naturel et patrimonial, on s'y déplace à nouveau aisément en barque à fond plat que l'on dirige à la pigouille depuis que les canaux ont été réhabilités. Tout le long de l'estuaire s'étendent des zones humides pâturées et fauchées, avec le marais de Vue sur la rive gauche de la Loire, par lequel passe le Tenu. En le suivant, on atteint la Réserve Naturelle de Grand Lieu. Plus grand lac de plaine de France, il est méconnu, malgré la grande richesse en oiseaux et poissons qu'il recèle. Enfin, la Réserve Naturelle Régionale du Polder de Sébastopol. Il a été appelé ainsi car achevé en 1856 après la victoire de Sébastopol en 1855. La dépression circulaire que la digue contourne est originelle, les constructeurs ont préféré bâtir autour de l'ombilic plutôt que de le combler lors de l'endiguement. C'est aujourd'hui un modèle dans la politique de dépoldérisation pour le littoral atlantique. Tous ces espaces, situés à une heure de Nantes en voiture, participent à la renommée de la région en terme de tourisme « vert » où le marais breton a une place légitime.


PNR Marais de Brière

saint-nazaire

Estuaire de la Loire

Marais de Vue nantes

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pornic

Réserve Naturelle de Grand-Lieu

noirmoutier

Marais breton

RNR Sébastopol

km 0

5


« Soupçonnons-[le naturaliste] fortement d’aimer ce marais avant même d’avoir calculé cette productivité [biologique]. Et soupçonnons les autres de continuer à le détester malgré les résultats du calcul. » -- François Terrasson, La peur de la nature.

Manifeste pour le marais breton

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Il est dit que l'artiste est celui qui peut déceler de la beauté en toute chose. L'artiste, c'est l'enfant qui est encore en nous. Alors je revendique la part d'enfant qui est en moi, en tant que paysagiste, pour rappeler à tous les observateurs de ce marais, que la journée soit ensoleillée ou pluvieuse, que chacun peut porter un regard appréciatif sur le marais breton. S'émerveiller de la nature, bien que le marais ait été retravaillé maintes et maintes fois par l'homme. Mais la nature s'y adapte, s'y développe et s'y plaît. Une beauté paisible, modeste, que l'on peut embrasser d'un seul coup d'oeil mais où les détails ne se révèlent que petit à petit, brisant l'apparente monotonie. S'émerveiller du combat incessant mené par ces hommes bâtisseurs, de la digue de mer, de ces activités qui se perpétuent malgré le risque de submersion que tous connaissent, craignent et vivent avec. Prendre le temps d'écouter ce que les hommes de ce territoire ont à nous dire à propos de la nature. Qu'ils soient marins, pêcheurs, ostréiculteurs, sauniers, chasseurs, éclusiers, agriculteurs, tous partagent cet amour de ce que le marais offre. S'émerveiller du caractère éphémère de ces terres en-dessous du niveau de la mer. Pour l'agriculteur, ces terres émergées sont un acquis, pour le géographe, ces terres sont temporairement empruntées à la mer ; propriétaire intransigeante, on ne saurait la tenir éloignée indéfiniment. S'émerveiller des changements qui ont eu lieu, qui ont lieu et qui vont avoir lieu. C’est aussi ça, la beauté d’un marais. Un espace en constante évolution, où l’homme joue un rôle, tant en le modelant à sa guise qu’en observant les transformations auxquelles il ne peut rien ou presque.


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4 108


imaginer le futur du marais 109

« Nous sommes tous des Terriens, et, devant le péril du réchauffement de la planète, il faut s’organiser autrement. Vite. [...] C’est le temps du changement. À réussir. » -- Hubert Reeves, Réfugiés climatiques.


l’état actuel de la réflexion sur l’avenir des zones littorales Jusqu'au début du second millénaire, les zones humides littorales de France n'avaient connu aucune conquête, contrairement aux forêts intérieures qui avaient déjà fait l'objet d'une exploitation depuis le Néolithique. Ces territoires n'étaient alors fréquentés que par des pêcheurs de poissons et de coquillages et des chasseurs. Puis, les rivages de la mer et des estuaires ont été aménagées, tandis que les parties internes des marais littoraux ont été asséchées. Ce mouvement s'est accéléré au XXe siècle et la prise de conscience de la valeur et de l'utilité des zones humides littorales n'a été que très, voire trop tardive.

la protection des terres

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De nos jours, la politique dominante dans les collectivités est celle de la protection des espaces gagnés sur la mer, coûte que coûte. Les élus locaux de territoires comme celui de Bouin basent une grande partie de leur programme sur l’assurance d’un maintien des ouvrages de défense contre la mer. À l’échelle de l’État cependant, par le biais des Plans d’Actions pour la Prévention des Inondations, les appels à projet en faveur de solutions alternatives apparaissent. Quelles sont donc les mesures adoptées lorsque la solution de la conservation des prises littorales est choisie ? > la surélévation et le renforcement des digues de mer, la restauration des digues dormantes > le réaménagement et le recalibrage des ouvrages réglant les écoulements à la mer > le pompage assurant le drainage malgré des conditions gravitaires peu favorables ou même défavorables en cas de montée importante du niveau de la mer Les conséquences apparaissent maîtrisables, mais elles ont un coût que les collectivités ont du mal à supporter.

Digue de la Louippe, récemment renforcée


l’évolution des perceptions Prise de conscience Depuis quelques décennies, la question de la poursuite de ces conquêtes sur la mer se pose et plus récemment, celle du retour de ces polders à la mer et de la reconstitution des zones humides. La déprise salicole en Méditerranée a laissé des aménagements hydrauliques d'une grande richesse écologique pour l'avifaune que l'on essaye aujourd'hui de conserver. Les marais salants atlantiques, avec une production beaucoup plus modeste, ont misé sur la qualité et l'intérêt touristique d'une pratique artisanale emblématique, même si cette activité est presque anecdotique dans le marais breton. Quant aux polders agricoles, leurs rendements ont baissé au fil des années, ils ne peuvent plus concurrencer les exploitations du continent mais restent toujours les terrains les plus productifs du marais. Cette dévalorisation des conquêtes a ainsi participé à faire émerger la conscience d'une valeur écologique des zones humides littorales. Les associations d'ornithologues d'abord, puis les naturalistes, ont constaté la grande productivité des schorres, qui se placent en première position des écosystèmes de la planète, avant même l'agriculture irriguée ! L'alimentation de la faune littorale dépend pour beaucoup de la biomasse de ces milieux, qui ont aussi une fonction épuratrice reconnue. L’exemple de l’épuration et le traitement des eaux en aval d’un bassin versant est frappant : les marécages à cyprès chauves de Floride éliminent 95% de l’azote et 97% du phosphore présents dans l’eau avant même qu’elle n’atteigne la nappe souterraine ; un cas similaire a été observé par le marais qui s’étend sur 8000 hectares à l’Est de Calcutta.

Polder de Sébastopol

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Premières actions Des associations se sont formées partout en Europe du Nord durant le XXe siècle ; au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Allemagne, ces grands conquérants de terrains sur la mer et plus tardivement en France. Au début, on assiste à la non-récupération de polders envahis par la mer, puis les opérations qui autorisent ou favorisent un retour à la mer se multiplient. Ces mesures sont accompagnées de système de contrôle et de limitation de la pénétration des eaux marines, à l'instar du système adopté pour le polder de Sébastopol au Sud de Noirmoutier. Cela nécessite un entretien suivi de la digue qui est alors cernée par les eaux des deux côtés, le mouvement de l'eau étant nécessaire au maintien de la biodiversité sur un site « fermé ». Toutefois, il existe des cas où l'on laisse la mer pénétrer librement par une brèche dans la digue : les digues dormantes deviennent alors digues de mer – elles sont moins solides et doivent être remises en état. La biodiversité constatée à l'intérieur du polder est très favorable au développement des poissons. Enfin, la digue est parfois supprimée ; c'est une solution coûteuse, où le paysage maritime est restauré tout en accroissant la qualité biologique du milieu littoral. Ces politiques de retour à la mer sont à l'encontre de nos traditions, elles heurtent l'opinion publique et dans la plupart des cas en France, c'est le résultat d'une initiative de la mer que l'homme a su exploiter.

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Polder de Sébastopol


L’exemple de la rivière Skjern La vallée de la rivière Skjern, au Danemark, a connu deux aménagements de ses zones humides tout à fait opposés au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. Dans les années 1960, le plus grand projet de drainage du Danemark y est réalisé, ce sont plus de 4000 hectares de plaines et marais qui sont transformés en terres arables. D'un point de vue paysager, c'est le passage d'une transition douce de la plaine aux zones humides littorales au contact de la mer à un territoire de canaux rectilignes et de digues. Puis en 1983, le parlement danois va prendre la décision de recréer ce milieu littoral, en s'inspirant de son état originel. Les travaux seront finis en 2002 ; 2200 hectares de terrains agricoles exploités pendant trois décennies sont transformés en lacs, marécages, plaines et cours d'eau aux multiples méandres. La rivière Skjern, sur ce tronçon, passe d'un tracé de 19 à 26 kilomètres. L'entièreté de cet espace est la propriété de l'État danois, à l'exception de quelques terrains dont les propriétaires profitent de compensations financières pour la perte de terres cultivables. Seul 1,5% des terres ont été préemptées, les propriétaires ont accepté cette grande opération de renaturation avec facilité, ils ont par ailleurs bénéficié de terres en dehors de la vallée de Skjern. Aujourd'hui, la rivière Skjern, de par son caractère naturel, est le lieu d'habitat d'une flore et d'une faune très diversifiée ; de plus, la capacité épuratoire a été amplifiée et les eaux en aval sont aujourd'hui de meilleure qualité et cela en fait une très bonne zone tampon contre les assaults marins. L'ampleur des travaux est exceptionnelle en Europe, ce qui draine un flux de touristes très important qui représente aujourd'hui un potentiel économique majeur pour les deux villes à proximité, Skjern et Tarm.

1871

skjern

tarm

1998 skjern 113

tarm

2002 skjern

tarm

En rouge, la zone concernée par la renaturation et en vert les zones humides. Trois ans de travaux seulement auront été nécessaires. L’ensemble des infrastructures pour le tourisme ont été finalisées en 2005.


les pratiques culturales Un marais en perdition

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L'association de la polyculture et du polyélevage, jusqu'au tournant des années 1970, nourrissait les paysans sans qu'aucune exploitation ne disparaisse et assurait à l'Europe son autonomie alimentaire. C'est le système qui est encore aujourd'hui pratiqué dans le marais breton : les exploitants possèdent des terres dans le marais pour le pâturage et le fauchage, avec des terres sur les polders récents où sont produites des céréales utilisées majoritairement pour nourrir le bétail. Ce n'est cependant plus un système viable : les exploitants reposent sur les subventions pour maintenir leur activité, c'est un territoire où déjà autrefois on survivait plus qu'on ne vivait. Beaucoup de ces exploitants pratiquent déjà la vente directe, qui est reconnue pour valoriser les produits des terroirs et limiter les coûts de transport. Quant aux métiers liés à la mer, le bilan n'est lui non plus pas réjouissant. Les marins-pêcheurs de Bouin ont disparu, ce n'est plus une activité de laquelle on peut vivre décemment. L'ostréiculture profite encore de sa capacité à pouvoir faire grossir ses huîtres dans des parcs bretons ou normands, mais la mécanisation galopante de cette activité et la mortalité importante (dont la cause reste incertaine) rendent les ostréiculteurs inquiets. Les sauniers ont pour leur part une activité très voire trop réduite qui ne permet pas non plus à l'exploitant de vivre. Pour tous ces métiers, on observe de nombreuses reconversions ou une diversification. Plus question de n'être que saunier, il faut être saunier l'été et ostréiculteur l'hiver, marin-pêcheur sur de grands chalutiers l'été et travailler aux claires l'hiver...

L’exemple de l’Île Madame La diversification des activités, pour la ferme aquacole de l'Île Madame, c'est une évidence. Sur l'estuaire de la Charente, c'est une petite île de 75 hectares accessible uniquement par un tombolo5 à marée basse. La ferme installée là pratique l'aquaculture la saliculture : huîtres et palourdes nourries de phytoplancton présent naturellement dans les eaux de l'estuaire, élevage de bars en extensif, production de sel et de salicorne... mais elle est aussi ferme auberge et ferme pédagogique ! 5 Tombolo : passage naturel de sable et de galets

Polder des Champs, Bouin >


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enjeux d’un territoire en mutation trois réalités climat Le changement climatique, par la seule approche de la montée du niveau des océans, semble un problème lointain. Il s’agit de considérer ce changement dans un ensemble qui apporte son lot de tempêtes plus récurrentes ; les 20 centimètres supplémentaires du niveau de la mer d’ici 25 ans seront suffisants pour provoquer des dégâts toujours plus importants. La gestion du risque de submersion est primordiale, par un travail d’anticipation, de préparation.

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économie Les activités agricoles et aquacoles survivent, le tourisme est la nouvelle priorité malgré l’absence notable de moyens pour le développer. Entre ceux qui vivent du territoire et ceux qui vivent le territoire ponctuellement, un lien est à explorer, à développer et à exploiter. Tout en préparant ce système économique à évoluer pour s’adapter aux évolutions du paysage dans les années à venir.

beauté Le paysage du marais est unique en son genre mais pas fixé, ni dans le temps ni dans l’espace. Le jeu de domestication qui existe entre l’homme et la nature va continuer, pour voir ce paysage évoluer, des sous unités paysagères s’étendre, se rétracter, disparaître ou naître. Tant qu’elle sera regardée, la beauté du marais breton ne cessera pas d’exister.


échelles de temps long terme > accepter ou refuser la migration de l’Homme En regardant suffisamment loin dans le temps, il apparaît comme certain que le marais breton sera repris par la mer. Un choix est à faire : continuer à lutter ou se familiariser avec cette idée, apprivoiser le changement et anticiper cette migration pour éviter le traumatisme d’une catastrophe. Mon travail prend position sur l’acceptation de la migration, en travaillant avec les hommes sur plusieurs générations pour retirer, petit à petit, ses habitations du marais et pour faire évoluer les usages dans le marais. Un territoire n’a pas besoin d’être habité pour vivre, les activités humaines y seront toujours présentes mais différentes d’aujourd’hui. Le marais breton et ses hommes vivront à un nouveau rythme.

court terme > la beauté comme force > les leviers économiques : agriculture et tourisme Dans l’immédiat, les activités humaines ne doivent cesser, il s’agit de renforcer la vie dans le marais pour que ses acteurs se préparent et préparent le territoire au changement. Les investissements sur ce territoire sont la clé d’une évolution réussie, qu’elle favorise la migration ou non. Travailler d’abord avec les acteurs qui ont un impact direct sur le territoire - agriculture et aquaculture - puis avec les vecteurs de l’information du changement - touristes et consommateurs. En mettant en avant ce que tous ces usagers partagent : l’amour du paysage du marais breton, actuel et à venir.

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le long terme Vouloir regarder sur le long terme sans admettre la notion d'utopie, c'est vouloir inventer le futur sans se laisser porter par un rêve pour le territoire. L'utopie réalisable6 met en tension tous les aspects tangibles d'un projet avec les aspects inventifs de l'utopie, pour aboutir à la mise en place d'une stratégie qui va tendre vers cet objectif. En rêvant d'un idéal pour le marais breton, j'imagine le retour de la mer dans quelques siècles. J'imagine une migration7 sans heurt, d'hommes et de femmes qui embrassent la mobilité à mesure que leurs activités progressent dans les terres. Ces acteurs disposent de temps pour apprivoiser l'espace sur lequel ils s'avancent 118

et qu'ils laissent à la mer le temps des marées hautes. J'imagine une observation raisonnée du bâti qu'ils laissent derrière eux, un choix assumé de conserver ce qui sera un jour une ruine sur laquelle le spectateur projettera son imagination. Regarder sur le long terme, c'est aussi et surtout admettre le caractère imprévisible des événements et se laisser porter par une image. L'exercice d'anticipation offre un scénario parmi une multitude de possibilités, les facteurs dont il dépend sont si nombreux et changeants qu'il est très improbable que l'avenir ressemble vraiment à cette représentation. J'accepte la limite de l'avancée de nos connaissances à ce jour et

j'admets ainsi des paramètres pour les siècles à venir. Sur la période 2014 – 2100, on estime une augmentation de 80 centimètres du niveau des océans ; puis de 110 centimètres sur la période 2100 – 2200 et de 150 centimètres sur la période 2200 – 2300. La température des océans tout comme celle de l'atmosphère va gagner quelques degrés Celsius, entraînant un évolution de la faune et de la flore. Dans le même temps, les événements météorologiques extrêmes vont se multiplier pour tendre vers un climat que des scientifiques qualifient « de plus en plus étrange », de plus en plus imprévisible. 6 & 7 Voir compléments en annexe


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Alors que verra-t-on dans le marais breton ? Le XXIe siècle sera celui de la prise de conscience, de l'acceptation de la migration. Les activités développées sur le littoral vont se retirer petit à petit vers l'est, c'est une bande qui va progresser terrain par terrain à mesure des acquisitions de l'État des terres les plus occidentales. La digue de mer sera conservée et entretenue, les digues dormantes seront renforcées pour recréer un système de casiers, efficace dans la compartimentation et la protection des terres en cas de submersion. L'eau de mer rentrera dans le marais de plus en plus loin dans les canaux et fossés pour que les activités liées à la mer puissent avancer vers le bocage. Le milieu du XXIIe siècle marquera un tournant dans l'histoire : le centre de Bouin, dont la couronne pavillonnaire aura été détruite, va retrouver son

statut d'île lorsque les digues de mer actuelles seront abandonnées à la mer. Accessibles seulement à marée basse, les bâtiments de pierre régneront sur un paysage de schorres où les hommes feront pâturer les bêtes, les chasseurs profiteront de cette étendue où le gibier foisonne, les pêcheurs passeront les marées hautes dans leurs cabanes sur pilotis disposées le long des chenaux du marais visibles uniquement lorsque la mer se retire. Le XXIIIe siècle verra le Dain s'élargir et se gonfler d'eau de mer, renforçant le statut insulaire de Bouin. Avec une température moyenne supérieure de 10°C à aujourd'hui, le fort ensoleillement vendéen de la « côte de lumière » et les conditions de salinité, une végétation nouvelle pourra émerger dans le marais breton : une variété de mangrove8. Élevage, chasse et pêche auront toujours

leur place dans ce paysage que l'on pourra admirer depuis les habitations installées sur le belvédère qui forme la limite entre le bocage et le marais. Le promontoire rocheux du bourg de Bouin stable, on pourra voir la flèche de l'église se démarquer à l'horizon, aux côtés du parc éolien agrandi au fil des siècles. Opération pionnière à l'échelle de la France, le marais breton aura acquis une renommée par son caractère novateur d'acceptation du changement climatique, par la réussite d'une migration anticipée et l'apprivoisement de ce nouveau paysage littoral.

8 La mangrove nécessite une salinité élevée, un sol instable vaseux, un température moyenne supérieure à 18°C - ce scénario admet une température moyenne minimum anuelle de 19°C et une température moyenne maximum anuelle de 27°C.


le court terme Schéma d’intentions

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Dans une vision à court terme, définie dans les trois prochaines décennies, il est question de la gestion du risque acceptable. Deux groupes se distinguent : l’agriculture et l’aquaculture d’un côté, les touristes et consommateurs de l’autre, mais le travail sera porté sur l’articulation des deux pour amener un projet de paysage qui renforce la dynamique du territoire. Mobilité9 et développement durable10 sont les mots clés dans ce travail d’anticipation : interagir avec la population pour faire émerger ces notions est primordial. Penser le territoire dans un espace et une temporalité toujours changeante, pour y développer un programme d’actions qui fasse du marais breton un site pionnier dans les démarches d’adaptation d’un territoire aux menaces auxquelles il est confronté. 9 & 10 Voir compléments en annexe

Agriculture & aquaculture : acteurs directs sur le territoire & le paysage

Touristes & consommateurs : observateurs du changement, vecteurs de l’information

Dans ce contexte de risque de submersion, les cultures actuelles ne sont pas adaptées à cette contrainte. Favoriser un usage des sols qui ne soit pas tributaire des subventions et qui ne pâtisse pas trop de la submersion, c’est passer par l’adoption de nouvelles pratiques culturales. Les subventions, dans l’incitation à ces nouvelles activités, seront toutefois presque indispensables dans un premier temps. Une diversité de pratiques, à l’image de la grande diversité qui fait la qualité des zones humides, sera encouragée : production d’algues et de naissains, pisciculture, élevage de crevette, conchyliculture, saliculture, production de salicorne, pâturage en pré salé, pâturage sur les digues dormantes, pâturage classique, fauchage, cultures céréalières.

Les usagers du territoire prennent conscience des changements en cours lorsqu’on leur montre comment l’agriculture et l’aquaculture s’adaptent aux risques et aux aléas de submersion. Un travail de communication dans le territoire est nécessaire pour mettre en avant la diversité des pratiques, faire comprendre les raisons et l’utilité de cette démarche territoriale et paysagère. Les itinéraires de découverte du marais, piétons ou cyclables, seront valorisés. En les reliant et les ramifiant, ils desserviront les infrastructures destinées à accueillir le public et les points d’intérêt, tant pour les touristes que pour les potentiels consommateurs dans une démarche de circuit court ou de vente directe.

cercle destructeur

cercle valorisant

Agriculture non adaptée

Diminution des ressources

Déclin du tourisme

Mauvais usage des sols et du marais

Arrêt de l’entretien des canaux

Investissements locaux sur le territoire Synergie des usages locaux Développement touristique

Dégradation de l’image du marais

Agriculture adaptée, diversification des productions

Usage des sols optimal

Entretien des canaux et du marais

Valorisation des productions


éo

lie

nn

es

clocher

Frange expérimentale du littoral avec les trois sites pilotes

Progressions des activités de la frange

Découverte du marais par le Dain et la baie

le dain

Sur la base d'une frange littorale, à savoir la plus exposée au risque de submersion, trois sites pilotes sont les guides qui initieront la migration qui s’étendra et s'allongera dans le marais. Sur ces sites s'installeront l'expérimentation de nouvelles pratiques. Des infrastructures inciteront à la découverte et favoriseront les opérations de communication et les démarches pédagogiques pour la compréhension du fonctionnement du marais. Cette évolution en termes d'occupation du sol et du paysage sera appuyée par des événements visuellement identifiables, en tirant partie du potentiel de vision lointaine dans le marais. La création d'appels visuels pour stimuler l'intérêt et la curiosité chez les promeneurs renforcera la dynamique d'exploration du marais.

Appels visuels existants

Appels visuels à créer qui se détachent sur l’horizon : boisements, structures ponctuelles... Portes de l’île : infrastructures d’accueil de public liées à l’exploration du marais avec des modes de déplacement «doux» (vélo, canaux...) Liens visuels, à l’intérieur du site pour guider les balades et depuis l’extérieur pour inviter à la découverte du marais

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les sites pilotes, un travail de transition et de découverte Le Collet

La pointe des Poloux

De la lagune de Bouin au Dain

C'est le lieu du mariage de deux tourismes : le tourisme balnéaire friand de plages de sable et le tourisme amateur d'espaces naturels et de balades dans des milieux calmes et peu fréquentés. Point d'accroche au nord du marais, sa proximité avec les Moutiers-en-Retz et Bourgneuf-en-Retz permet d'attirer un tourisme en quête de nouveauté. Il constitue une porte d'entrée sur le littoral du marais et sur l'intérieur du marais grâce à l'ancien bras de mer du Dain, en imaginant une infrastructure de plaisance nautique qui permettrait de découvrir le territoire par son cœur, à savoir les canaux qui font vivre le marais.

Un ensemble de terrains, propriété du Conservatoire du Littoral et de la Ligue de Protection des Oiseaux, en contact presque direct avec la mer – seules une route et la digue les séparent. Aujourd'hui exploités en pâturage et fauchage, c'est le lieu des premières expérimentations de nouvelles pratiques culturales sur des terrains où l'aléa de submersion marine est très élevé. C'est un site exemplaire pour son rapport privilégié à la mer, accessible facilement et bénéficiant d'une bonne visibilité de par sa proximité au port des Brochets.

Sur un itinéraire de quelques kilomètres se déroule presque l'entièreté des usages et paysages observables actuellement dans le marais breton : l'espace naturel de la lagune de Bouin (a), la production ostréicole (b) et les écloseries (c), l'exploitation des énergies renouvelables avec le parc éolien, les cultures céréalières sur les polders récents (d), la pêche au carrelet dans les étiers (e), l'agriculture dite extensive avec l'association polyculture / polyélevage (f), la production de sel (g), le bourg de Bouin et enfin une ferme auberge qui regroupe élevage diversifié et hébergement (h). Le parc éolien est un atout de taille, sa visibilité unique permet d'attirer le flux touristique du sud du marais, provenant du marais de Monts et de Noirmoutier.

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agriculture tourisme

protection espaces naturels

Chemins guidant l’exploration du marais. Ils s’appuient sur des éléments d’intérêt qui ponctuent leur tracé, selon l’exemple de celui qui mène de la lagune de Bouin au Dain. Un maillage secondaire reliera ces itinéraires à la route départementale qui traverse Bouin, puis aux routes qui se prolongent dans le marais vers le bocage, en utilisant les voies carrossables, cyclables et piétonnes existantes.

tourisme

agriculture

agriculture

tourisme

protection espaces naturels

Marquer le passage du Dain, l’entrée sur l’île de Bouin par des infrastructures invitant à la découverte du marais


le collet

pointe des poloux

le f all er o n

point info g e d

f

h

b

lagune de bouin a

le dain

c

km 0

1

2

3

4

5


le collet La proximité du Collet avec des sites très fréquentés comme les Moutiers et Bourgneuf en fait un lieu privilégié pour l'implantation d'une infrastructure de découverte et de loisirs sur la partie nord du marais. La situation actuelle du port permet d'y installer des hangars et un embarcadère pour les différentes embarcations : canoës, barques, dériveurs, catamarans, planches à voile... La navigation dans la baie n'est possible qu'à marée haute, tandis que l'on peut remonter le Falleron toute la journée. Un système de balade à la journée, où l'on emmène les usagers et les embarcations sur un des autres sites présents le long du Dain (les différentes « entrées » de l'île) - ils effectuent le retour à la base sur le Dain. L'entourage immédiat de la base nautique permettra d'accueillir les véhicules des touristes ainsi qu'un éventuel camping d'appoint qui profiterait de l'infrastructure de la base. Le point d'observation au bout du port du Collet réutilisera le vocabulaire de la jetée en bois des cabanes de pêche au carrelet. Celui du polder de la Coupelasse profitera de la digue pour permettre aux promeneurs de prendre de la hauteur et prendre connaissance des appels visuels présents dans le marais.

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Depuis le Collet, regard vers les éoliennes


a

l e fa l

b

l er on

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polder de la coupelasse

m 0 Accueil du public (stationnement...) Espace de conservation : dune (a) et schorre (b) Découverte nautique du marais (mer & canaux) Découverte terrestre du marais (randonnée & cycles) Embarcadère Hangar pour les embarcations nautiques Points « observation & pédagogie »

100 200 300 400 500


la pointe des poloux La pointe dispose d'un espace de pique-nique et de stationnement qui permettra d'accueillir le public pour découvrir les nouvelles pratiques culturales mises en place sur ces terrains, en partenariat avec le Conservatoire du Littoral et la Ligue pour la Protection des Oiseaux qui en sont les propriétaires. Le travail sur le réseau hydrographique des canaux et fossés sera mis en scène pour révéler le fonctionnement de cette nouvelle gestion et le nouvel usage des sols par l’agriculture et l’aquaculture qui s’y installeront prés salés et bassins piscicoles dans un premier temps. Cette mise en scène appuye l’acceptation du retour de l’eau sur les terres et la gestion du risque par la création de levées qui délimitent des casiers pour freiner et maîtriser d’éventuelles submersions. Le premier point d'observation de la pointe pourra être multiple et se poser sur les vestiges de bunkers, tandis que le second sera placé sur la digue. Ils participeront à la compréhension du chemin de l’eau, comment et par quels moyens ses entrées et sorties sont aménagées et utilisées. En ayant une vision globale de cet ensemble fonctionnel, on ne perd pas de vue que c’est le lien à la mer qui permet de faire vivre ce territoire et de développer cette activité humaine.

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Les bunkers


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m 0

100 200 300 400 500

Accueil du public (stationnement...)

Terrains d’expérimentation des nouvelles pratiques

Découverte terrestre du marais (randonnée & cycles)

Canaux et fossés à gestion hydraulique modifiée

Points « observation & pédagogie »


la lagune de bouin

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L'accessibilité au site constitue le principal enjeu sur ce site. Retravailler les accès, qu'ils soient carrossables, cyclables ou piétons, pour permettre une meilleure lisibilité de la lagune. Le franchissement des canaux et de la lagune se fera par des passerelles qui permettront de relier directement le chemin d'entretien de la digue aux stationnements. L'accueil du public va s'appuyer sur les stationnements déjà existants au pied des éoliennes, un troisième espace pourra être aménagé sur un espace vacant jouxtant la lagune. Le point d'observation du nord-est sera placé sur une structure surélevée pour donner à voir sur la mer au-delà de la digue. Le second point sur la digue pourra être prolongé par d'autres cabanes discrètes pour l'observation de l'avifaune.


c d

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Accueil du public (stationnement...)

Découverte terrestre du marais (randonnée & cycles)

Milieux à observer : slikke (c) et lagune (d)

Passerelles

Points « observation & pédagogie »


conclusion


« Désormais, Bouin n’est plus qu’une des trente-six mille communes de France, son individualité disparaît. » -- Léon Dubreuil

Il n'y a de possibilité d'avenir que dans une vision durable de ce que l'on construit. Durable ne veut pas dire pérenne, ni fixe, encore moins éternel. La résilience des milieux, c'est la résistance à un événement extérieur défavorable auquel on s'adapte. Dans un futur proche, l'augmentation du risque de submersion marine ponctuel, dans un futur plus lointain, celui de la rehausse du niveau des océans. Cette échéance, dont nous devons prendre conscience, est exaltante, elle excède les limites de l'imagination humaine et peut la prendre de vitesse, voire la terroriser. La terreur pousse parfois à aller à l'encontre de la logique, de l'acceptation d'un fait avéré ; un aveuglement dont notre société est parfois victime. S'ouvrir à toutes les possibilités, c'est saisir le maximum d'opportunités, en s'éloignant d'un catastrophisme stérile. C'est l'occasion de penser des espaces, d'y faire germer une nouvelle richesse pour les générations à venir, qu'elles-même pourront développer et enrichir. Le marais breton est l'exemple type d'un territoire où l'homme a pris le pas sur la nature, où il a voulu s'affranchir de contraintes inhérentes à la nature du site, en se positionnant en maître au lieu de s'associer au milieu. Les cycles de la nature y ont encore cours, mais dans un carcan qu'elle essaye de briser de temps à autre, lors de manifestations de sa puissance : tempêtes, inondations... Les activités humaines se sont développées paisiblement derrière un mur, sans impudence pourtant : tous ces usagers des prises possèdent la conscience du risque et la cultivent, tout en se plaçant avec conviction dans un rapport de conflit avec la mer : on se défend contre elle grâce aux ouvrages de protection. Le regard porté sur le marais change, ses acteurs porteront cette nouvelle vision. Réapprivoiser la mer, d'abord en réapprenant à vivre grâce à ses apports sur un territoire qui a longtemps vécu ainsi, puis en vivant avec la mer, en lui laissant l'espace qu'elle convoite. Et faire un pied de nez au regard emprunt d'ennui par une apparente monotonie en y retrouvant le rythme des marées, des saisons, au cœur même du marais, embrasser l'individualité et l'identité maraîchine. C'est ainsi faire naître un nouveau paysage, où la temporalité des usages est emblématique de la réconciliation entre l'homme et la mer.

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bibliographie Augé M., 2012, Pour une anthropologie de la mobilité. Rivages poche / petite bibliothèque. Boutin É., 2004, Pays de Retz. Éditions France Empire. Bouzillé J.-B., 1992, Structure et dynamique des paysages, des communautés et des populations végétales des marais de l'ouest. Thèse Université de Rennes, soutenue le 5 mars 1992 devant la Commission d'Examen. Cahiers nantais n°27, 1986, Socio-économie du littoral, « Baie de Bourgneuf ». Institut de Géographie et d'Aménagement Régional, Université de Nantes. Collectif Argos, 2010, Réfugiés climatiques. Dominique Carré éditeur, Paris. Encyclopaedia Universalis, 2005, Dictionnaire des Notions. Encyclopaedia Universalis. Friedman Y., 2nde édition 2008, Utopies réalisables. Éditions de l'éclat, Paris-Tel-Aviv Goeldner-Gianella L., 2000, L’Allemagne et ses polders. CTHS, Paris. IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change), 2013, Climate change 2013, The Physical Science basis, Summary for Policymakers. IPCC, Suisse. 132

Lamunière I., 2006, Habiter la menace. Presses Polytechniques Universitaires Romandes, Lausanne. Legrain D., 2001, Jardins du littoral. Actes Sud et le Conservatoire du Littoral. Les Carnets du Paysage n°17, 2008, Des défis climatiques. Actes Sud et l'École Nationale Supérieure du Paysage, Arles. Les Carnets du Paysage n°20, 2010, Cartographie. Actes Sud et l'École Nationale Supérieure du Paysage, Arles. Les Carnets du Paysage n°19, 2010, Écologies à l'oeuvre. Actes Sud et l'École Nationale Supérieure du Paysage, Arles. Norois n°222, 2012, Xynthia. Presses Universitaires de Rennes, Rennes. Pelt J.-M., 2007, C'est vert et ça marche ! Éditions Fayard. Perraudeau G., Vrignaud E., 2011, Mémoires en images, Le marais Nord Vendéen, Photographies de Jean Challet (19521965). Éditions Alan Sutton, Saint-Cyr-sur-Loire. Préfecture de la Régon des Pays de la Loire, Secrétariat Général pour les Affaires Régionales, 1994, Schéma de Mise en Valeur de la Mer Baie de Bourgneuf. Rousseau J., 1967, Bouin, l'isle au péril de la mer. Imprimeries Rezeau – Cadix Successeur, Luçon. Verger F., 2009, Zones humides du littoral français. Éditions Belin.


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iconographie Page 16 : REUTERS / Erik De Castro - photographie du typhon Haiyan aux Philippines Page 23 : www.agri85.fr - photographie d’une submersion lors de la tempête Xynthia Page 60 : survoldefrance.fr / Claude Dubois - photographie aérienne du polder du Dain Toutes les autres pièces graphiques et photographies sont personnelles.

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merci À Anne-Sophie Verriest-Fenneteaux & Christophe Le Toquin pour leur suivi. À Bruno Ricard, Aux enseignants de l'ENSNP pour leurs précieux conseils : Céline Collin-Bellier, Fred Maillard, Grégory Morisseau, Lolita Voisin & Sébastien Bonthoux. À Gaëtane de la Forge, Barbara Monbureau, Marie-Laurence Inchauspé, Loïc Ménanteau, Jean Magne, Jean-Guy Robin, Perrine Dulac, aux membres de l’ADBVBB. Mais aussi à Jean-Pierre Robard, Pierrette, Camille, Jean-Pierre Ptitmarin, Stanley Potier, Alexis Moreau, Christian Francheteau, Thierry Odéon, tous les habitants & promeneurs de ce territoire avec qui j'ai pu échanger.

À mes parents pour leur soutien, ma soeur pour son regard bienveillant sur mon avancée. À tous ceux qui m'ont transmis leur amour de la mer et de la nature, vous vous reconnaîtrez. À mes colocataires Bamb’, Lise & Sylvain pour le partage d’un quotidien exceptionnel.


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annexes


lexique aquaculture : ensemble de toutes les activités de culture de plantes marines et d’élevages d’animaux marins avifaune : partie de la faune d’un lieu constitué par les oiseaux baissée : mouvement descendant du niveau de l’eau bosse ou bossis : terre-plein formé par les déblais liés au creusement des marais salants ou des marais à poissons buse : canalisation hydraulique ménagée sous une digue ou un chemin charraud : dans le marais breton-vendée, chemins d’exploitation claire : bassin ostréicole etébli sur les schorres ou d’anciens marais salants où les huîtres s’affinent et verdissent coefficient de marée : grandeur sans dimension caractérisant l’oscillation verticale de la marée déterminée par les ondes semi-diurnes conforme : qualifie la pente vers la mer d’un marais ou d’un schorre contraire : qualifie la pente opposée à la mer d’un marais ou d’un schorre corsive : terme vernaculaire des marais vendéens désignant un chenal dans le schorre dépolderisation : action consistant à détruire des polders littoraux que l’on rend à la mer ; plus largement on parle de dépoldérisation lorsqu’on admet à nouveau l’eau de mer dans un ancien polder digue de mer : digue directement exposée à la mer digue dormante : digue sans utilité hydraulique actuelle ; les digues ne sont plus entretenues quand elles ne sont pas dégradées par réutilisation de leurs matériaux et aménagement des voies qui les franchissent écluse : ouvrage ménagé dans un cours d’eau, afin d’interrompre et de libérer à volonté l’écoulement ; les écluses peuvent être établies pour satisfaire les besoins de la navigation ou pour réguler la circulation des eaux qu’elles soient douces ou salées étier : chenal à l’intérieur du marais et soumis à la marée ; cet hydronyme a parfois été conservé dans des cours d’eau où l’on a interdit la pénétration des eaux salées flot : courant qui accompagne la montée dans le cas d’une onde stationnaire ; courant qui porte dans le sens de la progression d’une onde progressive ganivelle : petite palissade en bois destinée à fixer le sable pour protéger ou reconstituer les dunes littorales gilgai : terme vernaculaire australien passé dans le vocabulaire géomorphologique et pédologique international et désignant un microrelief dû à une alternance de gonflement par hydradation et de retrait par dessication de sols gonflants goulet : passage étroit emprunté par le flot et le jusant intertidal : compris dans l’espace affecté par la marée jusant : courant qui accompagne la baissée dans le cas d’une onde stationnaire ; courant qui porte dans le sens inverse de la progression d’une onde progressive ; dans un estuaire, courant de même sens que le courant fluvial lagune : étendue d’eau isolée par la mer par un cordon littoral lido : cordon littoral isolant une lagune de la mer marais desséché : partie d’un marais maritime soustrait aux inondations par des digues et un système hydraulique approprié ; le terme n’est pas appliqué aux prises littorales

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marais doux : marais parcouru exclusivement par les eaux douces marais gâts : anciens marais salants abandonnés marais salant : marais destiné à la production du sel par évaporation de l’eau de mer marais salé : marais parcouru par les eaux salées marnage : dénivellation entre le niveau de la pleine mer et celui de la basse mer misotte : terme vernaculaire désignant le schorre en Vendée et en Charente-Maritime ; ce terme désigne aussi la puccinellie, plante caractéristique de ce milieu montée : mouvement ascendant du niveau de l’eau morte-eau : marée la plus faible dans un cycle d’un demi-mois lunaire mottureaux : buttes gazonnées de type gilgai, ce terme vernaculaire du marais Poitevin est entré dans le vocabulaire géomorphologique ombilic : dépression creusée par des courants rapides dans la brèche d’une digue ou d’un goulet de marée oeillet : dans un marais salant, compartiment où l’on récolte le sel passée : moment du soir où les oiseaux changent de lieu pointe aux herbes : forme d’avancée limitée du schorre sur la slikke, le long d’un chenal pré salé : désigne dans le langage courant le schorre, ou tout particulièrement un schorre pâturé ou fauché prise : terme vernaculaire désignant des polders dans l’ouest de la France régression : déplacement du trait de côte vers la mer ressuyage : drainage ou égouttement d’un sol agricole, notamment après une inondation SAGE : schéma d’aménagement et de gestion des eaux sansouire : terrains salés occupés par une formation végétale où dominent les salicornes buissonnantes schorre : partie supérieure des étendues intertidales faites de sédiments fins accumulés par les pleines mers et couvertes d’un tapis végétal halophile SHOM : service hydrographique et océanographique de la marine sillon : dépression allongée slikke : estran fait de vase taillée : canal dans un marais tangue : sédiment calcaire de granulométrie intermédiaire entre celle des vases et celle des sables ; ce sédiment comprend une forte proportion de débris calcaires coquilliers tidal : en relation avec la marée transgression : avancée du trait de côte sur une étendue terrestre vasière : étendue intertidale faite de vase, appelée aussi slikke vimer : tempête particulièrement forte avec inondations vive-eau : marée semi-diurne maximale dans un cycle d’un demi-mois lunaire wadden : ensemble de l’étendue intertidale des estrans faits de sédiments fins des mers à marée, sans y inclure les schorres wantij : lieu de rencontre de deux flots en arrière d’une île ; désigne aussi le faîte sédimentaire qu’elle édifie -- D’après le lexique de F. Verger, Zones humides du littoral français.


d’une notion à une autre... migration Migrer, c'est se déplacer, changer de lieu. La migration des populations est considérée comme une des formes de la mobilité qui s'inscrit dans l'espace géographique. Cette notion désigne à l'origine le déplacement d'un pays à un autre en vue de s'y établir. On a par la suite employé le mot pour désigner des déplacements de moindre amplitude spatiale et temporelle : migrations journalières ou pendulaires pour les navettes quotidiennes, migrations de vacances. Pour ces mouvements, beaucoup préfèrent cependant le terme générique de mobilité. L'emploi scientifique du terme migration est réservé au sens restreint de déplacement exceptionnels entraînant l'installation durable dans un lieu autre que le lieu d'origine. On mesure toutefois à quel point la limite entre mobilité et migration est subjective, d'autant que la notion de résidence habituelle est aujourd'hui remise en cause par l'extension de la double résidence et la distension de l'espace habituel de vie. En ce sens, on peut considérer que le nomadisme n'est pas une migration. La migration, parce qu'elle se situe à la fois dans le temps et dans l'espace, qu'elle est renouvelable et réversible, est donc un phénomène difficile à appréhender ; sa définition est en partie subjective, et sa mesure particulièrement malaisée. Migrations internes et migrations internationales. Selon que le migrant franchit ou non une frontière internationale, on parle de migration internationale ou de migration interne. Ces déplacements sont distingués également selon la durée (migration temporaire, de longue durée, définitive), les motifs (éducation et formation, recherche d'un emploi, regroupement familial, exil politique), la liberté de décision (migration spontanée ou forcée). Ces classifications, certes commodes, sont néanmoins simplificatrices : le projet d'un migrant peut évoluer dans le temps, et les raisons de son déplacement se mêlent souvent entre elles. Aujourd'hui, la mobilité, synonyme de liberté de mouvement, d'échange, de faculté d'adaptation est valorisée. Reste que le discours développé par les pays d'accueil n'est pas dénué d'ambiguïté : l'encouragement à la mobilité de leurs ressortissants contraste avec l'accueil équivoque réservé aux migrants. -- D’après le texte de Lucile Médina, Dictionnaire des Notions

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mobilité

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Les frontières permettent de symboliser l’espace en le compartimentant. Elles ne s’effacent jamais, elles se redessinent, tant dans l’espace que dans le temps et c’est là une forme de l’avenir que l’on peut entrevoir. Nous ne vivons pas dans un monde achevé dont nous n’aurions plus qu’à célébrer la perfection en le protégeant. Les bâtisseurs construisent sur les ruines de leurs prédécesseurs, il en a toujours été ainsi. Parfois la nature reprend ses droits, la végétation s’empare de la pierre et modèle à son tour d’étranges architectures, la mer engloutit des terres pour faire profiter le monde marin de nos constructions. C’est un privilège que de pouvoir se rendre sur des ruines pour y méditer sur le temps qui passe, sur la vanité des destins humains et qui fascine le tourisme d’aujourd’hui. Le spectacle des ruines parle d’avantage de l’humanité que de l’histoire, le temps des ruines ne dit pas l’histoire mais y fait allusion. Tout le charme est là : cette incertitude allusive a l’apparence d’un souvenir. Il faut penser la mobilité à différentes échelles, de temps et d’espace. La concevoir dans l’espace mais pas dans le temps est la caractéristique de notre pensée contemporaine, paralysée, sidérée et prise au piège d’une accélération que l’on ne contrôle plus. Courage politique et esprit scientifique sont fait du même bois, il faut prendre conscience de ce fait pour arrêter de se réfugier derrière les vieilles divisions spatiales qui définissaient autrefois notre quotidien – frontières, cultures, identités. Il n’est pas question de faire table rase, mais d’accepter le changement et l’évolution. Nous avons un besoin d’utopie, non pour rêver de la réaliser mais pour y tendre et nous donner ainsi les moyens de réinventer le quotidien. L’éducation doit faire apprendre à bouger le temps et l’espace, à tous. -- D’après l’ouvrage de Marc Augé, Pour une anthropologie de la mobilité

utopie réalisable L’utopie au sens courant et erroné implique une résignation préalable. Cependant il existe une utopie réalisable, à l’intersection du projet et de l’utopie. Avant de proposer de changer la conduite des autres, on a besoin de réfléchir et d’étudier quels aspects sont à faire évoluer et de quels moyens on dispose pour y parvenir. Il s’agit de trouver un stratégie permettant d’obtenir le changement recherché. -- D’après l’ouvrage de Yona Friedman, Utopies réalisables


développement durable La notion de développement durable, traduction convenue à défaut d’être satisfaisante de l’anglais « sustainable development », a été popularisée par le rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, créée en 1983 par l’ONU puis promue par les Sommets de Rio 1992 et de Johannesburg 2002. Cette notion constitue une réponse aux deux grands déséquilibres planétaires : une répartition très inégale de la richesse, qu’illustre parfaitement la donne énergétique mondiale ; une dégradation dangereuse de la biosphère (imputable à la concentration de gaz à effet de serre, à l’érosion accélérée de la biodiversité, à l’accumulation de polluants divers...) qui compromet le développement et peut-être l’existence même des générations futures. Le développement durable est censé concilier les trois dimensions suivantes des sociétés humaines : économique, sociale et écologique. La finitude désormais maintes fois éprouvée des techniques mises au point par l’homme, à savoir le fait que lesdites techniques peuvent engendrer à plus ou moins long terme des effets imprévisibles et dommageables, ainsi que le caractère partiellement chaotique du système climatique s’opposent définitivement aux rêves de la maîtrise de la nature. Mieux vaudrait tirer au plus tôt les conséquences de l’asymétrie des capacités de l’homme, destructrices d’un côté et réparatrices de l’autre. La viabilité des services que nous rendent gratuitement les écosystèmes (épuration de l’air et de l’eau, régulation du climat, régénération de la fertilité des sols, pollinisation...) est mise en péril, or ces services sont nécessaires autant à l’agriculture qu’à l’industrie. La nature va-t-elle continuer à s’uniformiser et se fragiliser ? Les monocultures, qui ne tolèrent aucune biodiversité, sont les systèmes les plus fragiles qui soient. Or l’homme ne saurait vivre sans ces services qu’il fragilise, et auxquels il est, le plus souvent, incapable de substituer des artefacts. Au-delà même des implications politiques, environnementales et économiques, l’enjeu est celui d’une civilisation nouvelle. Un problème majeur dans la condition de durabilité est celle des démocraties soumises au rythme des élections, dont les résultats doivent être perceptibles par les populations à très court terme. Ne serait-ce qu’à moyen terme, nul ne sait ce qu’il adviendra. Aujourd’hui, plus question d’invoquer l’excuse de l’ignorance de la situation. Le concept de résilience est primordial, il s’agit de résister à un choc par l’adaptation. C’est dans la nature humaine de ne bouger qu’en cas d’impérieuse nécessité. Il s’agit de faire du développement durable une règle de conduite et un thème mobilisateur, il est de transmettre et de faire partager cet espoir du changement. -- D’après le texte de Dominique Bourg, Dictionnaire des Notions et l’ouvrage de Jean-Marie Pelt, C’est vert et ça marche !

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arnaudfache@gmail.com


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La commune de Bouin, autrefois une île, c’est aujourd’hui une terre de polders qui font du littoral une ligne brisée presque entièrement créée par la main de l’Homme. Marais littoral appelé Marais Breton, les activités agricole et ostréicole se partagent les terres émergées, l’ostréiculture occupant un fin bandeau terrestre avant de s’étendre loin dans l’espace entre le marais et l’île de Noirmoutiers qui fait face à Bouin. Car si le nom de Bouin ne marque pas, ses huîtres sont connues bien au-delà des limites de la Vendée. Lieu d’échange par excellence, c’est un marais maritime. Ce que nous observons aujourd’hui n’est qu’un état dans la vie du littoral. L’installation humaine s’est faite avec une notion du risque, qui faisait partie de la culture. Les habitations, posées sur les points hauts, devaient assister au ballet de la mer, couvrant et découvrant l’estran. Les gains sur la mer, de façon clairsemée et modeste, ont commencé dès le XVIIe siècle, avant d’être étendus à grande échelle. Le trait de côte «naturel» est encore visible sur les photos aériennes. Avec la tempête Xynthia, en 2010, la vulnérabilité des milieux littoraux face à des événements de cet ampleur a été prouvée, une dure leçon pour les populations locales. Les traces sont encore visibles aujourd’hui : structures pour la pêche au carrelet à demi détruites et digues empierrées, bétonnées en hâte, deux exemples parmi d’autres. La mauvaise image des marais, sa mythologie inquiétante et parfois repoussante, est bien loin à présent. La qualité des marais, notamment d’un point de vue environnemental, est avérée. Cependant, les digues qui longent la côte sont une barrière écologique, décalant les milieux, retenant la mer, l’empêchant ou du moins la restreignant dans son contact avec la terre. Barrière visuelle aussi, pour le promeneur qui emprunte les chemins et routes dans les terres, un mur se tient sur l’horizon et au-dessus, le ciel ; la mer est invisible. Les cultures offrent des dizaines de teintes, du jaune moutarde au vert tendre, qui se déclinent en d’innombrables textures. La richesse visuelle de ces terres nous fait remarquer l’importance de l’économie agricole. Dans ce monde horizontal, se dressent huit éoliennes dont la présence se veut l’écho du passé de la région qui comptait nombre de moulins à vent. Si l’on observe bien, ce sont les clochers et de petits amas de maisons que l’on distingue. Le vent ne cesse de souffler, s’imposant et balayant les terres. Les nuages nous rappellent que la puissance dévastatrice des tempêtes maritimes n’est jamais loin. Dans le contexte de la montée des eaux tel que nous le connaissons actuellement et des tempêtes de forte intensité, les territoires proches de la mer font l’objet d’études et de plans de prévention des risques d’inondation. Mon intérêt se porte sur le marais de Bouin, territoire peu peuplé où les îlots d’habitations sont clairement définis. Faut-il lutter pour conserver ces terres, ou laisser la mer les reprendre ? Comment la population locale va s’adapter à ce changement ? Quelles mesures concrètes pour les habitations doit-on proposer ? Un phasage sur les 10, 20, 50 et 100 prochaines années est à envisager, pour que la transition se fasse sans trop de heurts. C’est un espace nourricier : pêche, ostréiculture, agriculture et production d’énergie s’y côtoient. Quel avenir pour ces activités ? Comment vont-elles se déplacer dans ce territoire ? Quels seront les impacts sur la faune et la flore ? Enfin, quels seront les effets sur le paysage, et la perception qui en découlera sur ce site d’une grande beauté et qui a été préservé des outrages du tourisme abusif ?

le marais breton en baie de bourgneuf le changement climatique, clé de réflexion pour l’avenir École Nationale Supérieure de la Nature & du Paysage

9 rue de la Chocolaterie 41000 BLOIS +33 (0)2 54 78 37 00 www.ensnp.fr


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